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Le Laboratoire interdisciplinaire d’étude du politique Hannah Arendt (LIPHA) des Universités Paris Est Créteil et Gustave Eiffel, partenaire institutionnel de l’AFSP, organise en 2026 un nouveau séminaire intitulé « L’État et l’ESR, l’état de l’ESR ». Ce cycle de trois séances (en mode hybride à l’IEP de Fontainebleau et en visio) proposera une analyse sociologique des conditions actuelles de travail dans l’ESR, en s’appuyant sur les politiques universitaires en cours et leurs effets sur l’ensemble de la communauté universitaire.
Claire Marchal. « L’école était un peu chère, mais avait bonne réputation ». Retour sur une enquête dans le secteur de l’enseignement supérieur privé lucratif.
Mathis d’Aquino. Privatiser à bas bruit : sociohistoire du champ de l’enseignement supérieur privé en France.
Présentation et discussion du livre La haine des fonctionnaires, Julie Gervais, Claire Lemercier, Willy Pelletier (2024, Ed. Amsterdam).
*Séance jumelée avec les Conférences de l’IEP de Fontainebleau.
La liberté académique : enjeu de la compétition politique et dommage collatéral des réformes de l’ESR.
Organisatrices
Natália Frozel Barros, IEP de Fontainebleau-UPEC, LIPHA
Raphaëlle Parizet, IEP de Fontainebleau-UPEC, LIPHA
Infos pratiques
Le séminaire aura lieu dans les salles indiquées à l’Institut d’Etudes Politiques de Fontainebleau, 10 rue du Docteur Clément Matry 77300 Fontainebleau. Il pourra également être suivi à distance à ce lien.
Argumentaire
Le ministère de l’ESR veut enquêter sur les opinions politiques de ses agents avant d’être dissuadé fin novembre par la réaction de ses agents enseignants-chercheurs et chercheurs. Le même Ministère prend la décision d’annuler le colloque « La Palestine et l’Europe : poids du passé et dynamiques contemporaines » au Collège de France le 9 novembre. Auditionné par le Sénat devant la Commission de la Culture du Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances le 29 octobre, le ministre de l’ESR caractérise ses agents de « bande de nuls » à propos de leur performance scientifique en minimisant les difficultés financières « Ce n’est pas Zola non plus » : étonnante façon de défendre le budget de son ministère. Cette séquence courte et actuelle s’installe dans le temps long du désengagement financier du ministère de l’ESR vis-à-vis des universités : il perd du terrain à d’autres ministères (cf. la politique de contrat d’apprentissage du ministère du Travail qui bénéficie 913.295 étudiants/facultés du privé contre 29.832 du public en juillet 2025) ; il n’assume pas des responsabilités financières prévues par la loi, dont le dernier chapitre consiste en ne pas transférer aux universités les fonds nécessaires pour payer la complémentaire santé de ses agents.
L’ensemble de la communauté universitaire se retrouve ainsi face à un ministre délesté de tout sentiment de responsabilité vis-à-vis des agents qu’il est supposé représenter. Ceci rappelle l’analyse de Bernard Pudal sur les représentations et discours des députés et ministres proches de la macronie, dans leur manière d’appréhender le mouvement des Gilets Jaunes, « sans métier, ils disent ce qu’ils pensent ». Ces événements et choix structurels questionnent justement le rapport du gouvernement à l’ESR et ses agents : quelles sont les conditions d’exercice du métier d’enseignant-chercheur, chercheur, personnel administratif ? Dans quelle mesure le sens social des activités de l’enseignement supérieur et de la recherche est-il en transformation ? Quelles recompositions observe-t-on dans le rapport entre État et l’ESR ?
Ce cycle de trois séminaires propose une analyse sociologique des conditions actuelles de travail dans l’ESR, en s’appuyant sur les politiques universitaires en cours et leurs effets sur l’ensemble de la communauté universitaire. Il interroge, par des travaux récents, la manière dont ces transformations se manifestent dans le quotidien des agents, tout en s’inscrivant dans le temps long : succession de réformes gouvernementales initiées des deux côtés de l’échiquier politique, circulation internationale de modèles de gouvernance de l’enseignement supérieur, et adaptation des universités aux injonctions managériales. Si la réflexion proposée part du point de vue des pratiques et représentations que les enseignants-chercheurs se font de leur métier dans les conditions actuelles, elle s’élargit aux autres agents de l’université, personnels administratifs, techniques, et aux étudiants et à leur rapport à la formation universitaire : quelle expérience et rapport à l’apprentissage vivent-ils ?
Par les angles du métier de fonctionnaire, de la place de la liberté académique et des pressions vers la privatisation et marchandisation de l’enseignement supérieur, le séminaire s’intéressera à la manière dont les politiques actuelles, marquées par la concurrence pour l’obtention de financements et la multiplication des dispositifs d’évaluation (HCERES, RIPEC, etc.), infléchissent les pratiques d’enseignement et de recherche. Quid de l’autonomie des enseignants chercheurs ? Comment ceux-ci envisagent les logiques de performance et d’excellence dans le domaine de la production scientifique ? Est-ce que ces logiques devenues dominantes se déploient au détriment de la collégialité et des libertés académiques ?
Références
