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Dix ans après les attentats de 2015, c’est l’occasion pour le CNRS de revenir sur l’appel à projets « Attentats-Recherche », lancé pour explorer les conséquences sociales, techniques et humaines du terrorisme. Cet appel avait suscité un large intérêt interdisciplinaire, aboutissant à 66 projets sélectionnés parmi plus de trois cents propositions.
À l’occasion de cet anniversaire, sept équipes – comprenant de nombreux politistes – présentent dans la Lettre du CNRS – SHS d’octobre 2025 une synthèse de leurs riches travaux, illustrant la diversité et la complémentarité des approches.
Plusieurs projets ou programmes sont directement liés aux attentats du 13 novembre, avec d’éventuelles focales sur d’autres événements, en particulier ceux du 15 janvier contre Charlie Hebdo. C’est le cas du projet REAT, coordonné par le sociologue Gérôme Truc, « La réaction sociale aux attentats : sociographie, archives et mémoire ». Organisé autour de trois volets — les mémoriaux éphémères, les réactions sur les réseaux sociaux après la tuerie de Charlie Hebdo, les événements vécus dans les quartiers populaires —, il a œuvré à une meilleure compréhension des effets sociaux des attentats et de leurs processus de mémorialisation.
Dans une perspective d’enrichissement des Memory Studies, le Programme 13-Novembre, coordonné par Francis Eustache, Carine Klein-Peschanski et Denis Peschanski, à forte dimension interdisciplinaire — entre histoire, neurosciences et psychologie notamment — s’est donné pour objectif d’étudier la construction et l’évolution de la mémoire post- attentats, au carrefour de la mémoire individuelle et de la mémoire collective. Il a reposé sur de vastes campagnes d’entretiens, en lien avec des associations de victimes. Il s’est également attaché à comprendre les mécanismes du stress post-traumatique (TSPT) et à en améliorer la prise en charge.
D’autres projets se sont inscrits dans une perspective plus large. Vincent Spenlehauer, ingénieur, politiste et sociologue et Jérôme Ferret ont coordonné le projet « L’action publique anti-terroriste (APAT) : organisation, conduite et réflexivité dans un pays exposé ». Leurs recherches sont parties d’une interrogation consécutive non seulement aux attentats de 2015 mais aussi à ceux de Toulouse en mars 2012 et aux départs de jeunes français et françaises en Syrie. Leurs propositions ont ainsi relevé de l’observation fine et réflexive des politiques publiques et des modes de gestion de la violence, souvent très centralisés.
Le projet de l’anthropologue Franck Mermier « Traduire la guerre dans les sociétés arabes (Syrie, Yémen) : visions de l’intérieur » met quant à lui l’accent non plus seulement sur la lutte contre les actes terroristes, liés à l’essor des forces jihadistes, mais renseigne sur les mutations sociales, politiques et culturelles qui leur ont été consécutives dans les deux pays.
D’autres projets ont abordé des thématiques plus spécifiques. Claire de Galembert et Cécile Béraud ont coordonné le projet « L’aumônerie musulmane des prisons : comment promouvoir le développement d’une institution fragile ? ». Leurs travaux sociologiques mettent en évidence les atouts et les difficultés d’une institution en quête de reconnaissance et de professionnalisation, prise dans des contradictions entre impératifs de sécurité et liberté religieuse.
Quant à l’école thématique coordonnée par la politiste et socio-historienne Magali Della Sudda, elle a été pensée comme un espace de réflexion sur la religion, la laïcité et le genre en Méditerranée, avant de se prolonger par une étude consacrée aux « Nouvelles femmes de droite », ces militantes de droite extrême et radicale des années 2015-2020.
Enfin, le programme « Attentats-Recherche » a conduit à la création, en 2017, d’une structure interministérielle et interdisciplinaire, adossée à l’Institut des hautes études du ministère de l’Intérieur (IHEMI) : le Conseil scientifique sur le processus de radicalisation (COSPRAD). Françoise Paillous, sa secrétaire générale, et le politiste Antoine Mégie, son coordinateur scientifique, en éclairent la mission : documenter et éclairer, via les apports de la recherche, les politiques publiques sur la radicalisation violente, dont la définition et les contours sont sans cesse réinterrogés.
Consulter ci-dessous le dossier thématique du CNRS – SHS (extrait de la Lettre n°94 – octobre 2025) qui rend parfaitement compte de la diversité des propositions et des prolongements de recherche auxquelles elles ont donné lieu depuis une décennie.
Photo : Shutterstock. Jardin derrière la Mairie de Paris en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015.