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Internet et les nouvelles formes de participation politique

Sur les liens entre “Internet et les nouvelles formes de participation politique”, un appel à communications pour un colloque organisé à Lille les 28 et 29 mars 2019 par le projet ANR APPEL (ANR-14-CE29-0010) est lancé, la date limite d’envoi des propositions étant fixée au 31 décembre 2018. Ce colloque est organisé avec le soutien du CERAPS (Université de Lille), partenaire institutionnel de l’AFSP, du CEDITEC (UPEC), du CEVIPOL (Université Libre de Bruxelles) et du CReSPo (Université Saint-Louis-Bruxelles).

Calendrier :

  • Date limite d’envoi des propositions : 31 décembre 2018 (Les propositions de communication, d’un maximum de 1000 mots, sont à déposer sur le lien suivant:  https://goo.gl/forms/0EkYEYY2kxIYchgb2 )
  • Réponse : 15 janvier 2019
  • Envoi des communications : 15 mars 2019
  • Colloque : 28 et 29 mars 2019

  

Comité scientifique : Comité scientifique : Christine Barats (sciences de l’information et de la communication, CEDITEC, Université Paris Descartes), Jean-Gabriel Contamin (science politique, CERAPS, Université de Lille), Anne Dister (linguistique, Université Saint-Louis-Bruxelles); Philippe Gambette (informatique, LIGM, Université Paris-Est Marne-la-Vallée); Jean-Marc Leblanc (sciences du langage, Ceditec, UPEC), Martine Legris-Revel (sociologie, CERAPS, Université de Lille), Régis Matuszewicz (science politique, CERAPS, Université de Reims), Marcel Moritz (droit, CERAPS, Université de Lille), Olivier Paye (science politique, CRESPPO, Université Saint-Louis-Bruxelles), Marie Peres-Leblanc (TICE, CEDITEC, UPEC), Jean-Benoît Pilet (science politique, CEVIPOL, Université Libre de Bruxelles), Thomas Soubiran (Méthodes des sciences sociales, CERAPS, Université de Lille), Julien Talpin (science politique, CERAPS, CNRS), Stéphanie Wojcik (sciences de l’information et de la communication, CEDITEC, UPEC).

  

Lien pour envoyer les propositions de communication :
https://goo.gl/forms/0EkYEYY2kxIYchgb2

 

Appel à communications

Les études sur la participation politique ont mis en évidence depuis déjà longtemps une profonde différence entre le petit nombre de celles et ceux qui participent beaucoup et la grande majorité des citoyen.ne.s qui ne participent qu’à très peu d’activités politiques, et pas toujours selon des considérations elles-mêmes « politiques » (Gaxie, 1978).

Toutefois, selon les tenants du paradigme de la mobilisation (« (new) mobilization ») (Hirzalla, van Zoonen et de Ridder, 2011), la baisse des coûts de participation, rendue possible par internet, aurait favorisé l’inclusion de nouveaux participants, notamment issus de groupes sociaux que des contraintes structurelles propres tenaient jusque-là éloignés des « formes instituées et temporellement circonscrites de la participation » (Wojcik, 2011).

Des travaux empiriques, aux Etats-Unis mais aussi en Europe, mettent ainsi en évidence les effets réels – bien que modestes – d’internet sur la mobilisation de nouveaux participants (Boulianne, 2015; Christensen, 2011). Selon eux, non seulement les médias sociaux – comme YouTube, Twitter, Flickr, Facebook, Tumblr etc. – servent pour des activités politiques, mais aussi l’utilisation d’internet inciterait davantage à voter ou à participer politiquement (Lee et alii, 2013), si bien que même le temps passé à “surfer tous azimuts” pourrait accroître l’activité politique (Wright, 2012; Margetts, 2015; Vaccari et alii, 2015). Certains avancent même que la maîtrise de l’internet pourrait être la ressource ou le coût d’entrée principal(e), voire unique, pour participer en ligne, indépendamment d’une quelconque motivation politique (Krueger, 2002 ; Anduiza et alii, 2010; Borge et Cardenal, 2011; Vicente et Novo, 2014).

L’activisme online se serait donc ajouté à l’activisme hors ligne selon des articulations encore pour partie à interroger. Pour certains, il ouvrirait sur de nouvelles logiques d’engagement, les logiques de l’action « connectée », différentes des logiques traditionnelles de l’action collective (Bimber et alii, 2005; Bennett et Segerberg, 2012), qui se traduiraient, comme pour l’activisme hors ligne, par des sous-modèles de e-participation (Cantijoch et Gibson, 2013) réfractant une pluralité de rapport au politique, du plus distant au plus actif (Leonard, 2009; Christensen, 2011; Vie, 2014). Il se traduirait ainsi par l’émergence de nouveaux modes d’action (Granjon, 2002a; Peretti et Micheletti, 2004; Greffet et Wojcik, 2008; Badouard, 2013; Théviot et Mabi, 2014; Babeau, 2014; Halupka, 2014), voire de nouveaux répertoires d’action (Granjon, 2002b, Van Laer et alii, 2010).

Pour d’autres, il y aurait plutôt des formes d’hybridation entre activisme en ligne et hors ligne (Wright, 2015). Celui-là pourrait notamment contribuer à la revitalisation d’un ensemble d’anciennes pratiques politiques, en les ouvrant à de nouveaux acteurs et à de nouvelles thématiques (Riehm et alii, 2014; Puschmann et alii, 2017). Il pourrait aussi permettre de subvertir certaines des limites traditionnelles de l’action collective (Margetts et alii, 2009). Il se traduirait surtout par des formes d’hybridation entre engagement hors ligne et engagement en ligne, variables selon les modes d’action et les individus (Bastos et alii, 2015; Lee et Chan, 2016).

Ces nouveaux acteurs/nouvelles actrices, impliqué.e.s dans de nouvelles formes d’action, en viendraient aussi à dire le politique autrement. Internet et les médias sociaux seraient en effet le théâtre de nouvelles formes d’énonciation politique, plus personnelles, plus « expressivistes » (Monnoyer-Smith, 2011), plus créatives, associées à des figures et des formats propres (Babeau, 2014; Benson, 2017). Que ce soient dans les anciens oripeaux du pétitionnement (Boure et Bousquet (2010, 2011); Hagen et alii, 2016) ou via de nouvelles plateformes comme Youtube (Van Zoonen et alii, 2010), s’inventeraient de nouvelles façons de parler politiquement et de s’engager politiquement.

Enfin, ces formes de participation politique, nouvelles tant par leurs auteurs que par leurs modes et leurs contenus, seraient supposées, selon certains, bénéficier aussi d’un impact nouveau. C’est ce que démontrent certains travaux en se focalisant sur des politiques publiques spécifiques  (Alathur, 2007; Navarria, 2010; Cotton, 2011; Panagiotopoulos, 2010; Morva, 2016). C’est ce qu’H.Margetts théorise pour l’action publique en général (Margetts, 2009). C’est surtout l’antienne qu’on retrouve dans l’ensemble des discours des cyber-enthousiastes qui mettent en avant les vertus démocratisantes des nouvelles technologies, depuis les travaux séminaux de Seymour Lipset (1960) jusqu’à ses différentes formes d’actualisation au fur et à mesure de la découverte et du développement de nouvelles technologies présentées comme des « technologies de la liberté » (Sola Pool, 1983) qui remettent en cause le contrôle centralisé des communications, ou comme des « technologies citoyennes » (« citizen technologies ») (Winner, 2014) en ce qu’elles sont supposées offrir à chacun un égal accès à la parole. Cette prophétie semblant s’être concrétisé à l’occasion de ce qui a été présenté comme les « e-révolutions » qui ont touché le « monde arabe » (Lim, 2013; Howard et Hussain, 2013).

Pourtant, les conclusions de ces travaux demeurent contestées. Aux cyberenthousiastes des démocraties occidentales et aux partisans de la thèse de la « mobilisation », s’opposent soit les tenants de la thèse de la “normalisation” (“normalization” ou “reinforcement”) (Margolis et Resnick, 2000), selon lesquels, pour l’essentiel, internet ne changerait rien à la participation politique, soit ceux de la thèse de la “substitution” qui arguent que les nouvelles technologies pourraient nourrir le « clicktivism » (ou « slacktivism » : activisme « mou » ou « paresseux ») (Shulman, 2009; Morozov, 2011) d’individus dont l’activité/activisme politique non-conventionnel(le) ne se concevrait et ne s’exprimerait plus que par internet (pétitions en ligne, groupes Facebook, etc.) tant ils auraient renoncé à franchir le pas de l’activisme offline dont ils ne souhaiteraient pas supporter les coûts et risques (déplacement, exposition publique, répression policière, etc.).

Se multiplient ainsi les travaux qui, en mettant la focale sur des pays, des media et modes d’action différents, à partir de dispositifs méthodologiques différents, se retrouvent pour conclure que, pour l’essentiel, ce sont des citoyens déjà actifs hors ligne qu’on retrouve dans les activités en ligne, si bien qu’Internet offrirait plutôt de nouvelles opportunités à ceux-ci qu’il conduirait à la mobilisation de citoyens auparavant passifs. Tout au plus, noterait-on un regain dans les catégories les plus jeunes, mais sans que les différences sociales ne soient réduites (Bimber, 1999 et 2001 ; Norris, 2003; Schlozman et alii, 2010; Van Laer, 2010; Oser et alii, 2013; Carlisle and Patton, 2013; Carman, 2014; Neihouser, 2014; Best et Krueger, 2005; Boyadjian, 2016; Escher et Riehm, 2017).

Certains avancent même qu’Internet ajouterait à la « fracture sociale » une « fracture numérique » (Norris, 2001), non seulement pour des raisons techniques, mais aussi et surtout pour des raisons cognitives. Internet exacerberait les différences d’activité entre les citoyens dans la mesure où seuls les plus instruits et les plus intéressés à la politique tireraient un réel bénéfice des nouvelles opportunités technologiques (Thomas et Streib, 2003; Weber et alii, 2003; Van Laer, 2010; Lindner et Riehm, 2011). On constaterait une hyper concentration des discussions (Dormagen et Boyadjian, 2016). On pourrait parler d’une « fracture numérique de second niveau (Min, 2010). D’autant qu’au-delà même des différences de niveau d’activité, les inégalités sociales et culturelles se retrouveraient distribuées désormais au sein même des pratiques en ligne, et notamment des pratiques politiques (Cardon, 2010).

De la même façon, on interroge la nouveauté des répertoires d’action (Bellon, 2014), celle des changements de contenu (Himelboim et alii, 2009; Dias da Silva, 2015) – en mettant en avant, d’une part, les filiations avec les anciens contenus (Chartron et Rebillard, 2007), et, d’autre part, le caractère faiblement délibératif des échanges liés à ces nouveaux modes d’action (Mutz et Wojcieszak, 2009; Poster, 1997) qui tiennent plus de « flame wars » (Dery, 1994) que de l’espace habermassien tel que l’avait imaginé Howard Rheingold (1994)- et, finalement, celle de leurs impacts. Au-delà de la remise en cause de l’impact des nouveaux médias dans les récents mouvements de mobilisation dans le « monde arabe » (Allal et Pierret, 2013; Contamin, 2016), on questionne leur efficacité en la comparant notamment à celle des modes d’action « traditionnels » (Hooghe et Marien, 2014; Escher et Riehm, 2017) ou en soulignant plus globalement l’incapacité de ces modes d’action à obtenir dans le monde « réel » les résultats espérés (Shulman, 2005 et 2009; Coleman et Blumler, 2009).

Cette idée incite les partisans de la thèse de la substitution à une remise en cause plus profonde encore. D’abord, en interrogeant le caractère politique même de beaucoup de ces échanges et de ces actions (Hoffman, 2012). Ensuite, en se demandant si internet ne détournerait pas les citoyens des véritables actions politiques au profit de formes de participation via les médias sociaux qui n’auraient pas de conséquences politiques réelles et qui serviraient surtout à accroître le sentiment d’utilité et de confort psychologique de ceux et celles qui les font (Morozov, 2011; Harlow et Guo, 2014; Schumann et Klein, 2015). On signerait des pétitions en ligne ou on ferait partie de groupes politiques sur Facebook plutôt que de s’engager dans des campagnes politiques de long terme (Joyce, 2010). On discuterait politique entre amis plutôt que de s’organiser pour influencer directement les autorités publiques (Schlozman et alii, 2010).

Reste qu’entre ces trois positions, les conclusions demeurent contradictoires. Quand certains mettent en avant le rôle politisant de Facebook (Chan, 2016), d’autres démontrent son rôle de « divertissement » à l’égard du politique (Theocharis et Lowe, 2016). Quand certains soulignent qu’Internet n’aurait pas permis un rééquilibrage de la participation politique entre hommes et femmes (Friedman, 2005), d’autres mettent en évidence un effet égalisateur (Sheppard, 2015). La difficulté de conclure est sans doute pour partie liée au fait qu’on utilise des méthodes éprouvées pour étudier la participation politique hors ligne en vue d’analyser ce qu’il en est de la participation en ligne. A l’inverse, on pourrait supposer que l’émergence, la multiplication et la diversification des formes de participation « politique » -le terme étant lui-même à discuter- en ligne (Facebook, twitter, instagram, youtube, forums de discussion, commentaires de sites, sites de pétition en ligne, plateformes plus institutionnelles,…), tout comme les opportunités qu’ouvre aux chercheurs la possibilité d’accéder à de nouvelles données massives, pourrait permettre de poser à nouveaux frais ces questions traditionnelles, à partir de données inédites et à partir de dispositifs méthodologiques eux-mêmes innovants.

C’est précisément autour de ce « pari » que ce colloque est pensé. Il vise à réunir des travaux empiriquement fondés qui, à partir de données nouvelles et/ou de méthodes nouvelles, réinterrogent cette question devenue traditionnelle des effets des nouvelles technologies sur la participation politique, en posant celle-ci à partir des différents angles qui ont pu être abordés :    

  -celui des participants, avec notamment la question de l’articulation entre « fracture sociale en matière de participation politique » (« participatory divide ») et « fracture numérique » (« digital divide »)

  -celui des modes d’actions, avec notamment la question de l’articulation entre modes d’action en ligne et hors ligne

  -celui des contenus, avec notamment la question du renouvellement ou non des formes d’énonciation du politique

  -voire, celui, des impacts, avec notamment la question des formes d’impact et de l’articulation avec l’impact des autres formes de participation politique.

Les travaux interdisciplinaires seront particulièrement bienvenus ainsi que des études qui portent sur des terrains nationaux ou internationaux variés. La dimension éthique et juridique de ce type d’études, qui supposent de travailler des données personnelles parfois pour partie à l’insu de ceux et celles qui les produisent, sera aussi un des enjeux de ce colloque.

 

Les propositions de communication doivent comporter un titre et un résumé de 1 000 mots maximum (bibliographie non comptée) qui spécifient la question de recherche, décrivent les méthodes et les données utilisées et donnent une indication des résultats. Elles doivent être envoyées pour le 31 décembre 2018 sur le lien suivant :

 

https://goo.gl/forms/0EkYEYY2kxIYchgb2

 

Accord du comité scientifique sur la recevabilité de la contribution : 15 janvier 2019

Les auteur.e.s des propositions acceptées devront soumettre des articles complets avant la colloque pour faciliter les publications ultérieures.

Date-limite d’envoi des communications (50000 signes maximum, bibliographie incluse) : 15 mars 2019.

Les langues de communication seront le français et l’anglais. Si nécessaire, un système d’interprétariat sera mis en place (du français vers l’anglais).