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Hommage à Jacques Capdevielle (1941-2022)

L’Association Française de Science Politique rend hommage à Jacques Capdevielle, directeur de recherche au CEVIPOF, décédé le 9 février 2022 à l’âge de 81 ans.

Le papillon et l’engagement. C’est peut-être autour de ces deux termes que se résument sur près de 40 ans, les travaux menés par Jacques Capdevielle au CEVIPOF, un laboratoire et une communauté de chercheurs qu’il contribua longtemps à animer sous diverses formes (séminaires, programmes de recherches, conseil de gestion, etc.). Dans un texte récent, Nonna Mayer rappelait qu’il existait pour Jean-Luc Parodi (1937-2022), deux types de chercheurs : les « taupes » qui creusent sans cesse le même champ et les « papillons » qui virevoltent et butinent çà et là. Papillon, Jacques l’était à l’évidence. Ses travaux portèrent sur des objets ou des terrains très distincts même si la question sociale y occupa une place éminente.

Dans les années 1960-1970, il a publié plusieurs textes portant sur « l’ouvrier conservateur » – un classique en l’occurrence, sur la grève ou sur les syndicats. Il s’agissait là de textes rédigés avec d’autres collègues car Jacques avait une indéniable confiance dans une démarche qui reposait sur une réflexion partagée et collective. Plus tard, il apportera son concours à l’un des ouvrages qui allaient marquer les études électorales : France de gauche, vote à droite (1981). Le chapitre qu’il y rédigea avec Elisabeth Dupoirier sur « l’effet patrimoine » n’a rien perdu de son actualité. Par la suite, d’autres champs furent abordés : les « petits boulots » face au marché européen, une problématique quasiment inédite à la fin des années 1980 ; le corporatisme ; « Mai 68 » ; la crise de la démocratie représentative.

Ainsi, Jacques fut bel et bien « papillon » mais il le fut sans légèreté aucune, au contraire. Souvent, ses réflexions concernaient des questions d’importance voire des questions graves qui impactaient la société et ses équilibres sociaux et politiques qu’il s’agisse de la crise de l’emploi ou de celle des institutions.  L’intérêt qu’il portait à ce type de questions était dû à un fait : Jacques était un chercheur mais aussi un chercheur engagé. Il le fut dès le début des années 1970 dans une CFDT alors autogestionnaire, au CERES puis au Conseil scientifique d’ATTAC. Néanmoins ses engagements ne furent jamais source d’aveuglements, et pour cause. Face aux choses ou aux idées, Jacques ne se départit jamais d’un trait constitutif métier de chercheur, l ‘exigence intellectuelle.

Guy Groux
Le 4 mars 2022

 

Quelques travaux de Jacques Capdevielle publiés  aux Presses de Sciences Po :  La Grève du Joint français. Les incidences politiques d’un conflit social, 1975 (avec Elisabeth Dupoirier et Guy Lorant) ; « L’effet patrimoine » in Jacques Capdevielle et al., France de gauche, vote à droite, 1981 (avec Elisabeth Dupoirier) ;  Le Fétichisme du patrimoine. Essai sur un fondement de la classe moyenne, 1986 ; Modernité du corporatisme, 2001. Et ailleurs : Démocratie : la panne, Paris, Textuel, 2005.

 

(Photo : DR – Janine Mossuz-Lavau)