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ST 13

Politiques de lutte contre les illégalismes économiques et financiers

Policies to fight economic and financial illegalisms

Responsables scientifiques :

Constantin Brissaud (ISPOLE, UCLouvain) cbrissaud@gmail.com
Julien Louis (Laboratoire Triangle, Université Lyon 2) julien.louis@univ-lyon2.fr

 

Cette section thématique propose d’analyser les politiques de lutte contre les illégalismes économiques et financiers avec les outils de la science politique. Préférée à celle de délinquance, la notion d’illégalismes (Lascoumes 1996; Spire 2013; Amicelle 2014) permet d’une part de se distancier de la « raison criminologique » (Bigo, Bonelli, 2014) et d’autre part de s’extraire des catégories formelles du droit pénal.

Ainsi, la notion privilégie non seulement l’étude des transgressions du droit, mais également ses contournements et redéfinitions. Une telle approche est particulièrement heuristique pour étudier les illégalismes économiques et financiers, à propos desquels plusieurs travaux ont montré combien leur catégorisation délictuelle était le fruit de négociations et de rapports de force entre leurs perpétrateurs et les autorités publiques.

Ce constat est bien mis en évidence à propos des pratiques de fraude fiscale (Spire et Weinfeld 2015; Herlin-Giret 2017) ou encore de corruption (Lascoumes 2022). Ces études pointent également la prépondérance en la matière des délinquants « en col blanc » (Sutherland 1983; Chantraine et Salle 2013) dont les positions sociales élitaires favorisent un rapport souple, distancié et tactique à l’égard du droit (Lascoumes et Nagels 2018 ; Angeletti, 2022).

Partant de ce cadre conceptuel, cette section thématique propose d’analyser les politiques de lutte contre les illégalismes économiques et financiers selon trois axes de travail. Les communications seront fondées sur des enquêtes empiriques menées sur des terrains aussi bien français qu’étrangers, internationaux ou comparés.

  1. Dynamiques de professionnalisation et d’institutionnalisation

Un premier axe de travail porte sur les professionnels des politiques de lutte contre les illégalismes économiques et financiers.

Il analyse l’émergence d’un ensemble de métiers liés à ces politiques, aussi bien publics (juges et procureurs, inspecteurs des impôts, douaniers, agents de Tracfin, data analysts de la DGFiP…) que privés (compliance officers, commissaires aux comptes, notaires…), ainsi que leurs interdépendances et interpénétrations (Favarel-Garrigues et al. 2009; Vauchez et France 2017). Classiquement, il s’agit d’étudier leurs propriétés sociales, leurs trajectoires et leurs pratiques professionnelles, en surmontant les difficultés spécifiques posées par ce type de terrains (Herlin-Giret 2018).

Enfin, à l’aune de la multiplication des organismes dédiés à la lutte contre ces illégalismes (Parquet national financier, Service d’enquête judiciaire des finances, Agence française anticorruption, HATVP…), les propositions pourront s’attacher aux processus d’institutionnalisation dans lesquels sont prises et auxquels contribuent ces professions.

  1. Croisades morales et mobilisations collectives 

Le deuxième axe de réflexion porte sur les croisades morales et les mobilisations collectives contre les illégalismes économiques et financiers.

Ceux-ci ont pour particularité ancienne de ne susciter qu’un faible degré de réprobation sociale (Lascoumes 2010). Pourtant, des agents travaillent à publiciser le problème (sur la corruption : Katzarova 2019, Wickberg 2021) et le mettre à l’agenda des autorités (Oxfam ou l’OCDE sur l’évasion fiscale, Transparency International sur la corruption, missions parlementaires, journalistes d’investigation…), et des groupes se mobilisent concrètement pour y remédier (actions judiciaires d’Anticor, plaidoyer de la Maison des lanceurs d’alerte, négociations syndicales de dispositifs « RSE » dans les firmes multinationales…).

Quels sont les ressorts de ces mobilisations? Quels sont les profils des agents mobilisés ? Quels répertoires d’action ces groupes adoptent-ils ? Et à l’inverse, à quelles stratégies de confinement ou de recadrage alternatif du problème font-ils face ?

  1. Pratiques de résistance

De manière symétrique, et en accord avec la perspective relationnelle que recouvre la notion d’illégalismes, un dernier axe voudrait enfin inscrire ces politiques de lutte et mobilisations dans le continuum des pratiques de résistance des élites (Agrikoliansky et Collovald 2014; Barrault-Stella et Spire 2017) contre les normes économiques, financières, ou encore fiscales (sur ce dernier point : Spire 2018; Huret 2014; Martin 2013).

Qui fraude et à quel moment de la vie (Bessière et Gollac 2017 et 2020) ? Avec quelles stratégies et quelles pratiques de négociation des illégalismes ? Avec le soutien de quels adjuvants et intermédiaires (avocats, conseillers fiscaux, gestionnaires de patrimoine, banquiers…) ? Au moyen de quels dispositifs techniques et juridiques (niches fiscales, sociétés écrans, paradis fiscaux, secret bancaire, crypto-monnaies…) ?

 

This thematic section proposes to analyze the policies dedicated to fight economic and financial illegalisms with the tools of political science. Instead of the notion of “delinquency”, the concept of illegalisms (Lascoumes 1996; Spire 2013; Amicelle 2014) allows us to distance ourselves from “criminological reason” (Bigo, Bonelli, 2014) on the one hand, and from the formal categories of criminal law on the other.

Thus, the concept of “illegalisms” focuses not only on the study of legal transgressions, but also on their circumvention and redefinition. Such an approach is particularly heuristic for the study of economic and financial illegalisms, about which several works have shown how their criminal categorization was the fruit of negotiations and power relations between their perpetrators and the public authorities.

This is clearly demonstrated in the case of tax fraud (Spire and Weinfeld 2015; Herlin-Giret 2017) and corruption (Lascoumes 2022). These studies also point to the preponderance in this criminal area of “white-collar” criminals (Sutherland 1983; Chantraine and Salle 2013) whose elite social positions favor a flexible, distanced and tactical relationship to the law (Lascoumes and Nagels 2018 ; Angeletti, 2022).

Within this conceptual framework, this thematic section proposes to analyze policies against economic and financial illegalisms along three lines. Papers will be based on empirical investigations carried out in French, foreign, international or comparative fields.

  1. Dynamics of professionalization and institutionalization

The first line of work focuses on the professionals involved in policies to fight economic and financial illegalisms.

It analyzes the emergence of a range of professions linked to these policies, both public (judges and prosecutors, tax inspectors, customs officers, anti-laundering agents…) and private (compliance officers, statutory auditors, notaries…), as well as their interdependencies and interpenetrations (Favarel-Garrigues et al. 2009; Vauchez and France 2017). Classically, the aim is to study their social properties, trajectories and professional practices. This means overcoming the specific difficulties posed by this type of fieldwork (Herlin-Giret 2018).

Finally, in light of the multiplication of bodies dedicated to combating these illegalisms (specialized prosecutor’s offices and investigation services, anti-corruption agencies, public integrity offices…), proposals may focus on the institutionalization processes in which these professions are caught up and to which they contribute.

  1. Moral crusades and collective mobilizations

The second line of thought concerns moral crusades and collective mobilizations against economic and financial illegalisms.

These types of illegalisms have the long-standing characteristic of provoking only a low degree of social disapproval (Lascoumes 2010). Nevertheless, agents are working to publicize the problem (on corruption: Katzarova 2019, Wickberg 2021) and put it on the authorities’ agenda (Oxfam or the OECD on tax evasion, Transparency International on corruption, parliamentary missions, investigative journalists…), and groups are mobilizing concretely to remedy it (legal actions launched by NGOs, advocacy in favor of whistleblowers, negotiations of “CSR” measures by trade unions in multinational firms…).

What are the driving forces behind these mobilizations? What are the profiles of the agents mobilized? What repertoires of action do these groups adopt? And, conversely, what strategies of containment or alternative reframing of the problem do they face?

  1. Resistance practices

Symmetrically, and in line with the relational perspective embodied by the notion of illegalisms, a final axis would like to inscribe these policies and mobilizations in the continuum of elite resistance practices (Agrikoliansky and Collovald 2014; Barrault-Stella and Spire 2017) against economic, financial or fiscal norms (on this last point: Spire 2018; Huret 2014; Martin 2013).

Who defrauds and at what point in life (Bessière and Gollac 2017 and 2020)? What strategies and practices are used to negotiate illegalisms? With the support of which allies and intermediaries (lawyers, tax advisors, asset managers, bankers…)? By means of what technical and legal devices (tax niches, shell companies, tax havens, banking secrecy, crypto-currencies…)?

Session 1 / Dynamiques de professionnalisation et d’institutionnalisation

Anthony Amicelle (Sciences Po bordeaux), Des banquiers vigilants ? Argent sale, économie du soupçon et surveillance libérale

Anaïs Bonanno (IRES/ENS Lyon), ‘Tu deviens un agent verbalisateur sans pouvoir’. Éclairer la politique pénale du travail en France à l’aune des relations entre l’inspection du travail et le parquet

Numa Gagey (Sciences Po Bordeaux), Pierre-Emmanuel Metzger-Debrune (Université de Strasbourg), D’un leak à l’autre. Le journalisme d’investigation, un acteur émergent du champ de la lutte contre les illégalismes économiques et financiers

Session 2 / Pratiques et résistances

Axe 1 / Approches localisées des illégalismes économiques et financiers

Thomas Brisson (Université Paris 8), Pour une analyse localisée des illégalismes financiers transnationaux: l’exemple de la juridiction offshore de Singapour

Marie Quarrey (Université de Strasbourg), ‘On me dit d’inscrire mes frais réels, j’inscris les kilomètres que j’ai vraiment faits’. Frais réels et résistance localisée à l’impôt en contexte frontalier franco-suisse

Axe 2 / Economies morales des acteurs politiques et patronaux

Sofia Wickberg (Université d’Amsterdam), Eric Buge (Conseil d’Etat), Sébastien Michon (Université de Strasbourg), Eric Phélippeau (Université de Nanterre), La déontologie parlementaire : usages et effets d’un nouveau régime de probité

Clémentine Comer (Université Paris-Dauphine), Nicolas Fortané (Université Paris-Dauphine), La croisade des vétérinaires libéraux contre la régularisation des illégalités. Une guerre commerciale par-delà l’Etat

AMICELLE Anthony a.amicelle@sciencespobordeaux.fr

BONANNO Anais anais.bonanno@ens-lyon.fr

BRISSAUD Constantin cbrissaud@gmail.com

BRISSON Thomas thomas.brisson@cnrs.fr

BUGE Eric eric.buge@gmx.fr

COMER Clémentine clementine.comer@inrae.fr

FORTANE Nicolas nicolas.fortane@inrae.fr

GAGEY Numa numagagey@hotmail.com

LOUIS Julien julien.louis@univ-lyon2.fr

METZGER-DEBRUNE Pierre-Emmanuel pierre-emmanuel.met@outlook.com

MICHON Sébastien smichon@unistra.fr

PHELIPPEAU Eric ephelipp@parisnanterre.fr

QUARREY Marie marie.quarrey@hotmail.fr

WICKBERG Sofia s.m.wickberg@uva.nl