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SPEOM – Sociologie politique de l’État Outre-Mer

Ce groupe de recherche sur la sociologie politique de l’État outre-mer s’attache à analyser les modes de production socio-historiques de la catégorie politique « outre-mer ». Il met en lumière la diversité des processus de décolonisation ainsi que la complexité de leurs chronologies, dans une perspective visant à éviter toute réduction culturaliste du politique, souvent fondée sur l’idée de spécificités irréductibles des anciennes colonies devenues départements, régions ou territoires.
En portant une attention particulière aux conditions différenciées ayant présidé à l’émergence des formes d’intervention étatique dans les Outre-mer, ce groupe défend une approche comparative qui s’oppose aux effets homogénéisants induits par l’usage générique de la notion d’« outre-mer ». Il s’agit également de souligner le legs colonial comme héritage commun, structurant les modalités d’action publique au-delà des singularités locales.
Or, une telle sociologie politique comparative de l’État outre-mer reste encore peu développée entre les différents territoires français, et demeure totalement absente en ce qui concerne les Outre-mer européens. Ce groupe de recherche propose dès lors d’initier une réflexion comparée, portant à la fois sur l’histoire coloniale et sur les dynamiques postcoloniales qui façonnent la catégorie d’intervention étatique dans les espaces dits outre-mer.

Co-responsables (et coordinateurs *) du groupe :

Willy Beauvallet (MCF, Université Lyon 2/Triangle)
Yann Bérard (MCF, Université des Antilles/PHEEAC)
Pauline Chevillotte (Doctorante, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines/CESDIP)
Marine Haddad (CR, INED)
Thibaut Joltreau (Docteur sans poste, Sciences Po Bordeaux, CED)
Clémentine Lehuger (Post-doc Université de Picardie Jules Verne/CURAPP)
Marie Thiann-Bo Morel (MCF, Université de La Réunion/Espace-DEV)
Aurélie Roger (MCF, Université des Antilles/PHEEAC) *
Francis Sanseigne (Docteur sans poste, CURAPP-ESS)
Jan Verlin (MCF, Université Lyon 3/Triangle) * 

Contacts :

Jan Verlin jan.verlin@sciencespo.fr
Aurélie Roger aurelie.roger@univ-antilles.fr

Les territoires ultramarins français traversent actuellement une série de crises multiformes qui mettent en lumière les limites et les contradictions de la catégorie d’intervention étatique dite « outre-mer ».
En Nouvelle-Calédonie, les émeutes de mai 2024, déclenchées par une réforme constitutionnelle controversée sur le corps électoral, ont ravivé les tensions communautaires et plongé l’archipel dans une instabilité politique durable, aggravée par la démission du gouvernement indépendantiste de Louis Mapou en décembre 2024.
En Martinique et en Guadeloupe, les révoltes de 2021-2022, initialement motivées par le rejet de l’obligation vaccinale, ont rapidement révélé des problématiques structurelles plus profondes : faible pouvoir d’achat, pollution au chlordécone, dégradation des services publics. Les émeutes de 2024 ont à nouveau mis en cause la légitimité de l’État outre-mer dans ces territoires.
À Mayotte, le passage du cyclone Chido en décembre 2024, sur fond de crise migratoire persistante, a fortement interrogé la capacité de l’État à assurer la protection des populations, à structurer une présence institutionnelle cohérente, et à apaiser les tensions entre groupes sociaux.
Du point de vue de la science politique, ces événements soulignent les enjeux cruciaux de la gouvernance dans les territoires ultramarins et questionnent la légitimité des formes de gestion à distance mises en place par l’État français à l’égard de ses anciennes colonies. Loin d’être réductibles à des « aires culturelles » figées ou à des spécificités identitaires essentialisées, ces crises invitent à analyser la catégorie d’action publique « outre-mer » comme une construction socio-historique, traversée par des investissements, des conflits et des négociations multiples.
Elles posent notamment la question de la capacité de l’État à adapter ses politiques aux réalités locales et aux aspirations des populations en matière d’autonomie, de reconnaissance et de justice sociale. Le « problème des outre-mer » renvoie ainsi à une interrogation plus large sur les modalités, la légitimité — et les tensions autour de cette légitimation — de l’intervention publique dans des territoires à la fois marqués par la distance géographique, la mémoire coloniale et des rapports différenciés à l’État.
Comprendre ces dynamiques nécessite de mobiliser les outils de la science politique, en articulant une approche socio-historique de la fabrique de cette catégorie d’action publique à l’ensemble des échelles et à travers l’ensemble des acteurs qui la travaillent — aujourd’hui comme hier — tout en évitant toute réification culturaliste de ces territoires. Les Outre-mer sont insérés dans des cadres institutionnels et des contextes largement spécifiques par rapport aux référentiels de l’État central et des institutions hexagonales. Leur position se structure historiquement autour d’une tension entre « identité » et « spécialité » législatives et réglementaires. Cette différenciation croissante reflète l’évolution des rapports de force socio-politiques, tant à l’intérieur des sociétés locales — entre courants départementalistes, autonomistes ou indépendantistes — qu’entre les territoires eux-mêmes et l’État central.
Ces dynamiques prennent forme dans le cadre de luttes et de négociations croisées autour de la répartition des ressources — économiques, fiscales, juridiques ou symboliques — mobilisant un large éventail d’acteurs : institutions politico-administratives, acteurs économiques, syndicats et associations.
L’exceptionnalité ultra-marine s’incarne notamment dans des dispositifs institutionnels dédiés et des politiques publiques ciblant spécifiquement ces territoires et les populations qui en sont issues. Les notions de dérogation, d’adaptation et de spécificité jouent un rôle central dans la construction et la mise en œuvre de l’action publique dans ces espaces.
Ce groupe de recherche s’inscrit dans un regain d’intérêt académique croissant pour ces enjeux. Il entend contribuer à l’analyse de la genèse historique des formes singulières d’intervention étatique, des modalités de domination bureaucratique, des mobilisations qui participent à la construction de cette exceptionnalité, des trajectoires professionnelles des agents publics, ainsi que des interactions administratives dans des contextes caractérisés par le pluriculturalisme et le plurilinguisme.

Rencontres de la science politique 2025 (30 juin-1er juillet 2025)
Session de groupe « Gouvernement du risque environnemental outremer »
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