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ST 48

Répercussions des mobilisations conservatrices sur les politiques publiques : comparaison, transnationalisation, méthodes

Public policy implications of conservative mobilizations: comparison, transnationalization, methods

Responsables scientifiques :  

Damien Simonneau (Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) / CESSMA) dam.simonneau@gmail.com
Carla Tomazini (University of Warwick / Printemps – UVSQ) carla.guerra-tomazini@warwick.ac.uk

 

Mobilisations anti-migrants, anti-grévistes, anti-fiscalité, anti-tourisme, anti-genre, anti-avortement : ces dernières décennies, nous avons constaté une augmentation des mobilisations en-dehors du processus électoral, particulièrement axées sur la défense de causes morales (Della Sudda 2022 ; Amenta 2022). Ces mobilisations sont souvent catégorisées comme conservatrices ou réactionnaires, ou comme ugly movements (Tarrow 1994) ou unbelovable groups (Fielding 1981). Leur intérêt réside principalement dans la préservation ou la restauration de l’ordre social et politique (Agrikoliansky et Collovald 2014).

Alors que l’action collective conservatrice avait suscité peu d’intérêt jusqu’à très récemment (Poulson, Caswell, et Gray 2014), en particulier dans le monde francophone (Agrikoliansky et Collovald 2014), l’accession de gouvernements d’extrême droite au pouvoir dans plusieurs pays constitue désormais un défi permanent pour les chercheurs et l’action publique. Ces phénomènes mondiaux incitent à discuter des éventuelles similitudes ou, à l’inverse, des particularités des contextes socio-politiques dans lesquels ils se manifestent.

Cette session vise à analyser les conséquences de la montée des mobilisations conservatrices sur l’action publique et les implications politiques qui en découlent dans une perspective comparée. Allant au-delà des phases de construction du problème publique et de l’agenda-setting (Amenta et al. 2010), il s’avère crucial d’examiner leur influence sur l’ensemble du cycle des politiques publiques, ainsi que dans les usages bureaucratiques et la communication gouvernementale.

Trois axes de réflexion sont suggérés :

  1. Les temps de l’action publique : Quels sont les « contenus » des controverses des mobilisations conservatrices et les instruments des politiques publiques en jeu ? Jusqu’à quel point les acteurs sont-ils enclins à faire des compromis pour influencer les politiques publiques (Avanza 2018) ? Quels effets sur les politiques publiques (non-décision, démantèlement, affaiblissement de la mise en œuvre, etc.) ? Quels liens ces mouvements entretiennent avec les partis, notamment d’extrême droite (Dechezelles et Luck 2011) ? Comment se combinent les variables institutionnelles, territoriales et sectorielles dans l’action des protestataires (Dupuy et Halpern 2009)? Quelles politiques publiques produisent des effets de feedback de la part des acteurs conservateurs (Pierson 1993 ; Tomazini 2018) ? Les mobilisations conservatrices ciblent des domaines tels que les politiques sociales, l’immigration, la sécurité, mais aussi d’autres moins prévisibles comme la culture et l’environnement : comment, dès lors, construire la comparabilité des cas (Simonneau 2019 ; Froio 2019) ?
  2. Transnationalisation de l’action publique: Il reste à évaluer la capacité de ces mouvements à générer une opposition aux politiques progressistes à différents niveaux, du local à l’international, et la façon dont ils s’intègrent dans le contexte du « tournant néolibéral », qui met l’accent sur les valeurs économiques. Il est essentiel de repérer les entrepreneurs politiques transnationaux qui jouent un rôle central dans les campagnes conservatrices, en utilisant les réseaux transnationaux comme un élément essentiel de leur stratégie et identité. Comment ces acteurs s’engagent-ils dans les arènes et organisations internationales
  3. Réseaux sociaux et recours à de nouvelles méthodologies : Les mobilisations conservatrices profitent en général davantage des réseaux sociaux lorsqu’ils sont mieux structurés, financés et formés à l’utilisation des outils en ligne (Schradie 2019). Il est aussi indispensable de procéder à l’analyse de l’usage des réseaux sociaux (Froio 2017 ; Froio et Ganesh 2019), notamment pour l’organisation des manifestations de rue, ainsi que d’examiner les stratégies de pétitions en ligne. Quelles stratégies de cadrage sont employées ? Est-ce que la diffusion d’informations (ou la désinformation) en ligne donne aux acteurs la capacité d’influencer la (re)définition des politiques ?

 

Anti-migrants, anti-strike, anti-tax, anti-tourism, anti-gender, anti-abortion mobilizations: in recent decades, we have witnessed an increase in mobilizations outside the electoral process, particularly focused on promoting moral causes (Della Sudda 2022; Amenta 2022). These mobilizations are often categorized as conservative or reactionary, or as “ugly movements” (Tarrow 1994) or “unbelovable groups” (Fielding 1981). Their interest lies essentially in the preservation or restoration of the social and political order (Agrikoliansky and Collovald 2014).

While conservative collective action had attracted limited interest until recently (Poulson, Caswell, and Gray 2014), particularly in the French-speaking world (Agrikoliansky and Collovald 2014), the rise to power of far-right governments in several countries represents a pressing challenge for researchers and for public policies. These global phenomena prompt a discussion of potential similarities or, conversely, the peculiarities of the socio-political contexts in which they manifest.

This session aims to analyze the consequences of the rise of conservative mobilizations on public action and the resulting political implications from a comparative perspective. Looking beyond the phases of public issue framing and agenda setting (Amenta et al. 2010), it is crucial to examine their influence throughout the entire cycle of public policies, as well as in bureaucratic practices and government communication.

Three main topics are suggested:

Public policy horizons:
What are the « contents » of controversies in conservative mobilizations and the policy instruments at stake? To what extent are actors inclined to compromise to influence public policies (Avanza 2018)? What are the effects on public policies (non-decision, dismantling, implementation weakening, etc.)? What connections do these movements have with parties, especially far-right ones (Dechezelles and Luck 2011)? How do institutional, territorial, and sectoral variables combine in the actions of protestors (Dupuy and Halpern 2009)? Which public policies result in feedback effects from conservative actors (Pierson 1993; Tomazini 2018)? Conservative mobilizations target areas such as social policies, immigration, security, but also less predictable ones like culture and the environment: how, therefore, to build comparability of cases (Simonneau 2019; Froio 2019)?

Translationalizing conservative policies:
What remains to be assessed is the capacity of these movements to generate opposition to progressive policies at different levels, from local to international, and how they fit into the context of the « neoliberal turn, » with its emphasis on economic values. It is essential to identify the transnational political entrepreneurs who play a central role in conservative campaigns, using transnational networks as an essential element of their strategy and identity. How are these actors involved in international arenas and organizations?

Social networks and the use of new methodologies:
Conservative mobilization generally takes greater advantage of social networks once they are better structured, funded and trained in the use of online tools (Schradie 2019). It’s additionally essential to analyze the use of social networks (Froio 2017; Froio and Ganesh 2019) – particularly when it comes to organizing demonstrations – and to investigate online petitioning strategies. What framing strategies are employed? Does the dissemination of information (or misinformation) online give actors the ability to influence the (re)definition of policies?

 

REFERENCES

Agrikoliansky, Éric, et Annie Collovald. 2014. « Mobilisations conservatrices : comment les dominants contestent ? » Politix N° 106 (2): 7.

Amenta, Edwin. 2022. « Why U.S. Conservative Movements are Winning: It’s not Trump—It’s the Institutions ». Mobilization: An International Quarterly 27 (1): 27‑45.

Amenta, Edwin, Neal Caren, Elizabeth Chiarello, et Yang Su. 2010. « The Political Consequences of Social Movements ». Annual Review of Sociology 36: 287‑307.

Avanza, Martina. 2018. « Plea for an Emic Approach Towards ‘Ugly Movements’: Lessons from the Divisions within the Italian Pro-Life Movement ». Politics and Governance 6 (3): 112‑25.

Dechezelles, Stéphanie, et Simon Luck. 2011. Voix de la rue ou voie des urnes: mouvements sociaux et partis politiques. Res publica. Rennes: Presses universitaires de Rennes.

Della Sudda, Magali. 2022. « Participation conservatrice ». In Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la Participation, édité par R. Lefebvre, S. Rui, G. Gourgues, G. Petit, J.-F. Fourniau, S. Hayat, L. Blondiaux, I. Casillo, S. Wojcik, et J. Zetlaoui-Léger, GIS Démocratie et Participation. https://www.dicopart.fr/participation-conservatrice-2022.

Dupuy, Claire, et Charlotte Halpern. 2009. « Les politiques publiques face à leurs protestataires ». Revue française de science politique 59 (4): 701.

Fielding, Nigel. 1981. The National Front. London: Routledge.

Froio, Caterina. 2017. « Nous et les autres: L’altérité sur les sites web des extrêmes droites en France ». Réseaux n° 202-203 (2): 39‑78.

Froio, Caterina. 2019. « Comparer les droites extrêmes: État de l’art critique et pistes pour de futurs chantiers de recherche ». Revue internationale de politique comparée Vol. 24 (4): 373‑99.

Froio, Caterina, et Bharath Ganesh. 2019. « The transnationalisation of far right discourse on Twitter: Issues and actors that cross borders in Western European democracies ». European Societies 21 (4): 513‑39.

Pierson, Paul. 1993. « When Effect Becomes Cause: Policy Feedback and Political Change ». World Politics 45 (4): 595‑628.

Poulson, Stephen C., Cory P. Caswell, et Latasha R. Gray. 2014. « Isomorphism, Institutional Parochialism, and the Study of Social Movements ». Social Movement Studies 13 (2): 222‑42.

Schradie, Jen. 2019. The revolution that wasn’t: how digital activism favors conservatives. Cambridge, Massachusetts: Harvard University Press.

Simonneau, Damien. 2019. « Des murs incomparables ? Enjeux et élaboration d’une comparaison des mobilisations pro-barrière en Israël et en Arizona (États-Unis): » Revue internationale de politique comparée Vol. 24 (4): 349‑72.

Tarrow, Sidney. 1994. Power in Movement: social movements, collective action and politics. Cambridge studies in comparative politics. Cambridge: Cambridge Univ. Press.

Tomazini, Carla. 2018. « Entre polarisation et politisation : Bolsa Família, talon d’Achille de Dilma Rousseff ? » Lusotopie 17 (1): 69‑87.

Session 1 / Mobilisations conservatrices et modalités d’action publique
Modérateurs :  Damien Simonneau (INALCO / CESSMA), Carla Tomazini (University of Warwick)
Discutante : Gwenaëlle Perrier (Université Sorbonne Paris Nord)

Ivan Sainsaulieu (CLERSE, Université de Lille), La contestation « antivax » et « antipass » :   mobilisation réactionnaire ou imaginaire politique ambivalent ?

Marième N’Diaye (CNRS/LAM, Sciences Po Bordeaux), La légalisation de l’avortement au Sénégal. Un débat confisqué par les mobilisations conservatrices

Audrey Petit-Bessy (CERAPS-CNRS, Université de Lille), Trouble dans l’action publique éducative, L’administration scolaire face aux mobilisations anti-genre

Elisa Belle (Sciences Po Paris) et Barbara Poggio (University of Trento), La guerre italienne contre « l’idéologie du genre ». Le cas des cours annulés

Juliette Dulery (IFRAE, Université de Rouen Normandie), Mouvements évangéliques de droite à Taïwan et politiques publiques : horizontalité militante et effets d’influence sectoriels’

Session 2 / Transnationalisation des mobilisations conservatrices
Modérateurs :  Damien Simonneau (INALCO / CESSMA), Carla Tomazini (University of Warwick)
Discutant : Valentin Behr (CESSP, CNRS)

Anne Coleman (ENS de Lyon), Circulations transnationales : des ressources pour la contestation pro-vie irlandaise (années 1980)

Víctor Hugo Ramirez Garcia (Newcastle University), A Test of Power for European Institutions: How to Face Conservative Backlash

Mathilde Beaufils (Institut des sciences sociales du politique), Défendre (son) honneur français. L’association France-Turquoise et la mobilisation des officiers pour la défense du rôle de la France au Rwanda

BEAUFILS Mathilde mathilde.l.beaufils@gmail.com

BEHR Valentin valentin.behr@gmail.com

BELLE Elisa elisabelle.bruni@gmail.com

COLEMAN Anne anne.coleman@ens-lyon.fr

DULERY Juliette juliette.dulery@sciencespo.fr

N’DIAYE Marième m.ndiaye@sciencespobordeaux.fr

PERRIER Gwenaëlle perriergwen@yahoo.fr

PETIT-BESSY Audrey audrey.petit@univ-lille.fr

POGGIO Barbara arbara.poggio@unitn.it

RAMÍREZ GARCÍA Víctor Hugo victorhugo.ramirezgarcia@sciencespo.fr

SAINSAULIEU Ivan ivan.sainsaulieu@univ-lille.fr

SIMONNEAU Damien dam.simonneau@gmail.com

TOMAZINI Carla carla.guerra-tomazini@warwick.ac.uk