le portail de la science politique française

rechercher

Actualité

Communiqué de l’AFSP sur l’enseignement supérieur privé lucratif

Communiqué du 28 mai 2025 de l’Association Française de Science Politique pour un encadrement rigoureux de l’enseignement supérieur privé lucratif en science politique et au-delà.

Face à l’expansion rapide et souvent incontrôlée de l’enseignement supérieur privé à but lucratif, l’Association Française de Science Politique (AFSP) tient à exprimer sa vive préoccupation et à réaffirmer la nécessité d’une régulation ferme et cohérente de ce secteur. Cette régulation s’avère d’autant plus impérative et urgente dans le champ de la science politique qu’on observe, ces dernières années, une offre croissante de formations proposées par un secteur privé lucratif  dont la qualité des formations  se révèle souvent inférieure aux standards universitaires.

La publication, en avril 2024, du rapport parlementaire sur l’enseignement supérieur privé lucratif avait mis en lumière des pratiques préoccupantes : opacité sur les critères de recrutement et de sélection des étudiants, frais d’inscription exorbitants, promesses d’employabilité non vérifiées, et manque d’encadrement académique rigoureux. Ces dérives menacent l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur et compromettent la qualité de la formation reçue par les étudiant.es.

Dans ce contexte, l’AFSP salue les initiatives parlementaires courageuses visant à encadrer plus strictement ce secteur. La proposition de loi déposée en février 2025 par le député socialiste Emmanuel Grégoire allait dans ce sens en posant les bases d’une régulation indispensable. Ce texte, fruit d’un travail transpartisan et porté par plus de 100 signataires provenant de huit groupes politiques différents, témoignait d’un consensus inédit. Nous saluons également le dépôt le 14 mai dernier d’une proposition de loi similaire au Sénat par le sénateur socialiste Yan Chantrel, qui témoigne de la mobilisation d’élus soucieux de défendre les principes d’un enseignement supérieur accessible, exigeant et au service de l’intérêt général.

Pourtant la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale a récemment refusé d’inscrire à l’ordre du jour la proposition de loi visant à encadrer l’enseignement supérieur privé à but lucratif. Cette décision est grave, injustifiée et inquiétante. Elle prive la représentation nationale d’un débat démocratique sur un enjeu fondamental : celui de la protection des étudiant.es, de leurs familles et, plus largement, du service public de l’enseignement supérieur.

L’AFSP tient à rappeler que l’enseignement supérieur ne peut être abandonné à des logiques exclusivement marchandes. Il est urgent d’appliquer à l’ensemble des formations les standards observés dans les universités publiques sur la base de procédures d’accréditation, de l’adossement à la recherche ainsi que de l’évaluation par les pairs. Cela s’avère indispensable notamment en science politique, une discipline vers laquelle de plus en plus de lycéens et lycéennes veulent s’orienter au moment de leur entrée dans le supérieur d’une part, et qui, de surcroît, contribue fortement à former les citoyennes et citoyens de demain d’autre part. Tous les acteurs du secteur peuvent en témoigner : une formation de qualité ne peut s’improviser, encore moins s’acheter.

Les étudiant.es et leurs familles doivent être protégés contre des offres de formation trompeuses, souvent coûteuses, dont les débouchés réels ne sont ni garantis, ni encadrés. Il est inacceptable que certains établissements usurpent le vocabulaire et les apparences des universités publiques pour séduire et abuser d’une confiance que seules ces dernières  peuvent légitimement inspirer grâce à leur adossement à des travaux de recherche et à l’évaluation par les pairs.

Plus largement, cette situation crée une concurrence déloyale vis-à-vis des établissements publics qui, eux – alors qu’ils sont déjà lourdement frappés par des coupes budgétaires qui limitent leurs capacités d’accueil – respectent les règles de transparence, d’évaluation et d’accréditation imposées par l’État. Cette concurrence nuit à la cohérence du système d’enseignement supérieur français et compromet son efficacité et son équité, une valeur fondatrice de notre République.

L’AFSP appelle donc solennellement le gouvernement et les parlementaires à reprendre sans délai l’examen de la législation sur l’enseignement supérieur privé lucratif. Il en va de l’avenir des étudiants, de la confiance dans les diplômes et de la vitalité de notre démocratie.

En science politique comme ailleurs, former n’est pas vendre. Enseigner n’est pas exploiter. Il est temps de redonner tout son sens à la mission émancipatrice, critique et inclusive de l’enseignement supérieur.

Pour marquer sa pleine et entière mobilisation sur le sujet, l’AFSP organisera une table ronde dédiée à « La science politique : un marché attractif pour l’enseignement supérieur privé ? » lors de sa 4e édition des Rencontres de la science politique le 30 juin 2025 à l’Université Sorbonne Nouvelle.

Paris, le 28 mai 2025.

 

Si votre navigateur ne vous permet pas de visualiser ce pdf, vous pouvez toujours le télécharger.