En France comme ailleurs, on assiste à un retour de la question des inégalités spatiales dans le débat politique. Il s’opère sous une forme renouvelée. Depuis la fin des années 1970, ces inégalités étaient principalement abordées à l’échelle intra-urbaine, c’est-à-dire celle des quartiers, et plus spécifiquement à partir des quartiers marginalisés des métropoles. Elles sont de plus en plus perçues comme relevant d’un clivage plus large opposant des territoires polarisant le capital, les investissements publics, les groupes bien dotés en capitaux d’une part, d’autres territoires affectés simultanément par les restructurations industrielles, l’austérité budgétaire et le déclin démographique d’autre part. Les formules et les catégories utilisées pour désigner ces derniers varient suivant les contextes nationaux : « France périphérique », « Left behind places » (lieux délaissés, Grande-Bretagne et USA), « Aree Interne » (zones intérieures, Italie), « Krimpgebieden » (zones en retractation, Pays-Bas), « España vaciada » (Espagne vidée) ou encore « Abgehängte Regionen » (régions en décrochage, Allemagne). Si elles dessinent des géographies qu’il est difficile de rapprocher, ces catégories ont en commun de désigner des espaces doublement délaissés par les transformations du capitalisme et les restructurations de l’Etat, qui seraient de ce fait particulièrement affectées par la montée du « ressentiment » et perméables au « populisme ».

En même temps qu’il opère un déplacement géographique, ce renouvellement du cadrage des inégalités territoriales correspond à l’émergence d’un nouveau clivage politique, activé par des entrepreneurs de cause et des partis qui opposent différentes catégories de territoires, imputant les difficultés de certains aux politiques développées pour d’autres, à l’image de l’extrême droite qui oppose les « milliards pour les banlieues » et l’abandon de la « France périphérique ». Cette vision biaisée masque la complexité croissante des inégalités territoriales, à l’intérieur des métropoles, mais aussi au sein de la catégorie fourre-tout des « villes moyennes », et enfin dans les espaces de faible densité. Loin d’éclairer les dynamiques politiques à l’œuvre dans les territoires délaissés, cette approche binaire des espaces et des transformations qui les affectent opacifie les régulations sociales et politiques, les (des)alignements électoraux, les mouvements sociaux qui s’y développent.

Portant tout à la fois sur les banlieues marginalisées, les villes en déclin et les espaces ruraux en déprise, la ST vise à croiser des analyses de science politique sur ces trois catégories de territoires, abordés séparément ou relationnellement, dans différents contextes nationaux et à différentes échelles. Ce faisant, elle s’inscrit dans un mouvement de réintroduction de la dimension spatiale dans les analyses de sociologie politique et de sociologie de l’action publique, en miroir du mouvement observable dans la géographie critique anglophone où la question politique est désormais centrale.

In France, as elsewhere, the issue of spatial inequalities is making a comeback in the political debate. This resurgence takes on a renewed form. Since the late 1970s, these inequalities had been mainly adressed at the intra-urban level, focusing on marginalized neighborhoods within metropolitan areas. They are increasingly perceived as part of a broader divide between areas where capital, public investment as well as individuals and groups endowed with various resources are concentrated, on the one hand, and other areas simultaneously affected by industrial restructuring, fiscal austerity and demographic decline, on the other. The categories used to describe these latter territories vary according to the national context: ‘Peripheral France’, ‘Left behind places’ (Great Britain and USA), ‘Aree Interne’ (Inland areas, Italy), ‘Krimpgebieden’ (Shrinking areas, Netherlands), ‘España vaciada’ (Emptied Spain) and ‘Abgehängte Regionen’ (Declining regions, Germany). Despite their disparate geographies, these categories  similarly designate spaces that have been affected by both the transformations of capitalism and state restructuring. Such a shared condition would make them particularly susceptible to the rise of « resentment » and « populism. »

This renewed framing of territorial inequalities corresponds to the emergence of a new political cleavage, activated by intellectuals and political parties that pit different categories of territories against each other, blaming the difficulties of some of the policies developed on other ones. . For example, the french far-right contrasts the « billions for the (metropolitan) suburbs » with the abandonment of « peripheral France ». This skewed vision masks the growing complexity of territorial inequalities, not only within metropolitan areas but also within the catch-all category of « medium-sized towns » and  finally in sparsely populated areas. Instead of shedding light on the political dynamics at play in the so-called « left-behind places », this binary approach to spaces and the transformations affecting them obscures the social and political regulations, electoral (dis)alignments, and the social movements that develop therein.

Encompassing marginalized suburbs, declining cities, and depopulated rural areas, this thematic session aims to cross-examine political science analyses of these three spatial categories, whether considered separately or in relation to each other, in various national contexts and at different scales. In doing so, it is part of a movement to reintroduce the spatial dimension into the analyses of political sociology, mirroring the trend observed in critical geography, where the political dimension has become central.

REFERENCES

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Session 1

Axe 1 / Réinvestissements des territoires ruraux délaissés
Animation : Renaud Epstein
Discutant.e.s : en attente

ADEMI : Violaine Girard (université de Rouen, Centre Maurice Halbwachs), Elie Guéraut (Université de Clermont, INED), Lilian Lahieyte (Dysolab), Gaspard Lion (Université Sorbonne Paris Nord, EXPERICE), Eleonora Elguezabal (INRAE, Université Paris Dauphine-PSL), François Feliu (Centre Max Weber), Frédéric Nicolas (UPV, ART-Dev), Gilles Laferté (INRAE, CESAER), Encadrer la mobilité des publics du mal-logement : Un programme d’accompagnement de l’Ile-de-France vers des villes de départements ruraux

Antonin Besch (Université de Strasbourg – SAGE), Chloé Devez (Nantes Université, CENS), Les « conseillères » France services. Saisir une politique publique par l’analyse des trajectoires de ses agentes

Léonie Matuszewski (CIRAD, ART-Dev), Antoine Ducastel (CIRAD, ART-Dev) et Marie Hrabanski (CIRAD, ART-Dev), Des terres incultes aux friches agricoles. Une analyse socio-historique des politiques d’appropriation et de valorisation du foncier agricole dans les espaces ruraux délaissés

Axe 2 / Gouvernants et gouvernés en contexte de déclin (1^ère partie)
Animation : Vincent Béal
Discutant.e.s : en attente

Judith Audin (CNRS, PRODIG), Écologies politiques des quartiers délaissés de la démolition en Chine : arts de faire et formes de résilience dans les décombres de projets de rénovation urbaine inachevés à Datong

Clément Cayol (ville de Grande-Synthe, CLERSE), Une « ville laboratoire » dans le Nord. Politique de transition et rapports sociaux dans une administration municipale

Session 2

Axe 2 / Gouvernants et gouvernés en contexte de déclin (2^ème partie)
Animation : Vincent Béal
Discutant.e.s : en attente

Tristan Haute (Université de Lille, Ceraps) Leny Patinaux (Université de Limoges, Géolab) Pierre Wadlow (Université de Lille, Ceraps), Voter pour du vent. Territorialisation du développement de l’éolien et dynamiques électorales dans les Hauts de France

Côme Salvaire (IRD, LAM), Pourquoi délaisse-t-on les territoires délaissés ? Le jeu de bonneteau de la compétition politique à Mushin, Lagos

Axe 3 / Politiser l’abandon
Animation : Max Rousseau
Discutant.e.s : en attente

Claire Dedieu (CIRAD, MOISA), Fatma Zahra Rostom (CIRAD, ART-Dev), Zohra Mhedhbi (IRD, PRODIG) et Elodie Valette (CIRAD, ART-Dev), Habiter une « zone de sacrifice » : pollution industrielle, dépossessions et processus de politisation dans le territoire oasien de Gabès (Tunisie)

Deborah Galimberti (Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, Cesdip), Gilles Pinson (Sciences Po Bordeaux, Centre Emile Durkheim) et Angelo Salento (Università del Salento, Dipartimento di Scienze Umane e Sociali), De la question méridionale aux « aree interne ». Le délaissement politique des enjeux territoriaux en Italie

Anastasia Magat (Sciences-Po Grenoble, PACTE), Le même cadre mais pas la même image : une politisation différenciée des quartiers prioritaires

AUDIN Judith judith.audin@cnrs.fr

BÉAL Vincent vincent.beal@univ-st-etienne.fr

BESCH Antonin a.besch@unistra.fr

CAYOL Clément clement.cayol@univ-lille.fr, contact@clementcayol.fr

DEDIEU Claire claire.dedieu@cirad.fr

DEVEZ Chloé chloe.devez@univ-nantes.fr

DUCASTEL Antoine antoine.ducastel@cirad.fr

ELGUEZABAL Eleonora eleonora.elguezabal@inrae.fr

FELIU François francois.feliu@ens-lyon.fr

GALIMBERTI Deborah deborah.galimberti@gmail.com

GIRARD Violaine violaine.girard@univ-rouen.fr

GUÉRAUT Elie elie.gueraut@gmail.com

HAUTE Tristan tristan.haute@univ-lille.fr

HRABANSKI Marie marie.hrabanski@cirad.fr

LAFERTÉ Gilles gilles.laferte@inrae.fr

LAHIEYTE Lilian lilian.lahi@gmail.com

LION Gaspard gaspard.lion@univ-paris13.fr

MAGAT Anastasia anastasia.magat@umrpacte.fr

MATUSZEWSKI Léonie leonie.matuszewski@gmail.com

MHEDHBI Zohra zohra.mhedhbi@univ-tlse2.fr

NICOLAS Frédéric frederic.nicolas@univ-montp3.fr

PATINAUX Leny leny.patinaux@univ-lille.fr

PINSON Gilles g.pinson@sciencespobordeaux.fr

ROSTOM Fatma Zahra fatma.rostom@cirad.fr

SALENTO Angelo angelo.salento@unisalento.it

SALVAIRE Côme come.salvaire@sciencespo.fr

VALETTE Elodie elodie.valette@cirad.fr

WADLOW Pierre pierre.wadlow@univ-lille.fr