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ST 21

Religion et politique en Amérique latine : enjeux au regard des tournants autoritaires et conservateurs ?

Religion and Politics in Latin America: Addressing Challenges Amidst Authoritarian and Conservative Shifts

Responsables scientifiques : 

Margaux De Barros (Université libre de Bruxelles, Centre d’étude de la vie politique – CEVIPOL) margaux.de.barros@ulb.be
Camille Goirand (Université Sorbonne Nouvelle, Institut des Hautes Etudes de l’Amérique latine (IHEAL) – CREDA-UMR7227 CNRS/USN) camille.goirand@sorbonne-nouvelle.fr

 

La participation des acteurs religieux à la vie politique en Amérique latine a été largement examinée, avec des apports importants de la sociologie politique des religions, en particulier à la connaissance des partis religieux (Portier, Raison du Cleuziou 2021). La recomposition du paysage religieux en Amérique Latine, manifestée par le recul du catholicisme et le renforcement des églises pentecôtistes s’observe depuis les dernières décennies du 20e siècle (Martin, 1994 ; Bastian, 2001 ; Stoll, 2002 ; Steigena & Cleary, 2007 ; Freston, 2008). Ce poids grandissant se manifeste par la professionnalisation politique d’un nombre croissant de pasteurs, à des postes exécutifs ou législatifs, ainsi que par leur poids dans les processus de mise sur agenda (Machado, 2006 ; Souza, 2009). À cela s’ajoutent les succès électoraux de candidat.es conservateurs et autoritaires soutenus par des églises évangéliques, tels que Jair Bolsonaro (Brésil), Antonio Kast (Chili) ou encore Javier Milei (Argentine). L’ensemble témoigne de l’urgence à mieux connaitre et comprendre les ressorts de cette entrée en politique, en particulier pour rendre compte du tournant autoritaire et conservateur qui traverse les Amériques, du Nord au Sud.

En Amérique latine, l’insertion des élu·es évangéliques dans le paysage politique et médiatique participe à la diffusion de positions conservatrices, dominantes au sein des églises néo-pentecôtistes, sur des enjeux tels que l’avortement, la famille ou le genre. (Cuadros, 2018 ; Ruiz, & Michel, 2021). Les succès électoraux de candidat·es conservateurs et autoritaires, soutenu·es par des églises évangéliques, témoignent de leur ancrage solide et désormais durable au sein des électorats d’Amérique latine. Néanmoins, le rapport au politique des croyant·es demeure mal connu et les chercheur·es divergent quant leur interaction avec des actrices et acteurs religieux.

Pour cette section thématique, les communications s’articulent autour des axes suivants :

1/ Comportements politiques de l’électorat dit « chrétien ». L’attention est donnée à la façon dont les acteurs religieux cherchent à façonner concrètement les comportements politiques. L’analyse porte sur les processus de politisation des fidèles et les facteurs qui les amènent à soutenir majoritairement les candidats des droites conservatrices autoritaires. On s’intéresse aux spécificités des socialisations religieuses, aux interactions avec des pasteur·es professionnalisé·es en politique mais aussi aux trajectoires de vote ou encore aux représentations du politique au sein de cet électorat.

2/ Présence des actrices et acteurs religieux en politique (institutions représentatives, action publique). Cet axe de travail porte sur les processus d’entrée en politique d’actrices et acteurs religieux, leurs stratégies de positionnement partisan, les modalités variables de l’emprise des institutions religieuse sur la vie politique des sociétés concernées. Il s’agira aussi d’examiner les stratégies de politisation de certains enjeux et de mettre au jour les interactions entre élites religieuses et politiques, ainsi que les chevauchements entre ces champs.

3/ Enjeux en termes de régimes politiques. Le rapport à la démocratie et à l’autoritarisme des électorats évangéliques et des professionnel·les de la politique « chrétien·nes » est examiné par plusieurs prismes : demandes de sécurité, rapport aux forces armées, mémoire des périodes autoritaires voire demandes d’intervention militaire en politique, positions sur les droits humains. Il s’agit interroger l’articulation entre la présence des évangéliques en politique et les dynamiques autoritaires qui traversent le continent.

Les recherches présentées dans cette ST ont un fort ancrage empirique, entrent en dialogue avec la recherche existante sur leur cas et sur la question, mobilisent des outils méthodologiques originaux, dans une approche comparative.

 

The participation of religious actors in Latin American politics has received considerable attention, thanks to significant contributions from the field of political sociology of religions, while most classical research work addressed religious parties (Portier, Raison du Cleuziou 2021). The transformation of the religious landscape in Latin America, marked by the decline of Catholicism and the growing influence of Pentecostal churches since the late 20th century (Stoll, 2002; Steigena & Cleary, 2007), has led to their entry into politics (Bastian, 2001; Freston, 2008). Their increasing influence is noteworthy in their support for various parties and candidates, the rising number of pastors pursuing political careers in executive or legislative mandates, and their significant impact on political agenda-setting (Machado, 2006; Souza, 2009). Additionally, the electoral successes of conservative and authoritarian candidates backed by evangelical churches, such as Jair Bolsonaro in Brazil, Antonio Kast in Chile, and Javier Milei in Argentina, highlight the urgency of better understanding the dynamics linked to their entry into politics, particularly as it relates to the authoritarian and conservative shift observed across the Americas, from North to South (Mathieu, Collombon 2021).

In Latin American societies, the involvement of evangelical elected officials in the political and media spheres contributes to the spread of conservative views, which are predominant within Pentecostal churches, on issues such as abortion, family, and gender (Cuadros, 2018; Ruiz & Michel, 2021). The electoral victories of conservative and authoritarian candidates backed by evangelical churches highlight their strong and lasting foothold within these electorates. Nonetheless, church goers’ relationship with politics remains insufficiently documented and understood, and researchers diverge on the interactions that the faithful have with religious actors.

This ST follows three main axis:

1/ Political behavior of the so-called ‘Christian’ electorate. Papers presented in this ST will pay attention to how religious actors shape political behaviors. The analysis will delve into the processes of political socialization among church goers and the factors that lead them to predominantly support candidates from authoritarian conservative parties. It will explore the specifics of religious socialization, interactions with pastors who have taken on political roles, main voting behaviors, and party alignments within this electorate.

2/ Presence of religious actors in politics. Presentations will focus on the processes by which religious actors enter into politics, their strategies for positioning themselves within political parties, and the various degrees of influence exerted by religious institutions on the political field of Latin-american societies. It will also examine strategies for politicizing issues and uncover interactions between religious and political elites, as well as overlaps between these fields.

3/ Political regime-related issues. The relationship between evangelical voters and ‘Christian’ political professionals and their perspectives on democracy and authoritarianism will be analyzed from various perspectives, including demands for security, attitudes towards the armed forces, memories of authoritarian periods, or even calls for military intervention in politics, and positions on human rights. The proposals will investigate the interplay between the presence of evangelicals in politics and the authoritarian dynamics that permeate the continent.

The research work presented in this ST has a strong empirical basis, discuss existing research in this field and on their case-study, and mobilize original methodological tools, in a comparative approach.

 

REFERENCES

BASTIAN, J. P. (2001). Pluralisation religieuse, pouvoir politique et société en Amérique latine. Pouvoirs, (3), 135-146.

CAMURÇA, M. (2023). A relação do catolicismo com o governo Bolsonaro : entre o apoio dos setores conservadores e a critica das instancias institucionais e dos movimentos progressistas. . Debates Do NER, 207–234.

CUADROS J. R. (2018). Le basculement religieux latino-américain. Hérodote, 171, 119-134

FRESTON, P (2008). Evangelical Christianity and Democracy in Latin America. New York, Oxford University Press.

GARCIA-RUIZ, J. & MICHEL, P. (2011). Amérique latine : les évangéliques en politique. Études, 414, 583-593.

MACHADO, M. (2006). Política e Religião: A Participação dos Evangélicos nas Eleições. Rio de Janeiro, FGV Editora.

MATHIEU, L., COLLOMBON M., (2021), Dynamiques des tournants autoritaires, Vulaines S/Seine, Le Croquant.

PORTIER P., RAISON DU CLEUZIOU Y., (2021), « Partis politiques et religions : entre sacralisation du politique et sécularisation du religieux », Revue internationale de politique comparée, 28 (1-2), p. 11-36.

SOUZA, A. (2009). “O desempenho político-eleitoral dos evangélicos de 1986 a 2008”. Revista Brasileira de História das Religiões, Maringá: v. 1, no 3.

STEIGENA, T.; CLEARY, E. (eds). (2007). Conversion of a Continent: Contemporary Religious Change in Latin America. New Brunswick, NJ, Rutgers University Press.

STOLL, D. (2002). ¿América Latina se vuelve protestante? Las políticas del crecimiento evangélico. Madrid, Nódulo.

VITAL C. (2017). Religião e política : medos sociais, extremismo religioso e as eleições de 2014, Heinrich Böll Stiftung Brasil & Instituto de Estudos da Religião (ISER), Rio de Janeiro.

Présidentes de session : Camille Goirand (Université Sorbonne Nouvelle, Institut des Hautes Etudes de l’Amérique latine (IHEAL) – CREDA-UMR7227 CNRS/USN) et Margaux De Barros (Université libre de Bruxelles, Centre d’étude de la vie politique – CEVIPOL)

Discutant : Frédéric Louault, Centre d’étude de la vie politique (CEVIPOL), Université libre de Bruxelles

Pedro Lima (Université Fédérale de Rio de Janeiro et EHESS), Bolsonarisme, anti-gauchisme ou pragmatisme ? L’éléctorat néopentecôtiste dans le brésil contemporain (2006-2022)

Thais Pavez (Centro de Estudos dos Direitos da Cidadania (CENEDIC), Universidade de São Paulo), The extreme right’s dispute over the political imaginary in Brazil : the spiritual war in the case of the Amazon

Thierry Maire (Centre Maurice Halbwachs (ENS-EHESS), CEMCA), De la guerre civile à la guerre spirituelle : acteurs évangéliques, militaires et « nation chrétienne » au Guatemala

Claire Nevache (Centre d’étude de la vie politique (CEVIPOL), Université libre de Bruxelles), Le rôle des pasteurs pro-Lula pendant la campagne présidentielle de 2022 au Brésil. Mobilisations et stratégies d’un secteur évangélique minoritaire

Xabier Itçaina (Centre Émile Durkheim, Sciences Po Bordeaux), Acteurs religieux et politisation de l’économie. Catholicisme social et économie sociale et solidaire au Mexique

DE BARROS Margaux margaux.de.barros@ulb.be

GOIRAND Camille camille.goirand@sorbonne-nouvelle.fr

ITCAINA Xabier x.itcaina@sciencespobordeaux.fr

LIMA Pedro pedro.lima@ehess.fr

LOUAULT Frédéric flouault@ulb.be

MAIRE Thierry thierrymaire477@gmail.com

NEVACHE Claire claire.nevache@ulb.be

PAVEZ Thais thaispavez@gmail.com