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La sociologie politique de l’économie et de la finance s’est fortement développée en France lors des quinze dernières années, dans le sillage des écoles hétérodoxes d’économie, et dans un contexte marqué par des crises économiques à répétition et les rapides recompositions de l’ordre libéral international. L’objectif du groupe SPEP est de prolonger les initiatives multiples d’institutionnalisation de ce sous-champ en France en l’articulant plus étroitement aux débats internationaux en économie politique et en économie politique internationale, très structurés sur ces sujets. Historiquement éloignées, la sociologie politique et l’économie politique (internationale) développent aujourd’hui des agendas de recherche dynamiques et relativement convergents. L’objectif du groupe est de créer des espaces de dialogue entre ces deux champs, via l’organisation de webinaires avec des collègues étrangers et la réalisation de chroniques bibliographiques.
Co-responsables (et coordinateurs *) du groupe :
Olessia Kirtchik (Chercheure associée au CESSP)
Sarah Kolopp (MCF, Université Paris 1, CESSP) *
Yohann Morival (MCF, Université de Lille, CERAPS) *
Antoine Roger (PR, Sciences Po Bordeaux, CED)
Contacts :
Sarah Kolopp sarah.kolopp@univ-paris1.fr
Yohann Morival yohann.morival@univ-lille.fr
NEW – Lancement d’un webinaire sur la sociologie politique et l’économie politique à l’automne 2025
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La sociologie politique de l’économie et de la finance s’est fortement développée en France depuis une quinzaine d’années, dans le sillage des écoles hétérodoxes d’économie [Boyer et al. 2023). À la croisée des études européennes, des relations internationales, de la sociologie politique des élites et des politiques publiques, elle s’est attachée à remettre en cause les dichotomies entre public et privé, intérêt général et profit, État et marché, et s’est donnée à saisir l’économie et la finance comme objets du politique. Elle a donné lieu à plusieurs élaborations programmatiques, autour de la « sociologie politique de l’économie » [Gayon et Lemoine 2014], du « gouvernement des industries » [Jullien et Smith 2014], de la « sociologie politique de la valeur » [Benquet et Sobel 2019], des « politiques d’économisation » [Linhardt et Muniesa 2011] ou encore du « gouvernement des conduites » [Dubuisson-Quellier 2016]. Elle s’est dotée d’un premier dictionnaire [Hay et Smith 2018], d’un manuel d’enquête de terrain [Gayon, à paraître], et de synthèses en cours d’écriture [Kolopp, à paraître]. L’objectif du groupe SPEP est de prolonger les initiatives multiples d’institutionnalisation de ce sous-champ émergent en l’articulant plus étroitement aux débats internationaux, très structurés sur ces objets. Cette ambition générale s’intègre dans un programme scientifique mettant l’accent sur trois aspects particuliers.
Renforcer le dialogue entre des espaces scientifiques dynamiques
Tout d’abord, le groupe SPEP a pour objectif de créer des espaces de dialogue entre la sociologie politique française et les approches plus internationalisées de l’économie politique. Historiquement assez éloignés, ces deux champs développent aujourd’hui des agendas de recherche dynamiques et convergents dans leurs ambitions théoriques.
Du côté français, la science politique s’est emparée tardivement des objets économiques et financiers. Ce n’est qu’à partir des années 2000 qu’elle commence à se saisir de ces objets, avec des premiers agendas de recherche sur l’expertise économique (Dulong, Gaïti), le champ du pouvoir économique (Lebaron), le tournant néolibéral (Denord) ou encore l’agriculture (Smith et Roger). À partir de la seconde moitié des années 2010, les outils théoriques et les méthodes d’enquête de la sociologie politique sont pleinement mobilisés pour comprendre les relations entre économie et pouvoir à différentes échelles et saisir le rôle du politique dans les transformations des ordres économiques contemporains.
Du côté anglosaxons, dès la fin des années 1960, l’International Political Economy se structure autour des débats entre l’école états-unienne, plutôt quantitative et économiciste, et l’école britannique, plus critique et qualitative. La période contemporaine se caractérise par une diversification des écoles et des courants de recherche en IPE, et une reconnaissance de l’éclectisme épistémologique et méthodologique de ce champ (Seabrooke et Young 2017). Ainsi, les travaux néo-gramscistes en relations internationales (De Graaf), l’économie politique écologique (Mitchell), ou encore certains travaux de « banque, finance et IPE » (Helleiner, Tsingou) s’inspirent d’approches constructivistes qui rendent possible le dialogue avec la sociologie politique française.
L’intérêt du groupe SPEP est de s’appuyer sur ces deux dynamiques pour défendre l’idée que la sociologie politique de l’économie et de la finance française a tout à gagner à se confronter aux travaux d’IPE et d’économie politique, et à réfléchir aux modalités d’un dialogue productif avec ces dynamiques de recherche. Que peut-on faire des travaux d’IPE et d’économie politique (et surtout, desquels ?) ? Quels cadres théoriques peut-on (doit-on) en retenir, et pour quels programmes de recherche ? Dans quels espaces de débats internationaux la sociologie politique de l’économie et de la finance française peut-elle s’inscrire, et que peut-elle y apporter ? Qu’est-ce qui fait la « French touch » dans l’analyse des relations entre économie et pouvoir ?
Nourrir les approches théoriques par l’enquête
Ensuite, si le groupe SPEP assume une ambition théorique, et la nécessité de discuter plus en détail la diversité des travaux existants, nous avons également la conviction que cela doit se faire à partir d’enquêtes empiriques. L’objectif du groupe n’est pas uniquement de faire un bilan théorique, mais aussi de montrer comment les appareillages conceptuels de l’IPE et de l’économie politique peuvent s’incarner dans des enquêtes approfondies sur des objets, des institutions, des groupes des acteurs et des processus concrets. Ici, le groupe cherche également à affirmer l’« empirisme irréductible » dans lequel s’est forgée l’approche de sociologie politique française – par la mobilisation des outils d’enquête des sciences sociales, l’attention aux acteurs, à leurs pratiques et à leurs dispositions, la valorisation d’un point de vue constructiviste sur le monde. La discussion des théories et leur confrontation à l’exigence de l’enquête doivent permettre à la fois de normaliser l’objet « Economie » en sociologie politique et de faire exister la sociologie politique de l’économie à l’international.
Tenir ensemble des échelles d’actions
Enfin, l’un des intérêts du groupe SPEP est de ne pas singulariser a priori une échelle d’action, que ce soit celle de l’État, d’une organisation régionale ou de l’international. L’idée est plutôt de questionner les échelles et leurs interconnexions. Ce faisant, il faut aussi se poser la question des raisons pour lesquelles certaines références sont centrales pour l’EPI et non pour l’économie politique réalisée dans un cadre national, par exemple Gramsci. De même, et parfois paradoxalement, l’EPI met l’État au centre sans se donner toutefois les moyens de le penser finement (cf. L. Panitch ou S. Gill). Notre volonté ici est donc d’ouvrir une réflexion sur l’économie comme objet politique sans s’enfermer dans des frontières nationales ou disciplinaires.
Rencontres de la science politique 2025 (30 juin-1er juillet 2025)
Session de groupe en deux panels :  « Dialoguer avec l’économie politique (internationale), à quoi ça sert ? »et « “It’s the economy, stupid”? Saisir l’économie en science politique »
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