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Le laboratoire CEPEL, partenaire institutionnel de l’AFSP, fêtait ses 40 ans l’an dernier. En 2024, un numéro spécial de la revue Pôle Sud revient sur cette séquence et le colloque qui en a été le point d’orgue, les 14 et 15 décembre 2023. L’occasion de plonger avec bonheur dans la CEPEL attitude, comme nous y invite Emmanuel Négrier, le directeur du laboratoire, dès l’éditorial. Ce que le portrait de l’article d’ouverture « Le CEPEL, ses goûts de lutte et ses sourires en coin » nous confirme : « Depuis quarante ans, ses membres font de la recherche avec un petit sourire au coin des lèvres. La congrégation des CEPELlistes n’a ni ordre téléologique ni code vestimentaire mais un smily language redoutable d’efficacité et de fraternité. Ne nous méprenons pas, cependant, sur cette expression du visage. Elle ne signifie aucunement la moquerie, l’arrogance, l’ironie ou la morgue. Leur air badin est une gravité légère qui exprime la rugosité douce de la pensée critique. »
La lecture de l’article de Paul Alliès « Créer la science politique en milieu hostile » donne une vision claire de l’histoire de cet écosystème local de science politique si proactif en le reliant à des enjeux plus macros. « Le colloque organisé à l’occasion des 40 ans de la création du CEPEL a été l’occasion de revenir sur les circonstances et le contexte de celle-ci. Il a ainsi conduit à établir un état des séquences qui ont jalonné l’histoire de l’entreprise, à partir d’archives lacunaires et de mémoire vive. Il s’est d’abord agi de chroniquer l’hostilité dominante à la moindre reconnaissance de la science politique par et dans la Faculté de Droit de Montpellier avant comme après 1968. Puis de rendre compte des contextes conflictuels qui ont favorisé l’implantation de la discipline dans la structuration des représentations et enseignements du droit, souvent en rapport avec un passé problématique. Par ailleurs, la dialectique entre formations universitaires académiques locales et installation spécifique d’une communauté politiste nationalement autonome, a secrété un champ expansif de la recherche. Son ancrage dans une « aire » légitimée par le CNRS (« l’Europe du Sud ») et la valorisation de thèmes et réseaux afférents, a permis l’implantation d’un foyer proactif et comparatiste. Son attractivité a participé de l’expansion de la science politique dans les Facultés de droit en France dans cette période de la fin des années 1990. Sa visibilité a été augmentée par le lancement de la revue Pôle Sud. Tout ceci a suscité une dynamique permettant la conquête d’institutions universitaires traditionnelles, jusqu’à un projet de création d’un Institut d’Études Politiques reconnu par et dans l’Université de Montpellier. L’échec de celui-ci, dû essentiellement à des facteurs et conflits politiques externes, s’est finalement soldé par l’assimilation complète à la Faculté traditionnelle devenant « de droit et de science politique ». Les éléments réunis dans cet article concernent donc tout autant un cas d’espèce singulier et la synergie entre un faisceau de facteurs politiques, académiques, institutionnels. C’est ainsi une contribution à l’histoire des pratiques liées à une expérimentation de parcours et interactions généralement oubliées dans les processus de transformation des structures universitaires ».
Cette livraison permet aussi de donner à voir la spécificité « Pôle Sud ». En effet au CEPEL la question territoriale se décline toujours dans une équation dialectique. Ses chercheurs articulent la commune à l’Europe méridionale, le micro-terroir au grand Sud, le local au global, l’égoscience territorialisée aux concepts de relations internationales. « Tout au long du colloque, on a senti cette double empreinte dans les débats. Et bien sûr la revue Pôle Sud est un indicateur éclairant de ce balancier et de cette dynamique intellectuelle. La revue incarne les motifs et les évolutions du CEPEL au fil des ans. Au départ, les innovations localisées de l’Europe du Sud sont le principal objet de recherche, mais progressivement, le Sud devient une boussole parmi d’autres (mais quelle boussole !) pour évoquer des transformations sociétales. L’interdisciplinarité, le comparatisme et l’empirie y occupent une place privilégiée. Pôle Sud a su créer un espace de controverses assez unique qui détonne en science politique ».
Dans son article « Obsolescence… ou persistance de la forme-parti ? », Alexandre Dézé rappelle quant à lui combien les partis politiques ont toujours occupé une place centrale parmi les objets d’études des chercheurs du CEPEL avec, en corollaire un accueil éditorial privilégié dans la revue du CEPEL, Pôle Sud. De fait, nul étonnement à ce que les organisations partisanes aient pu faire l’objet d’un atelier à part entière lors du colloque célébrant les 40 ans d’existence du CEPEL. Intitulé « Les partis en question », et organisé en partenariat avec le groupe de recherche de l’AFSP « PARTIPOL », cet atelier avait pour ambition de débattre de l’état actuel des partis en s’appuyant sur la publication récente du premier Handbook francophone consacré à ce type d’organisation politique (Haegel, Persico, 2023). Se faisant l’écho des discussions qui se sont tenues dans le cadre de cet atelier A. Dézé revient sur la « panique » analytique suscitée par l’émergence simultanée et globalement couronnée de succès de nouvelles formations politiques en Europe, telles que Podemos en Espagne, La France Insoumise, La République en Marche en France ou encore le Mouvement 5 étoiles (M5S) en Italie. A rebours de la croyance selon laquelle ce phénomène marquerait la fin des partis traditionnels, cette contribution entend rappeler le caractère partiellement innovant des organisations qui ont vu le jour dernièrement mais également souligner les effets d’alignement partisan qu’elles ont pu connaître en s’institutionnalisant.
La richesse de ce numéro « anniversaire » de Pôle Sud est immense, à l’image du sommaire infra, et donc à découvrir et partager largement !
Éditorial
Par Emmanuel Négrier
Grands Témoins
Le CEPEL, ses goûts de lutte et ses sourires en coin
Glissements de terrains et musique de chambre : dynamiques du CEPEL
Par Hélène Buisson-Fenet
Créer la science politique en milieu hostile
Par Paul Alliès
La parenthèse enchantée. L’Europe du Sud comme aire de spécialisation du CEPEL à Montpellier
Par Christophe Roux
Obsolescence… ou persistance de la forme-parti ?
Par Alexandre Dézé
Comparing exceptionalisms: France, the United States, and the programmatic approach
Par Marc Smyrl
Migration, mémoire, muséification. Du « musée » à « mime »
Par Geneviève Zoïa et Éric Savarese
Les politiques culturelles au Sud : Modèles, valeurs, singularités
Par Julien Audemard et Aurélien Djakouane
Le changement de discours des politiques culturelles : Du développement aux industries culturelles et à la décolonisation. Discours de réception du titre de Doctorat Honoris Causa
Par Milena Dragićević Šešić
South European studies from the democratic transitions to the covid-19 pandemic
Par Susannah Verney
Chronique électorale
Les élections générales du 23 juillet 2023 (23J) en Espagne
Par Hubert Peres
Pour consulter l’intégralité du numéro de Pôle Sud via Cairn…