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L’UE investit massivement dans les SHS 

Le nouveau programme Horizon Europe marque une avancée sans précédent pour les Sciences Humaines et Sociales. La disparition d’une grande thématique (un « cluster » dans le jargon et l’architecture Horizon Europe) spécifique (ou à forte dominante) en SHS était l’issue la plus probable après la bataille qui avait conduit à sa préservation de justesse dans Horizon 2020. Grâce à la mobilisation des associations représentatives des SHS, la Commission avait finalement proposé une grande thématique « culture, créativité et société inclusive » (cluster 2), il y a deux ans. Après des négociations particulièrement tendues, le budget de cette thématique a finalement été triplé par rapport à Horizon 2020 avec un budget de 2,5% du budget recherche et 1,9 milliard. Ce cluster se déclinera sur le mode d’un triptyque : « la démocratie et la gouvernance », « les transformations sociales » et « la culture ».

Cet investissement permettra de financer des centaines d’équipes transnationales formées chacune autour d’un projet. Le budget moyen s’établira à environ 3 millions d’euros sur trois ans. Ce budget n’est cependant pas le seul à intéresser notre communauté. Une autre grande thématique « sécurité civile pour la société » inclut un important budget recherche sur les politiques de sécurité, le terrorisme et les frontières. En outre, la politique consistant à intégrer les SHS dans les autres grandes thématiques (comme la santé, l’énergie et les transports, le climat, l’agriculture et l’environnement, etc.) a été substantiellement améliorée par rapport aux improvisations d’Horizon 2020, pour permettre une meilleure représentation des travaux et des équipes de sciences humaines et sociales. Enfin, ces budgets sont susceptibles d’évoluer à la hausse dans la mesure où leurs montants actuels ne tiennent pas compte des contributions financières des pays extérieurs à l’UE.

Ce renouveau de l’intérêt pour les sciences humaines et sociales doit beaucoup aux associations représentant les SHS à Bruxelles, et particulièrement à l’investissement de Didier Georgakakis, que l’AFSP a mandaté pour la représenter dans la Confédération européenne des associations de sciences politiques (ECPSA) en 2010 et que nous remercions sincèrement. Vice-président de la confédération responsable des relations avec l’UE, il a contribué à la fondation de l’European Alliance for Social Sciences and Humanities (EASSH) qui est devenue avec l’ECPSA, et sous la présidence d’Olivier Bouin (FMSH), un interlocuteur majeur de la DG recherche de la Commission européenne. Représentant la science politique européenne lors des consultations de la Commission, il a été à l’origine de l’initiative « 1 billion or more for Democratic societies in Horizon Europe » qui a largement circulé dans les milieux européens (cf. ce que ses recherches appellent le « champ de l’Eurocratie ») et dont la doctrine a été opportunément relayée par la publication d’un think tank bruxellois à plus de 30 000 exemplaires en octobre (relayé par l’AFSP le 19 novembre 2020), avant d’être l’un des lanceurs d’alerte auprès des acteurs clefs de cette politique qui a permis de rapatrier 1 point de budget et 900 millions d’euros dans le cluster 2 lors des tous derniers moments de la négociation budgétaire en décembre dernier.

Ce nouvel investissement d’Horizon Europe dans les SHS arrive à point nommé étant donné le contexte de crise que nous connaissons. En ciblant la démocratie, les transformations sociales (notamment les inégalités socio-économiques et leurs effets sociaux et politiques), et la culture dans ses différentes dimensions, il devrait permettre de financer les travaux de nombreux chercheurs européens sur des sujets des plus pertinents.

Pour la recherche en SHS, le nouvel Horizon Europe crée en outre les conditions d’une complémentarité avec d’autres instruments comme l’ERC (dont le budget, largement destiné aux SHS reste constant) et les agences nationales (dont, en France, l’ANR). Surtout, le financement beaucoup plus abondant de la constitution d’équipes transnationales et interdisciplinaires thématiques permettra aux SHS d’accéder enfin à des taux de réussite comparables à d’autres grands domaines scientifiques. L’AFSP encourage donc vivement les politistes et les laboratoires à suivre dès le printemps 2021 les prochains appels à proposition. Il s’agit d’une occasion unique de tirer profit de l’habitude des politistes français à travailler avec les chercheurs d’autres disciplines et de mieux insérer et valoriser les savoir-faire de la science politique made in France dans les réseaux européens et internationaux.

 

Christophe JAFFRELOT, Président de l’AFSP
Michel MANGENOT, Secrétaire Général de l’AFSP