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CM 6

Le pari des grandes enquêtes comparatives : contributions et usages de la science politique française

The challenge of large comparative surveys: contributions and uses by French political science

Responsables scientifiques :

Stéphanie Abrial (CNRS, Pacte, Sciences Po Grenoble – UGA) stephanie.abrial@iepg.fr
Simon Persico (Pacte, Sciences Po Grenoble – UGA) simon.persico@iepg.fr

L’usage de bases de données quantitatives en science politique – notamment de langue anglaise – s’est généralisé. Cette tendance s’explique par la prédominance croissante des méthodes statistiques et informatiques, l’amélioration des capacités de collecte, de codage et de partage des données, ainsi que par l’ouverture des données. Ces bases couvrent divers domaines centraux de la science politique, tels que l’opinion publique, les affaires internationales, les programmes électoraux, les médias, les résultats électoraux, etc. Malgré leur importance, certaines grandes bases de données d’enquête restent sous-utilisées en France. 
Cette conversation méthodologique examinera les enjeux et les obstacles liés à la construction et à l’utilisation de telles bases, les questions de financement, de stabilité des équipes de recherche, d’harmonisation des indicateurs et de valorisation scientifique. Elle explorera également comment la science politique française s’approprie ces données, soulignant l’importance de la formation méthodologique, l’accessibilité et l’utilisation de ces ressources. La discussion portera aussi sur les postures épistémiques, les méthodes mixtes, et l’intégration de ces données dans l’enseignement en science politique. Organisée autour de la succession de questions et réponses courtes et des échanges avec la salle, la conversation réunira des intervenants nationaux et internationaux pour partager leurs expériences et leurs réflexions sur ces questions. 

L’usage de larges bases de données quantitatives s’est massifié en science politique. Cela s’explique par la place croissante prise par les méthodes statistiques dans la littérature anglo-saxonne, par l’accroissement des capacités de collecte, de codage, de stockage et de partage, et par la dynamique d’ouverture des données. Opinion publique, problématiques internationales, programmes des partis politiques, agendas et instruments des politiques publiques, contenus médiatiques, résultats électoraux, manifestations, mouvements sociaux… Rares sont les objets de la science politique à ne pas être saisis quantitativement dans de grandes bases de données, possiblement longitudinales et comparatives.

Pour ne prendre qu’un exemple, les grandes enquêtes d’opinion existent depuis des décennies, et occupent un espace important dans la science politique, à la croisée de la sociologie et des politiques publiques. EB, ESS, ISSP, EVS, WVS, CSES… Ces enquêtes, auxquelles contribuent plusieurs pôles de recherche français en science politique – dont témoigne la tradition grenobloise autour de programmes bien identifiés -, constituent des outils de suivi et de production d’informations essentiels. Ils renseignent à la fois sur les comportements et les valeurs au niveau individuel, leur évolution dans le temps, leur structuration sociale ou comparée. Ces données sont ainsi nécessaires à la production d’un savoir objectivé associant cumulativité et réfutabilité.

Ces enquêtes demeurent pourtant peu connues et utilisées. Malgré des méthodologies robustes, invitant à des réflexions sans cesse partagées dans la communauté scientifique, il demeure une situation de sous-utilisation de ces données quantitatives. Et l’on pourrait dresser un tableau similaire pour de nombreuses autres bases de données utilisées massivement dans la science politique internationale. Comment dès lors réussir aujourd’hui le pari des grandes enquêtes et des bases de données comparatives, dans la science politique française ?

Cette conférence semi-plénière méthodologique vise à questionner ce paradoxe en repartant tout d’abord d’un état des lieux des grands types de bases de données disponibles et de leurs usages potentiels, pour ensuite en discuter les enjeux et les obstacles à travers des situations captées à deux moments clé du processus :  dans la construction (en amont) puis dans d’utilisation et la valorisation (en aval) de ces bases de données.

En amont, il s’agit de discuter du rôle joué par des équipes françaises dans la production de ces projets collectifs de compréhension du monde politique par la comparaison internationale. En plus de la question de la présence dans les données du cas français (qui se pose parfois) se jouent aussi des enjeux liés à leur pérennité et leur visibilité dans le monde académique. On pense à la question de leur financement (enquêtes coûteuses), à la stabilité et l’ouverture des équipes de recherche impliquées, ou aux modes de collaboration que cela implique, au niveau national comme international. On pense aussi aux dimensions plus concrètes qui ont des implications scientifiques fortes, sur le choix des indicateurs et leur harmonisation, sur l’intégration de dimensions plus qualitatives (avec la possibilité de stockage et de codage de contenus) ou sur les modes de collectes et de production.

En aval, il s’agit de comprendre comment la science politique française se saisit (ou pas) de ces bases de données, mais aussi d’échanger sur leur accessibilité, leur utilité et leur valorisation scientifique. De nombreuses bases de données sont peu connues en dehors de la communauté qui contribue à les produire. Pour questionner leur utilisation et valorisation, un regard particulier sera porté sur la recherche, autour des enjeux d’accessibilité et des compétences méthodologiques que l’usage de ces données implique. Se posent ainsi des questions sur la formation aux méthodes de la jeune recherche et sur l’attractivité des méthodes quantitatives. Se posent enfin des questions sur les postures épistémiques, et nous discuterons aussi des conditions d’utilisation de ces données dans le cadre de méthodes mixtes ou comme éléments de cadrage et de construction des cas. On questionnera enfin l’utilisation faite de ces données comparées – y compris à un niveau agrégé et descriptif – dans les enseignements.

La semi-plénière réunira des intervenants nationaux et internationaux, chercheurs, ingénieurs, qui apporteront leurs expériences, leurs connaissances et leurs pistes de réflexion sur tous ces sujets. La discussion sera structurée par une série de questions et réponses courtes et des échanges avec la salle.

 

The use of large quantitative databases has become increasingly widespread in political science. This can be explained by the growing importance of statistical methods in Anglo-Saxon literature, by the increasing capacity for data collection, coding, storage and sharing, and by the dynamic of data openness. Public opinion, international issues, political party platforms, public policy agendas and instruments, media content, election results, demonstrations, social movements… Few political science subjects are not captured quantitatively in large, possibly longitudinal and comparative databases.

To take just one example, major opinion surveys have been around for decades, and occupy an important space in political science, at the crossroads of sociology and public policy. EB, ESS, ISSP, EVS, WVS, CSES… These surveys, to which several French political science research clusters contribute – as witnessed by the Grenoble tradition around well-identified programs – are essential tools for monitoring and producing social scientific information. They provide data on individual behaviors and values, their evolution over time, and their social or comparative structuring. These data are thus necessary for the production of objective knowledge that combines cumulativity and refutability.

Yet these surveys remain somewhat little known and little used. Despite their robust methodologies, which are the subject of ongoing debate within the scientific community, quantitative data is still under-utilized. A similar picture can be painted for many other databases used extensively in international political science. So how can we make a success of large-scale surveys and comparative databases in French political science today?

This semi-plenary methodological conference aims to question this paradox, starting with an overview of the main types of database available and their potential uses, and then discussing the issues and obstacles involved through situations captured at two key moments in the process: in the construction (upstream) and then in the use and valorization (downstream) of these databases.

Upstream, the aim is to discuss the role played by French teams in the production of these collective projects for understanding the political world through international comparison. In addition to the question of the presence of the French case in the data (which sometimes arises), there are also issues linked to their durability and visibility in the academic world. We will tackle the question of funding (costly surveys), the stability and openness of the research teams involved, and the modes of collaboration that this implies, at both national and international level. We will also underline the more concrete dimensions that have strong scientific implications, on the choice of indicators and their harmonization, on the integration of more qualitative dimensions (with the possibility of storing and coding content) or on the modes of collection and production.

Downstream, the aim is to understand how French political science uses (or does not use) these databases, and to discuss their accessibility, usefulness and scientific value. Many databases are little known outside the community that helps produce them. To examine their use and development, we will be taking a particular look at research, focusing on the issues of accessibility and the methodological skills involved in using these data. This raises questions about training in methods for young researchers and the attractiveness of quantitative methods. We will also discuss the conditions under which these data can be used as part of mixed methods or as framing and case-building elements. Finally, we will question the use made of these comparative data – including at an aggregate and descriptive level – in teaching.

The semi-plenary session will bring together national and international speakers, researchers and engineers, who will contribute their experience, knowledge and thoughts on all these topics to answer a series of short questions from the organizers and the audience.

Mercredi 3 juillet 2024 de 11h à 13h

Emiliano Grossman (CDSP, Sciences Po), Enquêtes électorales et données relatives aux agendas gouvernementaux et médiatiques

Viviane Le Hay (Centre Emile Durkheim, Sciences Po Bordeaux), Transmission, formation et outillage méthodologique

Georg Lutz (FORS, Université de Lausanne), Enquêtes d’opinion et mise à disposition des données

Emilie Van Haute (Université Libre de Bruxelles), Enquêtes sur les partis et la compétition politiques

ABRIAL Stéphanie stephanie.abrial@iepg.fr

GROSSMAN Emiliano emiliano.grossman@sciencespo.fr

LE HAY Viviane v.le.hay@sciencespobordeaux.fr

LUTZ, Georg georg.lutz@unil.ch

PERSICO Simon simon.persico@iepg.fr

VAN HAUTE Emilie emilie.van.haute@ulb.be