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Responsables scientifiques :
Lucille Gallardo (Mesopolhis (UMR 7064) AMU-IEP d’Aix-en-Provence) lucille.gallardo@gmail.com
Julie Gervais (CESSP Université Paris I Panthéon-Sorbonne & IRISSO, Université Paris-Dauphine) gervais_julie@yahoo.fr
L’intervention de cabinets de conseil privés dans les administrations publiques a été documentée par de nombreux travaux, qui font état de l’accroissement et de la normalisation de leur contribution à la fabrique managériale de l’action publique locale, nationale et internationale depuis plus de 30 ans. En France, les controverses politiques et médiatiques sur ce sujet permettent néanmoins d’observer un changement : la publicisation progressive du phénomène et sa construction récente en problème public (Pierru 2021). Ces polémiques ont également révélé l’ampleur de la pénétration publique des entreprises du conseil et la diversification des prestations qu’elles proposent. Cette ST est ainsi l’occasion de dresser un état des lieux de la fourniture et de l’utilisation du conseil en « affaires publiques ». Si les recherches portent surtout sur le conseil en management, on observe un élargissement des missions et des services pour lesquels les cabinets sont sollicités (stratégie, gestion des ressources humaines, numérique et « transformation digitale », audit, évaluation, finance, « accompagnement au changement », supply chain, démarche qualité, « innovation et transformation énergétique », communication, etc.).
Les communications sélectionnées documentent les pratiques et les relations professionnelles entre les agents publics et les consultant·es. À la suite d’autres auteurs (Belorgey 2010, 2020 ; Bataille 2020), elles montrent le rôle de courtiers et de passeurs des consultant·es, qui œuvrent à légitimer les réformes auprès des agents publics. Elles analysent les formes d’alliances et de divisions du travail, mais aussi de résistances et de conflits que génère leurs interventions dans les champs bureaucratique et politique (Hurl 2018; Vogelpohl et Klemp 2018; Vogelpohl 2019). Elles interrogent également la façon dont ces collaborations public/privé transforment et (dé)légitiment certaines formes d’intervention, certaines pratiques administratives et savoirs de gouvernement, et diffusent des formes alternatives de connaissances pratiques et théoriques (modèles, outils, formats d’expertise, visions réformatrices, etc.) dans le travail administratif.
La question du rôle politique des consultant·es et des effets des cabinets privés sur les formes de gouvernement contemporain et le contenu des politiques publiques a fait l’objet de travaux, qui décrivent les phénomènes de « privatisation des connaissances » bureaucratiques, de dépendance des pouvoirs publics envers les consultant·es, ou encore de « procéduralisation » et de contournement des enjeux politiques (Poupeau, Guéranger et Cadiou 2012 ; Momani 2017 ; Ylönen et Kuusela 2018). En reprenant et en développant les travaux de Christopher Hood et Michael Jackson sur la consultocratie (1991), les analyses qui envisagent ces effets en termes de « capture » privée de l’action publique ont cependant tendance à réifier les frontières entre les mondes publics et privés (Gallardo et al. 2023) et à présenter la sphère publique comme assiégée par les acteurs du marché (Gervais et Pierru, 2018). En s’intéressant surtout aux changements et aux effets des cabinets sur l’administration, elles tendent à occulter comment l’administration et ses réformes affectent le secteur du conseil en « affaires publiques ». L’intérêt porté ici aux « relations de conseil » (Villette 2003), aux circulations professionnelles et aux formes d’homologie sociale de la « noblesse managériale publique-privée » (Gervais, Lemercier et Pelletier 2021), permet par ailleurs de décloisonner les frontières entre État et marché et d’analyser les effets du conseil privé sur le contenu et les formes de l’action publique comme des co-constructions.
Cette ST vise à faire dialoguer des enquêtes actuelles sur l’intervention publique de cabinets de conseil, dans les villes françaises comme dans les gouvernements étrangers ou au sein de l’UE, et à interroger leur contribution au « grand brouillage » public-privé (France et Vauchez 2017), qui vient remodeler les espaces où se définissent l’intérêt général et les conditions d’exercice de la démocratie.
The involvement of private consultancies in public administrations has been documented in numerous studies, which show the growth and standardisation of their contribution to the managerial fabric of local, national and international public policies over the last 30 years. In France, however, the political and media controversies on this subject have enabled us to observe a change: the gradual publicisation of the phenomenon and its recent construction as a public problem (Pierru 2021). These controversies have also revealed the extent of the public penetration of consultancy firms and the diversification of the services they offer. This TS provides an opportunity to present an overview of the provision and use of ‘public affairs’ consultancy. While most of the research focuses on management consulting, there has been a broadening of the range of assignments and services for which consultancies are called upon (strategy, human resources management, digital and ‘digital transformation’, audit, evaluation, finance, ‘change management’, supply chain, quality approach, ‘innovation and energy transformation’, communication, etc.).
The papers selected inform the practices and professional relationships between public officials and private consultants. Following other authors (Belorgey 2010, 2020; Bataille 2020), they show the role of consultants as brokers and intermediaries, working to legitimise reforms among public officials. They analyse the forms of alliance and division of labour, as well as the resistance and conflicts generated by their interventions in the bureaucratic and political fields (Hurl 2018; Vogelpohl and Klemp 2018; Vogelpohl 2019). They also question the way in which these public/private collaborations transform and (de)legitimise certain forms of intervention, certain administrative practices and governmental knowledge, and disseminate alternative forms of practical and theoretical knowledge (models, tools, formats of expertise, reformist visions, etc.) in administrative work.
The question of the political role of consultants and the effects of private firms on contemporary forms of government and the content of public policy has been the subject of studies describing the phenomena of bureaucratic ‘privatisation of knowledge’, the dependence of public authorities on consultants, and the ‘proceduralisation’ and bypassing of political issues (Poupeau, Guéranger and Cadiou 2012; Momani 2017; Ylönen and Kuusela 2018). Taking up and developing the work of Christopher Hood and Michael Jackson on consultocracy (1991), however, analyses that consider these effects in terms of the private ‘capture’ of public action tend to reify the boundaries between the public and private worlds (Gallardo et al. 2023) and to present the public sphere as besieged by market actors (Gervais and Pierru, 2018). By focusing on the changes and effects of consultancies on government, they tend to obscure how government and its reforms affect the ‘public affairs’ consultancy sector. The interest shown here in ‘consultancy relationships’ (Villette 2003), professional circulations and forms of social homology of the ‘public-private managerial nobility’ (Gervais, Lemercier and Pelletier 2021), also makes it possible to decompartmentalise the boundaries between State and market and to analyse the effects of private consultancy on the content and forms of public policy as co-constructions.
This TS aims to bring together current research on public intervention by consultancy firms, in French cities as well as in foreign governments or within the EU, and to examine their contribution to the ‘great public-private scramble’ (France and Vauchez 2017), which is reshaping the spaces in which the general interest and the conditions for the exercise of democracy are defined.
REFERENCES
Bataille N., 2020, Experts et consultants au service de l’action publique locale : une approche pragmatique du travail de l’ingénierie privée, Thèse de doctorat, Université de Tours.
Belorgey N., 2020, « Trajectoires professionnelles et influence des intermédiaires en milieu hospitalier », Revue française d’administration publique, 2020/2, n°174, p. 405‑423.
Belorgey N., 2010, L’hôpital sous pression. Enquête sur le « nouveau management public », Paris, La Découverte.
France P. et Vauchez A., 2017, Sphère publique, intérêts privés, Paris, Presses de Sciences Po.
Gallardo L., Gautier L., Chabrol F., Traverson L., Oliveira S. et Ridde V., 2023, « Les cabinets de conseil privés dans l’action publique contre les épidémies : une revue exploratoire », LIEPP Working Paper, no 139.
Gervais J. et Pierru F., « Management Consultants as Policy Actors » in C. Halpern, P. Hassenteufel et P. Zittoun (dir.), Policy Analysis in France, Bristol, Policy Press, 2018, p. 175-187.
Gervais J., Lemercier C. et Pelletier W., 2021, La valeur du service public, Paris, La Découverte.
Hood C. et Jackson M. W., 1991, Administrative Argument, Dartmouth, Aldershot.
Hurl C., 2018, « Operationalizing austerity: The role of transnational professional service firms in local government restructuring », Innovation: The European Journal of Social Science Research, vol. 31, no 1, p. 55‑67.
Momani B., 2017, « Professional management consultants in transnational governance » dans L. Seabrooke et L. F. Henriksen (dir.), Professional Networks in Transnational Governance, Cambridge, CUP, p. 245‑265.
Pierru F., 2021, « Quand les décideurs découvrent la « consultocratie » à la française », AOC media.
Poupeau F.-M., Guéranger D. et Cadiou S., 2012, « Les consultants font-ils (de) la politique ? », Politiques et management public, Vol 29/1, p. 9‑19.
Villette M., 2003, Sociologie du conseil en management, Paris, La Découverte.
Vogelpohl A., 2019, « Global expertise, local convincing power: Management consultants and preserving the entrepreneurial city », Urban Studies, vol. 56, no 1, p. 97‑114.
Vogelpohl A. et Klemp F., 2018, « The creeping influence of consultants on cities: McKinsey’s involvement in Berlin’s urban economic and social policies », Geoforum, vol. 91, p. 39‑46.
Ylönen M. et Kuusela H., 2018, « Consultocracy and its discontents: A critical typology and a call for a research agenda », Governance, vol. 32, no 2, p. 241‑258.
Session 1 / Les cabinets de conseil, acteurs privés de l’intérêt général ? Politisation de l’action publique et pratiques de légitimation
Présidente de séance/animation : Julie Gervais / Lucille Gallardo
Introduction (1/2) : L’espace du conseil en « affaires publiques » : circulation, politisation et réception.
Lucille Gallardo (Mesopolhis, Aix-Marseille Université – IEP d’Aix-en-Provence) et Julie Gervais (CESSP, Université Paris I Panthéon Sorbonne – IRISSO, Université Paris Dauphine)
Anne-Charlotte Mariel (Laboratoire IDHES, Université Paris Nanterre), Conseiller l’administration ? Quand les politiques publiques renforcent les relations public-privé
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Réihane Merazka (Laboratoire PACTE, Université Grenoble Alpes/ Sciences Po Grenoble), Produire l’action publique en position de marginalité : les consultant·e·s comme ressource dans la fabrique d’une politique locale de lutte contre les discriminations
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Manon Laugaa (Centre Emile Durkheim, Sciences Po Bordeaux), Les cabinets de conseil contre la privatisation numérique ?
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Thibault Boughedada (Laboratoire CERAPS, Université de Lille), « Comment imaginez-vous votre ville dans 50 ans ? ». Le recours à l’expertise internationale en appui à la fabrique des politiques d’aménagement du territoire au Sud-Bénin
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Session 2 / Influence ou coopération ? L’effet du consulting sur l’action publique
Présidente de séance/animation : Julie Gervais / Lucille Gallardo
Introduction (2/2) : L’espace du conseil en « affaires publiques » : effets sur le contenu et les formes de l’action publique
Arthur Morenas (Laboratoire SAGE, Université de Strasbourg – Université de Haute Alsace), De la toute-puissance à la méfiance ? La relation évolutive entre groupes de conseils et État au Pérou
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Marylou Hamm (European University Institute), Vincent Lebrou (CRJFC, Université de Franche Comté), Antonin Thyrard (CEMS, EHESS), “All the support you need” – Ce que le conseil fait à l’action publique européenne
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Corentin Cohen (Department of Politics and International Relations, University of Oxford), Management consultancies, national planning, and the creation of a new markets for sovereign service provision
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Christopher Hurl (Department of Sociology and Anthropology Concordia University), Du conseil aux systèmes d’exploitation : comprendre le pouvoir infrastructurel des entreprises transnationales de services professionnels pour influencer les gouvernements
BOUGHEDADA Thibault thibaultbgdd@gmail.com
COHEN Corentin corentin.cohen@politics.ox.ac.uk
GALLARDO Lucille lucille.gallardo@gmail.com
GERVAIS Julie gervais_julie@yahoo.fr
HAMM Marylou Marylou.Hamm@eui.eu
LAUGAA Manon manon.laugaa@scpobx.fr
LEBROU Vincent vincent.lebrou@univ-fcomte.fr
MARIEL Anne-Charlotte annecharlotte.mariel@gmail.com
MERAZKA Réihane reihane.merazka@umrpacte.fr
MORENAS Arthur a.morenas@hotmail.fr
THYRARD Antonin antonin.thyrard@sciencespo.fr
HURL Christopher chris.hurl@concordia.ca