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ZOSHIP – Zones d’ombre de la socio-histoire des idées politiques

Depuis un demi-siècle environ, l’histoire de la pensée politique a connu de profonds renouvellements, qui ont mis l’accent sur l’historicité des lexiques politiques et la nécessité de réinscrire les textes dans leurs contextes discursifs. Au sein de la science politique française, l’histoire sociale des idées s’est, dans leur sillage, plus directement appuyée sur les outils de la sociologie pour rendre compte de la production, de la circulation et des usages des idées politiques. Le groupe ZOSHIP entend prolonger cet effort collectif en explorant deux questions relativement sous-investies jusqu’ici. Comment les sciences sociales contribuent-elles à lire les textes et discours politiques, à établir leur sens ? Que faire du concept de race en socio-histoire des idées, et plus généralement des perspective postcoloniales et/ou intersectionnelles ? Sans exclure l’entrelacement de ces deux questions, ces deux questions ordonneront les activités du groupe.

Co-responsables (et coordinateurs *) du groupe :

Sarah Al Matary (Lyon 2-IHRIM/IUF)
Karim Fertikh (Strasbourg-SAGE)
Christelle Gomis (CURAPP-ESS) *
Isabelle Gouarne (CNRS-CRESPPA)
Mathieu Hauchecorne (P8- CRESSPA)
Alessandro Mulieri (CNRS-Triangle)
Arnault Skornicki (Nanterre-ISP) *

Contacts :

Christelle Gomis christelle.gomis@yahoo.fr
Arnault Skornicki askornicki@parisnanterre.fr

Ce groupe de recherche s’inscrit dans le prolongement des efforts collectifs dédiés à la sociologie historique des idées politiques (en particulier HiSoPo, ici ou SHHIP, ici), en les orientant désormais dans des directions moins explorées mais devenues plus impérieuses au regard transformations récentes des sciences sociales. Organisé autour d’un séminaire de recherche, ce groupe entend offrir un espace d’échanges au sein de la science politique, et plus largement de l’histoire et des sciences sociales, pour les recherches récentes et en cours qui contribuent au dynamisme de ce champ d’étude. Il entend, ce faisant, confronter l’histoire sociale des idées à ses « zones d’ombres », c’est-à-dire à des défis nés de son développement interne et des transformations récentes de la science politique et des sciences sociales. L’atelier se structurera ainsi autour de deux axes.

Le premier axe affronte une question méthodologique souvent esquivée en histoire sociale des idées politiques (désormais HSIP) : comment lire sociologiquement un texte politique ? L’HSIP a notablement déplacé la focale vers la sociologie des auteur·ices (propriétés sociales, trajectoires, usages, circulations…). Ce recentrage a pu conduire à négliger l’analyse interne des textes, réduits à une écume du social qu’on pourrait à la limite se dispenser d’étudier. Pourtant, les sciences sociales ont pu amplement contribuer à saisir ces contenus. La première piste conduira à revisiter les apports et outils de la sociologie de la connaissance (idéologie, représentations collectives, styles de pensée, sociologie des champs, réfraction…), véritable matrice d’une interprétation spécifiquement sociale des idées, considérées comme cristallisations de processus sociaux. La seconde piste mènerait aux multiples usages par les sciences sociales d’outils empruntés aux sciences de l’interprétation (analyse du discours, socio-critique, herméneutique, psychanalyse).

Le second axe concerne les usages du concept de race en histoire sociale des idées politiques. Alors que les sciences sociales françaises se sont progressivement saisies des nouvelles perspectives qu’ouvrait la notion de race, l’HSIP est restée relativement en marge de ce mouvement. Centrée sur des courants occidentaux (marxisme, libéralisme, féminisme…), elle a peu intégré les pensées du Sud global ou les dynamiques impériales, et a eu tendance n’envisager la question de la race que dans le cadre d’une histoire de la pensée raciste. L’objectif est donc de contribuer à rompre ce relatif désintérêt en adoptant une double démarche :

  • Une perspective historiographique et réflexive : interroger le rôle de l’histoire des idées politiques dans la construction symbolique d’un ordre républicain prétendument « aveugle à la race ». Comment ce domaine a-t-il contribué à disqualifier la race comme catégorie analytique ? Comment ses catégories (universalisme/différentialisme, modèles français/allemand…) ont-elles pu cantonner la race à certains segments du champ savant et politique ? C’est ici une réflexion sur les mécanismes de production de l’ignorance qui sera engagée.
  • Un objectif méthodologique : renforcer l’outillage méthodologique de l’HSIP en examinant comment intégrer l’analyse de la race, les approches postcoloniales et/ou intersectionnelles. Les diverses entreprises notables de ces dernières décennies l’ont été de façon encore éparse et éclatée : histoire des Lumières (E. Eze, A. Lilti) et des traditions révolutionnaires ou contestataires oubliées (S. Moyn ; C. Roudeau, M.-J. Rossignol, M. Daut & M. Roy) ; histoire de l’anticolonialisme et de la compétition des projets de « modernisation » (M. Goebbel ; F. Gerits), de l’identité nationale et de ses rapports à une pensée raciale (côté français : A. Conklin ; S. Larcher ; T. Stovall ; côté britannique : N. El Nany) ; à l’histoire du marxisme (C. Robinson) ; à l’histoire intellectuelle des Suds au moment de la colonisation (G. Bhambra ; G. Horne ; P. Mishra) ou encore à l’histoire du droit (à titre d’exemple : H. Eklund ; S. Larsen ; I. Solanke ; L. Zevounou). L’ambition sera de créer un espace de dialogue commun, permettant de confronter ces recherches récentes et d’autres en cours en vue d’affiner nos outils méthodologiques et théoriques. Plusieurs questions de recherche pourront ainsi être abordées : comment repenser une histoire sociale des idées sans négliger les rapports sociaux de domination (de race, de genre et de classe), sans non plus ignorer l’agentivité des subalternes (G. Spivak) ? Comment aborder le « global » en histoire des idées en dehors du cadre occidentalo-centré (ou européano-centré) qui a longtemps prévalu, avec ses méthodes et notions (influence, diffusionnisme) ? Comment travailler à nouveaux frais l’histoire des catégories universelles ?

Rencontres de la science politique 2025 (30 juin-1er juillet 2025)
Session de groupe « Nouveaux chantiers de l’histoire sociale des idées politiques »
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