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ST 08

La fabrique des identités et des subjectivités militantes dans les mondes arabes (post)révolutionnaires

The making of activist identities and subjectivities in (post)revolutionary Arab worlds

Responsables scientifiques :

Lina Benchekor (Mesopolhis, AMU) benchekor.lina@gmail.com
Léo Fourn (IRD ; CEPED) leofourn@gmail.com

 

Les protagonistes des soulèvements survenus dans le monde arabe à partir de 2010 ont souvent été désignés à partir de catégories telles que « le peuple », « les jeunes » ou « les femmes ». Au-delà de ces désignations globalisantes, quels sont les processus de formation et transformation des identités militantes en contexte (post)révolutionnaire ? Dans le sillage de la sociologie interactionniste, qui envisage l’identité comme un processus continu tout au long des trajectoires biographiques, nous nous intéressons à la fois aux identifications assignées et aux appartenances revendiquées. Cette ST invite ainsi à réfléchir à la fluidité des identités militantes dans des contextes de bouleversement de l’ordre social et politique (révolution, restauration autoritaire ou guerre). Des réajustements identitaires successifs accompagnent les transformations des rapports des révolutionnaires à l’événement lui-même et à ses issues. Comment les identités militantes survivent-elles alors, au long cours, à l’essoufflement des dynamiques révolutionnaires ? Nous examinerons par ailleurs la manière dont ces identités s’articulent avec d’autres appartenances (professionnelles, familiales et/ou communautaires), avec lesquelles elles peuvent être associées mais aussi entrer en tension.

Les soulèvements ont donné lieu à des processus de subjectivation refondant les appartenances de leurs protagonistes, notamment à travers l’adoption de l’identité révolutionnaire et la reconfiguration de leurs réseaux de sociabilité. Dans cette perspective, nous envisageons de retracer les évolutions des perceptions et des présentations de soi des militant·es, à l’aune d’une décennie post-révolutionnaire marquée par des bouleversements profonds dans les sphères publique et privée. Des groupes d’appartenance minoritaires (ethniques, régionaux, confessionnels, de genres et d’orientations sexuelles) et sectoriels (exemple des diplômés-chômeurs) ont été à l’origine de revendications propres, contribuant ainsi à renverser les stigmates longtemps associés à ces catégories sociales.

Comment les organisations militantes façonnent-elles des identités collectives et comment sont-elles appropriées par leurs membres ? Quels sont les acteurs extérieurs aux mouvements de protestation qui contribuent à produire ces catégories (militant·es, activistes, féministes, islamistes, etc.) et à les redéfinir au fil du temps ? On peut penser aux soutiens étrangers qui font circuler des catégories qualifiant le militantisme qui sont reprises et traduites localement, à l’instar du lexique de la « société civile ». Les régimes menacés, quant à eux, produisent des contre-discours et des catégorisations visant à disqualifier leurs opposant·es, en les décrivant comme terroristes, traîtres ou agents de l’étranger.

En adoptant une posture réflexive, nous analyserons la façon dont les recherches en sciences sociales manient ces catégories lors d’enquêtes de terrain. Une réflexion sera ainsi menée au sujet des méthodes d’enquête permettant d’analyser les expressions et les matérialités des processus identitaires. Nous questionnerons par exemple l’usage de la méthode biographique, qui permet de retracer l’évolution des appartenances militantes, ou encore les méthodes d’analyse des productions langagières militantes diffusées dans l’espace public (slogan, discours, pratiques artistiques, etc.). Cela nous conduira à une discussion autour du lexique employé pour désigner le militantisme en contexte.

La ST se déroulera en deux sessions. La première s’intitule « Négociations identitaires, entre revendication et dissimulation » ; la seconde, « La fabrique institutionnelle des identités militantes ».

 

The protagonists of the Arab uprisings since 2010 have often been labelled using categories such as “the people”, “youth” or “women”. Beyond these globalising labels, what are the processes by which activist identities are formed and transformed in a (post)revolutionary context? In the wake of interactionist sociology, which views identity as a continuous process throughout biographical trajectories, we are interested in both assigned identifications and claimed belongings. This ST invites us to reflect on the fluidity of activist identities in contexts of disruption of the social and political order (revolution, authoritarian restoration or war). Successive shifts in identity occur as revolutionaries’ relationships with the event itself and its outcomes change. So how do activist identities survive, over the long term, when the revolutionary dynamic runs out of steam? We will also examine how these identities relate to other affiliations (professional, family and/or community), with which they may be associated but also conflict.

The uprisings have led to processes of subjectivation that reshaped the sense of belonging of their protagonists, particularly through the adoption of a revolutionary identity and the reconfiguration of their social networks. From this perspective, we intend to explore changes in activists’ self-perceptions and self-presentations in a post-revolutionary decade marked by profound transformations in the public and private spheres. Minority (ethnic, regional, religious, gender and sexual orientation) and sectoral (e.g. unemployed graduates) groups have made their own demands, thereby reversing the stigma long associated with these social categories.

How do militant organisations shape collective identities and how are they appropriated by their members? Who are the actors outside the protest movements who contribute to the production of these categories (activists, feminists, Islamists, etc.) and redefine them over time? We might think of foreign sponsors who promote categories of activism that are adopted and translated locally, such as the lexicon of “civil society”. The regimes under threat, for their part, produce counter-discourses and categorisations aimed at disqualifying their opponents, by describing them as terrorists, traitors or agents of foreign powers.

By adopting a reflexive approach, we will analyse the way in which social science research handles these categories when conducting fieldwork. We will look at the methods used to analyse the expression and materiality of identity processes. For example, we will look at the use of the biographical method, which enables us to reconstruct the evolution of militant affiliations, and at methods for analysing militant language productions disseminated in the public arena (slogans, speeches, artistic practices, etc.). This will lead to a discussion of the lexicon used to designate activism in context.

The ST will be divided into two sessions. The first is entitled “Negotiating identities, between claiming and dissimulation”; the second, “The institutional making of activist identities”.

Session 1 / Négociations identitaires, entre revendication et dissimulation

Caroline Barbary (IRD, CEPED, ERC LIVE-AR), Du 20 février au Hirak du Rif : Dynamiques identitaires et contestations au Maroc

Maïa Bouatouch-Legrand (ARÈNES), Analyse générationnelle des (nouvelles) subjectivités féministes dans l’Egypte contemporaine

Victor Dupont (IREMAM, AMU, ERC LIVE-AR), Des engagements sans lendemain ? Changements de statuts et redéfinitions identitaires chez les “diplômés-chômeurs” dans la Tunisie (post)révolutionnaire

Suzan Gibril (F.R.S-F.N.R.S, ULB), Construire une grille d’analyse de l’artivisme en Egypte et en Tunisie postrévolutionnaires

Farida Souiah (Emlyon Business School), Divulguer ou dissimuler : identités militantes en Algérie sous répression

Discutante : Layla Baamara (IRD) 

Session 2 / La fabrique institutionnelle des identités militantes 

Dima Alsajedya (Collège de France/Centre Thucydide, Université Paris-Panthéon-Assas), La fabrique des identités militantes dans le nord de la Cisjordanie occupée post-2021

Habiba Ashraf (Université du Caire, ENS-PSL), Ansar Allah et le processus de formation et de transformation des identités militantes en contexte (post)révolutionnaire yéménite

Riadh Amine Ben Mami (Mesopolhis, IREMAM, Centre Maurice Halbwachs), Incarner une société civile “neutre mais vigilante” en 2011, tenir ce cap en 2021. Des formes de maintien et de désengagement dans la surveillance de la “transition démocratique” tunisienne

François Ceccaldi (Collège de France), Le Fatah au pouvoir : fabrique d’une identité militante entre centralité politique et déclassement militant

Arbia Selmi (IRD, Ceped, ERC LIVE-AR), Des syndicalistes révolutionnaires : Les identités militantes entre fierté d’appartenance et exclusion. Le cas de l’union générale tunisienne du travail UGTT

Discutant : Choukri Hmed (Université Paris Cité)

ALSAJDEYA Dima dima.alsajdeya@college-de-france.fr

ASHRAF Habiba habibaashrf@yahoo.com

BAAMARA Layla layla.baamara@gmail.com

BARBARY Caroline carolinabarbary@gmail.com

BEN MAMI Riadh Amine r-amine.benmami@hotmail.fr

BENCHEKOR Lina benchekor.lina@gmail.com

BOUATOUCH-LEGRAND Maïa maia.bouatouch.legrand@gmail.com

CECCALDI François fr.ceccaldi@gmail.com

DUPONT Victor dupontvictor15@gmail.com

FOURN Léo leofourn@gmail.com

GIBRIL Suzan suzan.gibril@ulb.be

HMED Choukri choukri.hmed@u-paris.fr

SELMI Arbia arbiaselmi@gmail.com

SOUIAH Farida souiah@em-lyon.com