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Le CUREJ, partenaire institutionnel de l’AFSP, organise une journée d’étude intitulée « Réinstallations internationales. Normes, pratiques, expériences » qui se tiendra le 12 juin 2025 à l’Université de Rouen. Un appel à communications est lancé dont la date limite est fixée au 15 février 2025.
Cette journée d’étude interdisciplinaire s’intéresse au mécanisme relativement méconnu de la réinstallation internationale, pourtant devenu un instrument de la gestion des migrations de plus en plus mobilisé par les gouvernements occidentaux. Celui-ci leur permet, en sélectionnant à distance les réfugié.es accepté.es, de respecter leurs engagements internationaux en matière d’asile tout en contrôlant étroitement les entrées sur leur territoire national. Introduite en France dans les années 2010, la réinstallation produit ainsi une nouvelle catégorie migratoire, celle des « réinstallé.es ». S’ils et elles ne sont que quelques milliers entrés en Europe de cette façon depuis une quinzaine d’années, il est probable que ce mécanisme devienne une alternative à l’asile traditionnel, dans le prolongement d’autres mesures d’externalisation mises en place par les Etats.
Dans ce contexte, cette journée d’étude entend interroger la place de la réinstallation dans les politiques migratoires mondiales, européennes et françaises, sa concrétisation à travers des politiques publiques diverses, régionalisées et nationalisées, mais également le vécu de cette procédure particulière qui transpose, après des années d’attente, des individus sur un territoire dont ils ignorent tout et qu’ils n’ont pas choisi.
Cette journée s’organise autour de trois axes de recherche:
(1) Réinstallation, réinstallations: la pratique à travers le temps et l’espace
(2) Le renouveau contemporain de la réinstallation: procédures administratives et intentions politiques
(3) L’expérience sensible de la réinstallation: confrontations, vécus, interconnaissances
Les propositions de communication (350 à 500 mots) sont à envoyer au plus tard le 15 février 2025 à pauline.brucker@univ-rouen.fr
Consultez ci-dessous l’appel à communications complet
Souvent inconnue du grand public, la réinstallation est pourtant devenue un instrument de la gestion des migrations de plus en plus mobilisé par les gouvernements occidentaux, leur permettant, notamment, de respecter leurs engagements internationaux en matière d’asile tout en contrôlant étroitement les entrées sur leur territoire national. La réinstallation permet en effet aux Etats de choisir, à distance et en amont, parmi un panel de personnes réfugiées souvent présélectionnées par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (le HCR). Introduite en France dans les années 2010, la réinstallation produit ainsi une nouvelle catégorie migratoire, celle des « réinstallé.es ». S’ils et elles ne sont que quelques milliers entrés en Europe de cette façon depuis une quinzaine d’années, il est probable que ce mécanisme devienne une alternative à l’asile traditionnel, dans le prolongement d’autres mesures d’externalisation mises en place par les Etats (Van Selm, 2004 ; Tissier-Raffin, 2018 ; Hasimoto, 2018).
Dans ce contexte, cette journée d’étude entend interroger la place de la réinstallation dans les politiques migratoires mondiales, européennes et françaises, sa concrétisation à travers des politiques publiques diverses, régionalisées et nationalisées, mais également le vécu de cette procédure particulière qui transpose, après des années d’attente, des individus sur un territoire dont ils ignorent tout et qu’ils n’ont pas choisi. Ce faisant, il s’agit de s’intéresser à une pratique méconnue, récente et sur laquelle peu de travaux existe encore, en particulier sur sa conduite et ses effets sur le continent européen et la France en particulier.
Les recherches menées jusqu’à présent ont principalement appréhendé la procédure de réinstallation à travers trois perspectives. La première concerne sa pratique depuis les pays de premier refuge, et menée en particulier par les acteurs du gouvernement international de l’asile. Ces travaux soulignent l’opacité qui encadre la procédure, l’incertitude de quotas jamais clairement établis, les critères de sélection mouvants et jamais clarifiés (Sandvick, 2011 ; Thomson, 2012). Ils soulignent aussi ce que cette pratique fait aux mandats des organisations en charge de la protection des réfugiés, au premier rang desquels le HCR, et en particulier en termes d’octroi de pouvoir aux institutions humanitaires (Linsday, 2017 ; Garnier, Sandvick, Jubilut, 2018). Tous ces travaux soulignent à la fois l’arbitraire et l’attente qui caractérisent la procédure de réinstallation. Ces recherches toutefois se sont moins penchées sur le rôle et le pouvoir des Etats dans ces procédures de sélection, en dehors du cas étatsunien (Zucker, 1983 ; Knight, 2017) ainsi que les procédures d’accueil après l’arrivée dans le pays de réinstallation. Enfin, quelques travaux ont abordé la réinstallation comme outil de diplomatie migratoire mobilisé par les Etats de destination finale (Micinsky, 2017)
D’autres recherches se sont quant à elles intéressées à l’expérience de la réinstallation pour les réfugiés, et ce surtout en amont de la réinstallation à proprement parler. Certaines recherches se sont ainsi penchées sur le vécu des réfugié.es dans des camps ou dans des refuges urbains, sur le « rêve » de la réinstallation qui nourrit l’attente (Horst, 2006), sur leurs confrontations à la violence inhérente à cette procédure longue et arbitraire, et sur leurs tentatives de négociation de leur droit à la réinstallation auprès des instances décisionnaires (Jansen, 2008 ; Thomson, 2018 ; Brücker, 2020).
Certains travaux se sont enfin intéressés à l’expérience des réinstallé.es dans leur pays d’accueil, en particulier aux Etats-Unis, pays historique de réinstallation. Les recherches soulignent les difficultés inhérentes à cette installation souvent mal préparée, conduisant à des phénomènes de déracinement, confrontés à des barrières linguistiques et sociales (Wachter et al., 2016 ; Darawsheh et al., 2022). Toutefois, les recherches sur les réfugié.es dans les démocraties occidentales ont tendance à faire abstraction du mode d’arrivée comme facteur d’influence sur les trajectoires ultérieures et ne permettent pas toujours de distinguer les effets spécifiques d’un tel mode de migration (voir par exemple Robertson, 2015). Or, confronté.es à un nouveau pays dont ils ne maitrisent pas les codes, considérés comme « chanceux.ses » car passé.es par une procédure qui leur épargne nombre de risques inhérents aux routes migratoires contemporaines, les réinstallé.es voient souvent leurs difficultés minorées alors même que les problématiques de leur intégration et leur bien-être apparaissent comme un défi de taille.
Dans un contexte de renouvellement de la pratique de la réinstallation, en particulier en Europe et en France, cette journée d’étude entend prolonger ces travaux en s’intéressant à la fois aux pratiques de la réinstallation et à leurs expériences à travers trois axes de recherches :
La réinstallation est un instrument historique de la gouvernance globale des migrations, créé notamment dans le contexte post Seconde Guerre mondiale. Sa pratique a très largement évolué jusqu’à aujourd’hui, adoptant différentes formes, voire différentes appellations, et ce en fonction de contextes géopolitiques globaux et régionaux changeants, plus ou moins favorables aux migrations, et en particulier à la protection de certaines nationalités et/ou groupes sociaux.
Cet axe de recherche s’intéresse à l’historicité et l’évolution de cet instrument du contrôle migratoire dévoilant aujourd’hui un visage pluriel. On s’intéresse donc ici à l’ensemble des procédures se rapportant à des formes de réinstallation, bien qu’elles n’en aient pas nécessairement le titre (ex. couloirs humanitaires).
Le renouveau de la réinstallation dans les politiques migratoires contemporaines pose différentes questions. La première relève de la mise en pratique concrète de ces procédures et des dispositifs qui sont mis en place entre l’Etat de premier asile et l’Etat de destination, mais aussi au sein de l’Etat de destination, au croisement à la fois des dynamiques de décharge intranationale et d’externalisation internationale de l’action publique. Concrètement, on se demandera quel(s) rôle(s) jouent les institutions de l’asile, les associations ? Comment se passe les sélections, les départs, les arrivées ? Quelles coopérations entre acteurs et territoires produit la réinstallation ? Comment celle-ci recompose les pouvoirs et mandats des structures en question ? Quels rapports de pouvoir naissent dans ces configurations particulières ?
Aux procédures administratives s’ajoute également la question des intentions politiques derrière ce renouveau institutionnel. Comment peut-on comprendre le nouvel intérêt suscité par cette procédure ? Comment permet-elle l’approfondissement du large mouvement d’externalisation qui caractérise les politiques migratoires contemporaines ? La réinstallation et ses variantes deviennent-elles dans ce contexte un instrument de contournement du droit international de l’asile ? Il s’agira ici dans une perspective touchant au droit de l’asile de s’interroger sur les effets juridiques d’une pratique politique en plein essor.
Notre troisième axe s’intéresse enfin à l’expérience de la réinstallation. L’expérience des réinstallé.es de cette procédure à la fois dans les pays de premier asile mais également voire surtout dans les pays de destination. Comment la réinstallation influence-t-elle les socialisations, les rapports au politique, les modalités de déplacement ultérieurs, les rapports aux institutions de l’asile ? Les modalités d’arrivée sur le territoire (réinstallation, entrée illégale, regroupement familial, etc.) modifient-elles les rapports au territoire et à la société d’accueil ? Nous sommes ici particulièrement intéressé.es aussi par des travaux portant attention aux dynamiques de genre qui structurent ces expériences.
On s’intéressera aussi à l’expérience des travailleurs sociaux, des fonctionnaires internationaux et autres personnels ou individus non refugiés, qui font également l’expérience de la réinstallation, soit qu’ils la vivent sur le plan professionnel, soit qu’ils la vivent en tant que riverains. La réinstallation transpose des individus dans une nouvelle vie impactant tant leur propre trajectoire que celle de ceux et celles qui les entourent. C’est à l’ensemble de ces acteurs que nous nous intéresserons ici.
Bibliographie
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HASHIMOTO, Naoko, 2018, « Refugee Resettlement as an alternative to asylum », Refugee Survey Quaterly,Vol.37, p.162-186
HORST Cindy, 2006, « Buufis amongst Somalis in Dadaab: the Transnational and Historical Logics behind Resettlement Dreams », Journal of refugee studies, Vol.19, n°2, p.143-157.
JANSEN B., 2008, « Between vulnerability and assertiveness: negociating resettlement in Kakuma refugee camp, Kenya», African Affairs, 107(429).
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THOMSON Marnie Jane, 2012, « Black Boxes of bureaucracy : transparency and opacity in the resettlement process of congolese refugees”, PoLAR:Political and legal Anhropology review, Vol.35, n°2, p.186-205.
THOMSON Marnie Jane, 2018, « “Giving cases weight”: Congolese refugee’s tactics for resettlement selection», in Garnier et al. (dir.), Refugee Resettlement;
TISSIER-RAFFIN Marion, 2018, « Réinstallation – Admission humanitaire : solutions d’avenir pour protéger les réfugiés ou cheval de Troie du droit international des réfugiés », La Revue des droits de l’homme, n°13, en ligne.
VAN SELM J., 2004, « The strategic use of resettlement: changing the face of protection », Refuge, (22)1.
ZUCKER Norman, 1983, « Refugee resettlement in the United States : Policy and problems », ANNALS – The American Academy of Political and Social Science, Vol.467, n°1, p. 172-186.
MICINSKI, Nicholas R., 2018, “Refugee Policy as Foreign Policy: Iraqi and Afghan Refugee Resettlements to the United States”, Refugee survey quarterly, Vol.37 (3), p.253-278
DARAWSHEH, Wesam B; TABBAA Sawsan; BEWERNITZ Megan; JUSTISS, Michael, 2022, “Resettlement Experiences of Syrian Refugees in the United States: Policy Challenges and Directions”, Journal of International Migration and Integration, Vol. 23, N° 2, p.591-61
ROBERTSON, Eva K, 2015, “’To be taken seriously’ : women’s reflections on how migration and resettlement experiences influence their healthcare needs during childbearing in Sweden”, Sexual & reproductive healthcare, , Vol.6 (2), p.59-65
WACHTER, Karin ; HEFFRON, Laurie Cook ; SNYDER, Susanna ; NSONWU, Maura Busch ; BUSCH-ARMENDARIZ, Noël Bridget, 2016, “Unsettled integration: Pre- and post-migration factors in Congolese refugee women’s resettlement experiences in the United States”, International social work, Vol.59 (6), p.875-889.
Modalités pratiques
La journée d’étude se tiendra à Rouen le 12 juin 2025. La prise en charge des participants pourra se faire par le biais du CUREJ, en priorité pour les jeunes chercheur.es sans autre source possible de financement.
Les propositions de contributions doivent se faire par le biais d’un abstract de 350 à 500 mots précisant notamment l’axe dans lequel pourrait se situer cette intervention. Ils sont à envoyer avant le 15 février 2025 à Pauline Brücker, à l’adresse suivante : pauline.brucker@univ-rouen.fr
Les propositions seront évaluées par le comité scientifique et donneront lieu à un retour écrit avant le 15 mars 2025.
Les propositions écrites sont attendues pour le 31 mai 2025.
Comité scientifique
Pauline Brücker, MCF en science politique, Université de Rouen Normandie, CUREJ.
Kamel Dorai, chargé de recherche CNRS, Université de Poitiers, Migrinter
Alice Franck, MCF en géographie, Paris 1, Prodig.
Flora Penot, doctorante en géographie, Université de Poitiers, Migrinter