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Les transformations de l’engagement partisan

Le groupe de recherche AFSP Partis politiques en mutation (PARTIPOL) lance un appel à communications pour sa Section de Groupe (SG) qui se tiendra lors du prochain Congrès de l’AFSP à Grenoble du 2 au 4 juillet 2024. Cette SG, pilotée par Carole Bachelot, Raphaël Challier, Alexandre Dézé, Florence Haegel et Rémi Lefebvre, se tiendra sur deux sessions de 2h chacune, avec pour thématique « Les transformations de l’engagement partisan ». La date limite de l’appel est fixée au 13 décembre 2023. 

Cette section de groupe se déroulera sur deux sessions et propose de revenir sur les transformations de l’engagement partisan. Elle se penchera en particulier sur deux questionnements essentiels à la compréhension de ces mutations : 1) la difficile objectivation de l’engagement partisan et 2) les formes d’imbrication (ou désimbrication) des partis dans leur environnement et leurs conséquences sur l’engagement partisan.

Axe 1 : l’objectivation de l’engagement partisan

Jusque dans les années 1990, les travaux sur l’engagement partisan sont restés relativement peu nombreux (van Haute, 2009). Paradoxalement, il aura fallu qu’il soit analysé comme étant en « crise » ou en « déclin » pour faire l’objet d’un regain d’intérêt académique sur le plan international (Poguntke, Scarrow, Webb, 2016). Il faut convenir que le mouvement de démocratisation des partis a contribué à recentrer l’analyse de ces organisations sur les adhérents (Hopkin, 2001 ; Cross, Katz, 2013). En France, la sociologie du militantisme s’est renouvelée autour d’une approche plus qualitative, microsociologique et interactionniste attentive aux trajectoires individuelles et à l’offre organisationnelle, mais il faut bien convenir que les enquêtes quantitatives restent rares. Aujourd’hui, il est par ailleurs acquis que le membership tend à s’assouplir (Scarrow, 2015, Gauja 2015) même si la définition de l’adhérent (en termes de droits et de devoirs) et les formes que peuvent prendre l’adhésion varient selon les partis, les groupes sociaux qu’ils mobilisent (Challier 2021), les pays (Morales 2009) et les cycles politiques (cycle électoral ou de mobilisation sociale principalement).
Si les liens aux partis et les formes d’attachement se pluralisent, et les affiliations partisanes se manifestant à plusieurs vitesses et niveaux d’intensité, le modèle de l’adhésion à l’ancienne n’a pas disparu pour autant. Dans les démocraties occidentales, l’adhésion par cotisation reste dominante (Kosiara-Pedersen, Scarrow, Van Haute, 2017) et n’a pas encore été totalement remplacée par l’adhésion digitale. En France, même La République en marche (devenue Renaissance en 2022) est passée d’une adhésion numérique gratuite à une forme d’adhésion plus classique, moyennant cotisation.
Dans ce contexte, la session s’intéressera aux enjeux que pose l’objectivation de l’adhésion partisane. Comment disposer de chiffres fiables ? Comment saisir la pluralité des formes d’engagement dans des enquêtes quantitatives (quelles questions faudrait-il poser ?) et qualitatives (où et comment faut-il faire du terrain pour saisir la pluralité des formes d’engagement, au-delà d’un petit groupe de militants actifs ?). Comment appréhender les effets de conjonctures et cycles ? Que nous apporte la comparaison des types d’engagement selon les partis, les pays, les groupes sociaux qui s’impliquent ? Et comment adapter les méthodes d’enquête à ces différences ?

Axe 2 : les effets sur l’engagement partisan des transformations de la relation des partis à leur environnement

Ce deuxième axe poursuit la réflexion amorcée dans l’axe 1 en s’interrogeant sur la porosité grandissante des frontières partisanes et soulève donc la question des relations que les partis entretiennent avec leur environnement.
La labilité de l’engagement incite à reprendre les questionnements hérités de l’approche sociétale des partis (Sawicki, 1997) : compte tenu de la multiplicité des niveaux de participation partisane, quid de l’ancrage social des partis ? N’est-il pas paradoxal que le rôle accru des sympathisants aille de pair avec la rétraction des réseaux partisans dans les milieux associatifs et syndicaux qui constituaient auparavant les soubassements des organisations partisanes ? Les liens avec les ONG, les think-tanks, et surtout avec les groupes d’intérêt, qui font l’objet d’une abondante littérature anglophone (Allern et al., 2020) sont ainsi encore peu étudiés dans les travaux français, y compris sous l’angle de la sociologie de l’action publique.
Plus précisément, la transformation des rétributions de l’engagement dans des partis de plus en plus professionnalisés (Bachelot, Haegel, 2021) implique leur insertion dans des marchés du travail politique étendus et fluidifiés. Dans des partis où les niveaux d’adhésion sont très divers, tous les membres/sympathisants ne sont certes pas amenés à entrer dans ces marchés. L’externalisation de bon nombre de tâches auparavant dévolues aux militants peut également laisser croire à une distance accrue entre des partis peuplés de bénévoles désœuvrés et un milieu entrepreneurial spécialisé dans les activités électorales. Les travaux récents (par exemple sur les mouvements de jeunesse, Fjellman, Sundström, 2021) montrent cependant que les perspectives liées à une professionnalisation politique restent un moteur puissant de l’engagement, et que les permanents, collaborateurs d’élus mais aussi un grand nombre de professionnels du conseil ou de la communication politique affichent fréquemment une forme de proximité partisane. La recherche sur la dépendance des économies partisanes aux cycles électoraux, notamment en ce qui concerne l’étude des recrutements et des reclassements aux postes partisans, mais aussi l’analyse des recyclages entre ces univers connexes de la politique et entre les partis eux-mêmes (surtout en période de recomposition des systèmes partisans) restent encore largement à mener.
Pour ce deuxième axe de la section de groupe seront ainsi privilégiées des communications portant sur le rôle des associations, syndicats, et autres groupes d’intérêt dans le recrutement, la formation des adhérents. Mais une attention particulière sera également accordée aux études des bureaucraties partisanes et de leurs permanents (partis français et étrangers), aux trajectoires de professionnalisation des adhérents, à la circulation des ressources humaines et financières entre partis et organisations ou entreprises connexes du monde politique.

Propositions à envoyer avant le 13 décembre 2023 à :
Carole Bachelot : carole.bachelot@univ-lille.fr
Alexandre Dézé : alexandre.deze@umontpellier.fr

BIBLIOGRAPHIE

ALLERN (Elin H.), OTJES (Simon), POGUNTKE (Thomas), HANSEN (Vibeke W.), MARSHALL (David), SAURRUGER (Sabine), 2020, « Conceptualizing and measuring party-interest group relationships », Party Politics, 27, 6.

BACHELOT (Carole), HAEGEL (Florence), 2021, « Back to Basics. Revenir aux rétributions professionnelles du militantisme pour comprendre les partis contemporains », Revue française de science politique, 71, 5-6.

CHALLIER (Raphaël), 2021, Simples militants. Comment les partis démobilisent les classes populaires ?, Paris, PUF.

CROSS (William), KATZ (Richard), (dir), 2013, The Challenges of Intra-Party Democracy, Oxford, Oxford University Press.

FJELLMAN (Elin), SUNDSTRÖM (Malena Rosén), 2021, « Making a (political) Career: Young Party Members and Career-Related Incentives for Party Membership », Scandinavian Political Studies, 44, 4.

GAUJA (Anika), 2015, « The Construction of Party Membership », European Journal of Political Research, 54 (2).

HOPKIN (Jonathan), 2001, « Bringing the Members Back in? Democratizing Candidate Selection in Britain and Spain », Party Politics, 7, 3.

KOSIARA-PEDERSEN (Karina), SCARROW (Susan E.), VAN HAUTE (Emilie), 2017, « Rules of engagement? Party membership costs, new forms of party affiliation and partisan participation », in (Susan) SCARROW, (Paul D.) WEBB, (Thomas) POGUNTKE (eds), Organizing Political Parties: Representation, Participation and Power, Oxford, Oxford University Press.

LEFEBVRE (Rémi), « Engagement : adhérents, militants et sympathisants », in (Florence) HAEGEL (Florence), (Simon) PERSICO (dir.), Les partis politiques, Éditions, Larcier, 2023.

MORALES (Laura), 2009, Joining Political Organizations. Institutions, Mobilisation and Participation in Western Democracies, Colchester, ECPR Press.

POGUNTKE (Thomas), SCARROW (Susan), WEBB (Paul), 2016, « Party Rules, Party Resources and the Politics of Parliamentary Democracies: How Parties Organize in the 21st Century », Party Politics, 22, 6.

SAWICKI (Frédéric), 1997, Les réseaux du Parti socialiste, Paris, Belin.

SCARROW (Susan), 2015, Beyond Party Members. Changing Approaches to Partisan Mobilization, Oxford University Press.

VAN HAUTE (Emilie), 2009, Adhérer à un parti. Aux sources de la participation politique, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles.

(Photo : Adobe Stock)