le portail de la science politique française

rechercher

Actualité

Socialisations politiques en tension

Le groupe de recherche AFSP « Socialisation politique, politisation et rapport individuel au politique » (SOPORA) lance un appel à communications pour sa Section de Groupe (SG) qui se tiendra lors du prochain Congrès de l’AFSP à Grenoble du 2 au 4 juillet 2024. Cette SG se tiendra sur deux sessions de 2h chacune, avec pour thématique « Socialisations politiques en tension ». La date limite de l’appel est fixée au 8 décembre 2023. 

Les questions de socialisation politique se trouvent aujourd’hui dans une situation paradoxale en science politique. Sujet classique et ancien de la discipline, l’analyse de la (trans)formation des rapports au politique reste marquée par de nombreuses zones d’ombre. Abordés par de multiples travaux – qu’ils s’intéressent au vote, aux rapports à l’État, à l’engagement militant et partisan, etc. –, ces processus sont souvent présents en filigrane et rarement pris pour objet direct. Le groupe de recherche SOPORA  propose de mettre cette question au centre de ses travaux, en dialogue avec les recherches sur la politisation et les rapports individuels au politique.

Dans le cadre du congrès de Grenoble en 2024, il invite à explorer la manière dont s’imbriquent, de façon diachronique et synchronique, les différents processus de socialisation politique vécus par les individus au cours de leur vie. Dans quelle mesure les différents agents et vecteurs de ces socialisations politiques transmettent-ils des manières d’être, de voir le monde et d’agir consonantes ? Que se passe-t-il quand ces dernières sont, au contraire, dissonantes et possèdent des effets contradictoires ? Avec quels outils méthodologiques peut-on appréhender ces processus et articulations ? Telles sont les questions que nous souhaitons explorer à travers trois axes de réflexion.

1/ Saisir l’emboîtement des socialisations politiques

Dans une perspective de socialisation politique continue, l’individu est socialisé au politique tout au long de sa vie. Il convient donc de réfléchir à l’emboîtement de ces socialisations politiques dans le temps long des trajectoires et dans différents contextes sociaux. Comment les processus vécus pendant l’enfance s’articulent-ils avec les socialisations politiques secondaires ? Il s’agit ici d’interroger la manière dont les héritages et les dispositions politiques initialement forgés se combinent et se reconfigurent sous l’effet d’expériences socialisatrices vécues à l’âge adulte ou durant la vieillesse, une période particulièrement peu explorée. Poser la question de l’emboîtement des socialisations politiques conduit aussi à investiguer les articulations de manière synchronique, entre les différentes sphères de vie des individus. Comment les socialisations politiques vécues par exemple dans la famille cohabitent-elles avec celles provenant d’autres instances, qu’elles soient directement liées à l’espace politique (partis politiques, mouvements sociaux) ou a priori plus éloignées (sociabilités, loisirs, travail, sport, associations, etc.) ?

2/ Des socialisations politiques dissonantes ?

Si les instances de socialisation politique rencontrées par les individus au fil de leur vie sont multiples, les contenus politiques qu’elles délivrent sont pluriels et pas nécessairement congruents entre eux. Ces tensions peuvent être présentes dès l’enfance, et provenir de positionnements politiques parentaux divergents, ou de dissonances entre les transmissions politiques familiales et celles véhiculées par l’institution scolaire ou d’autres instances telles que les groupes de pairs ou les médias. Elles peuvent également se manifester plus tard, du fait des positions multiples que les individus occupent à l’intersection des rapports sociaux – avec des configurations où l’on peut être simultanément minorisé au regard d’un rapport de pouvoir et privilégié vis-à-vis d’un autre – ou de leur ancrage au sein de différents mondes sociaux, porteurs de principes de socialisation politique divergents. Elles peuvent résulter, enfin, de la dissonance entre les héritages politiques familiaux et le contexte politique dans lequel les individus évoluent.

Déplaçant la focale sur les produits de la socialisation politique, ce deuxième axe invite à explorer les effets de ces socialisations dissonantes. On s’interrogera notamment sur ce que produisent ces diverses tensions sur le rapport au politique des individus (effet inhibant ? politisant ? de mise à distance ?), en considérant les différentes dimensions qui le composent (rapport au vote, positionnements idéologiques et partisans, rapport au monde social).

3/ Pratiques empiriques et réflexions méthodologiques

Enfin, le troisième axe propose de réfléchir aux enjeux méthodologiques et empiriques que soulève l’analyse de l’imbrication des socialisations politiques. Comment faire apparaître ces articulations ? Avec quelles méthodes ? Analyser des trajectoires individuelles de manière diachronique est-elle la seule manière de saisir ces processus et leur combinaison ? Quel dispositif mettre en place pour étudier le poids socialisateur de différentes sphères de vie à un instant précis ? Quels sont les difficultés, problèmes et limites rencontrées dans l’analyse de ces articulations ? Les cas de socialisations dissonantes permettent-ils de révéler des processus habituellement insaisissables ? C’est un des paris théoriques qui sous-tend ce troisième axe. En effet, en cas de socialisations politiques consonantes, il est impossible d’imputer, a posteriori, des comportements à un agent ou une instance socialisatrice en particulier. Les cas de dissonance devraient permettre, au contraire, de désintriquer l’influence respective des différents messages politiques intériorisés dans différents espaces sociaux et au fil de la vie. Les propositions de communications permettront d’alimenter, empiriquement, ces questionnements et d’éclairer les conditions dans lesquelles des dispositions politiques contradictoires peuvent être activées ou au contraire inhibées.

Les propositions de communication (5000 signes) présenteront la problématique, les matériaux analysés et les axes d’analyse envisagés. Elles comporteront un titre et les institutions de rattachement des auteurs et autrices. Elles doivent être transmises à l’adresse groupe.sopora@gmail.com avant le 8 décembre 2023.

Tension in Political Socializations

The field of political socialization studies currently finds itself in a paradoxical position. Despite being a classic and enduring subject of study, the examination of the transformation of political attitudes is still riddled with numerous unexplored areas. While these processes are briefly mentioned in a range of studies covering topics such as voting behaviors, interactions with the state, and political activism, they often remain in the background and are rarely addressed as direct focal points. The SOPORA research group proposes to rectify this by placing the question of political socialization at the forefront of its research endeavors, engaging in a productive dialogue with research on politicization and political attitudes.

In the context of the upcoming Grenoble 2024 conference, we invite scholars to explore the intricate ways in which the diverse processes of political socialization experienced by individuals over the course of their lives are intertwined, both across time and synchronically. To what extent do the various agents of political socializations convey consistent ways of being? What happens when these influences are, conversely, discordant and produce contradictory effects? Furthermore, what methodological tools can we employ to comprehend these processes and their interconnections? We aim to investigate these questions through three distinct lines of inquiry.

1/ Exploring Intricate Political Socialization Experiences Over Time

From a perspective of continuous political socialization, individuals experience political socialization throughout their entire lives. It is therefore essential to consider these intricate experiences of political socialization over time and across different social settings. How do childhood experiences relate to secondary political socializations later on in life? The purpose here is to investigate how the political attitudes formed in early life interplay and reconfigure under the influence of socializing experiences in adulthood and old age, a particularly unexplored period. Moreover, probing into how these political socializations coexist leads us to investigate the articulations between different spheres of an individual’s life. How do messages conveyed within the family coexist with influences from other actors, whether directly related to the political arena (such as political parties and social movements) or seemingly more distant (including social activities, leisure, work, sports, associations, etc.)?

2/ Dissonant Political Socialization?

While individuals encounter numerous agents of political socialization throughout their lives, the political content they deliver is plural and not necessarily congruent with one another. These tensions can arise from early childhood, stemming from conflicting parental political stances or the disparity between family-based political transmissions and those conveyed by educational institutions, peer groups, or the media. Additionally, these tensions may manifest later in life due to the various positions individuals hold at the intersection of social relations, where they may simultaneously experience disempowerment in one aspect and privilege in another. These conflicts can also result from experiences in different social worlds, each carrying distinct principles of political socialization. Lastly, such disparities may emerge from dissonance between family political heritages and the political context in which individuals evolve.

Shifting our attention to the impact of political socialization on political attitudes, this second dimension encourages us to investigate the consequences of these discordant socialization experiences. Specifically, we will examine how these various tensions shape individuals’ political thoughts (whether it inhibits, politicizes, or distances them). We will do so by considering diverse dimensions, including voting behaviors, political orientations, and political relationships with social worlds.

3/ Empirical and Methodological Considerations

Finally, the third section looks at the methodological and empirical issues involved in analyzing the intricate political socialization experiences over time. How can we uncover these interconnections? What methods should be used? Is life course analysis the only way to grasp these processes and their combination? How can we assess the impact of various life domains on an individual’s political socialization at a given point in time? What are the difficulties, problems and limits encountered in analyzing these articulations? Do cases of dissonant socialization reveal processes that are usually elusive? This is one of the fundamental theoretical challenges underlying this third theme. In the case of harmonious political socializations, it is often challenging to retroactively attribute behaviors to a specific influencing agent of socialization. Conversely, cases of dissonance should enable us to dissect the respective influences of various political messages internalized from different social contexts over the course of a lifetime. The papers will provide empirical evidence to address these questions and shed light on the conditions under which contradictory political dispositions can be activated or, conversely, inhibited.

To present a paper, please submit abstracts of no more than 5000 characters. Submissions should clearly outline the research questions, data, and the analytical approach. Each abstract must include a title and an institution affiliation. Send submissions to groupe.sopora@gmail.com by December 8, 2023.

Pour en savoir plus sur le groupe SOPORA et son comité de pilotage…

(Photo : Adobe Stock)