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Les modalités historiques et contemporaines de l’accumulation coercitive

Le groupe de recherche AFSP Capital, Coercition, Prédation lance un appel à communications pour sa Section de Groupe (SG) qui se tiendra lors du prochain Congrès de l’AFSP à Grenoble du 2 au 4 juillet 2024. Cette SG se tiendra sur deux sessions de 2h chacune, avec pour thématique « Les modalités historiques et contemporaines de l’accumulation coercitive ». La date limite de l’appel est fixée au 1er décembre 2023. 

A l’occasion du Congrès 2024 de l’Association Française de Science Politique, le groupe de recherche Capital, Coercition, Prédation organisera une section de groupe (SG) autour des formes historiques et contemporaines de l’accumulation coercitive. Les membres du groupe souhaitent donc inviter des chercheurs travaillant sur ces questions à soumettre des propositions de communications. Celles-ci seront d’une longueur de 500 mots maximum et indiqueront l’objet et la problématique de la recherche, ainsi que sa méthodologie, ses principaux résultats et ses références bibliographiques centrales.

Ces propositions sont à envoyer par mail au format Word à Laurent Gayer (laurent.gayer@sciencespo.fr) et Sophie Russo (sophie.russo@sciencespo.fr) avant le vendredi 1er décembre 2023 à minuit.

Au cours des dernières décennies, la sociologie du capitalisme n’a eu de cesse de s’interroger sur la fabrique du consentement au modèle économique dominant, en tenant pour acquis le triomphe des dispositifs « hégémoniques » sur leurs variantes « despotiques », que ce soit dans le monde du travail (Burawoy 1979) ou à l’échelle de la société dans son ensemble (Boltanski & Chiapello 1999). Des pragmatistes aux marxistes politiques (Meiksins Wood 2007), un large consensus s’est imposé autour de la dévaluation de la coercition extra-économique dans les sociétés capitalistes avancées, au profit de la « contrainte muette des rapports économiques » (Marx 1993 [1867] : 829). Rompant avec cette perspective, un certain nombre de sociologues, d’anthropologues et d’historiens redécouvrent depuis quelques années les pratiques coercitives et prédatrices inhérentes à la dynamique du capitalisme, bien au-delà des phases d’accumulation primitive du capital. Les entreprises d’accaparement de terrains, en lien à des projets immobiliers, agroindustriels ou extractifs, tout comme les grandes firmes industrielles, n’ont cessé de s’appuyer sur des supplétifs controversés (Norwood 2003 ; Smith 2003 ; Milan & Saluppo 2021). S’évertuant à faire de l’ordre avec du désordre, elles ont puisé dans les ressources humaines et logistiques de la pègre, des organisations paramilitaires et des milices armées du moment, tout en jouant un rôle de premier plan dans l’émergence de la sécurité privée. Loin d’avoir été remisés au passé, ces auxiliaires de la domination patronale n’ont cessé de se réinventer, en même temps que les pratiques productives et extractives du capitalisme lui-même.

Cette section de groupe aura pour objectif d’aborder de nouvelles études de cas empiriques et, à partir de celles-ci, d’interroger les enjeux analytiques de la dimension coercitive du capitalisme. Les communications pourront aborder les questions suivantes : de quel ordre de faits économiques et sociaux s’agit-il de se saisir en replaçant la coercition au cœur de l’accumulation capitaliste ? Du recours à la force physique ? De l’« enchevêtrement du droit et des armes » (Taussig 2003: 92) ? De la marchandisation de la sécurité autour d’« entrepreneurs de violence » (Blok 1974 ; Volkov 2002) ? Certaines formes de capitalisme (industriel, agraire, financier, marchand…) sont-elles plus enclines aux pratiques d’accumulation coercitive que d’autres ? Faut-il voir dans les transformations en cours le symptôme d’un affaiblissement des mécanismes de régulation étatique ou, au contraire, le signe de leur réinvention, à travers des processus inédits de contrôle, de surveillance et, in fine, de production de sécurité (Amicelle 2021 ; Gros 2019) ?

Cette section aura lieu en deux temps. La première session sera consacrée aux formes historiques d’accumulation coercitive. Elle abordera le rôle des nervis du patronat et des « syndicats maison » dans le capitalisme industriel, mais pourra aussi s’intéresser aux pratiques coercitives propres aux capitalismes agraire, financier et marchand. Les politistes travaillant dans une perspective historique sont invités à participer à cette session, qui sera aussi l’occasion d’engager un dialogue interdisciplinaire avec des collègues historiens. La seconde session abordera les modalités contemporaines de la prédation économique, propres au capitalisme agraire, extractif, industriel et financier. Il pourra notamment s’agir de s’interroger sur la faculté du capitalisme « vert » à susciter à son tour son lot d’entreprises de violence, sur fond de spoliations massives et de militarisation marchande de la nature. Toute étude de cas empirique et contemporaine s’inscrivant dans les objets de recherche du groupe sera cependant la bienvenue dans cette session.

Bibliographie

Amicelle, Anthony (2021). « Policing & big data : La mise en algorithmes d’une politique internationale », Critique internationale, n° 92, p. 23-48.

Blok, Anton (1974). The Mafia of a Sicilian Village, 1860-1960. A Study of Violent Peasant Entrepreneurs, New York, Harper & Row.

Boltanski, Luc & Chiapello, Eve (1999). Le Nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard.

Burawoy, Michael (1979). Manufacturing Consent. Changes in the Labour Process Under Monopoly Capitalism, Chicago, University of Chicago Press.

Gros, Frédéric. The Security Principle. From Serenity to Regulation. New York, Verso Books.

Marx, Karl (1993) [1867]. Le Capital. Critique de l’économie politique. Livre premier : le procès de production du capital, Paris, Quadrige/PUF.

Meiksins Wood, Ellen (2009). L’Origine du capitalisme, Paris, Lux Éditeur.

Millan, Matteo & Saluppo, Alessandro (dir.) (2021). Corporate Policing, Yellow Unionism, and Strikebreaking, 1890-1930, Milton Park, Routledge, 2021.

Norwood, Stephen H. (2002). Strikebreaking and Intimidation. Mercenaries and Masculinity in Twentieth-Century America, Chapel Hill & Londres, The University of North Carolina Press.

Smith, Robert Michael (2003). From Blackjacks to Briefcases. A History of Commercialized Strikebreaking and Unionbusting in the United States, Athens, Ohio University Press, 2003.

Taussig, Michael (2003). Law in a Lawless Land. Diary of a Limpieza in Colombia, Chicago, University of Chicago Press.

Volkov, Vadim (2002). Violent Entrepreneurs. The Use of Force in the Making of Russian Capitalism, Ithaca, Cornell University Press.

Pour en savoir plus sur le groupe Capital, Coercition, Prédation et son comité de pilotage…

(Photo : Adobe Stock)