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ST 42

Explorer la socialisation politique en situation autoritaire

Exploring political socialisation in authoritarian situations

Responsables scientifiques :  

Nadine Machikou Ngaméni (Université Yaoundé 2) adngameni@yahoo.fr
Marie-Emmanuelle Pommerolle (Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne) Marie-Emmanuelle.Pommerolle@univ-paris1.fr

 

Cette session thématique entend explorer les processus de socialisation politique en situation autoritaire. Comment sont transmis, dans des contextes de répression, d’autocensure et de secret, les jugements sociaux et politiques ? Comment se positionne-t-on, enfant, adolescent, jeune adulte, dans une société travaillée par des clivages forts, et un rapport méfiant  – ou au contraire de remise de soi – aux institutions étatiques ? Comment ces processus de socialisation contribuent-t-ils à la consolidation d’un ordre autoritaire ?

En faisant dialoguer des littératures rarement rapprochées, sur la socialisation, sur la « jeunesse » (notamment dans les pays du « Sud ») sur la sociologie politique comparée des autoritarismes et du militantisme en contexte autoritaire, cette problématique ouvre des perspectives nouvelles, à la fois pour comprendre les fondements micro-sociologiques des ordres autoritaires, la particularité des modalités du commandement en leur sein, mais aussi leurs dynamiques historiques.

Dans des contextes de limitation de l’expression publique, il est nécessaire d’adopter une définition extensive de la socialisation politique qui « englobe tout un ensemble de représentations qui débordent largement du champ politique au sens strict : représentations des divisions sociales, des rapports de classe, des mécanismes de privation et de distribution, hiérarchisation des conflits […] » (Maurer 2000) et qui sont transmises dans une multiplicité de lieux (familles élargies, Églises, écoles, associations locales). Ce vaste champ d’investigation conduit à s’interroger sur la façon dont la situation autoritaire encadre et imprègne ces ordres sociaux micro, comment ces derniers la nourrissent, et ce notamment dans le prolongement des situations coloniales de coercition (Bayart 2008). Cette diversité des instances de socialisation invite également à penser les possibles contradictions entre ces dernières, et à faire nôtre l’idée d’un individu pluriel, même en situation autoritaire (Lahire 1999). Nous reprenons aussi à notre compte l’idée que l’événement est producteur de socialisation (Ihl 2002), ce qui conduit à proposer d’étudier des « moments » spécifiques de socialisation.

Les communications de la section exploreront un ensemble de problématiques, à partir d’étude de cas diversifiées, que l’on tâchera de faire discuter, en amont et lors de la session. Quatre communications portent en effet sur des situations de forte contrainte (Argentine 1976-1983, Malawi 1963-1994, Turquie et Cameroun contemporains), une cinquième sur une « institution d’autorité » en France.

Ces communications travaillent, pour deux d’entre elles, la question des convergences et des contradictions entre socialisations politiques en famille et à l’école ; elles se penchent, pour trois d’entre elles, sur la socialisation spécifique au sein d’institutions de l’ordre (milices partisanes), et d’institutions critiques (milieux de l’art, partis d’opposition). Elles pointent toutes l’emprise variable des institutions de proximité (école, milice) sur les socialisations individuelles, en fonction des trajectoires de chacun-e, mais aussi du rôle de ces institutions et de la « jeunesse » dans l’ordre autoritaire. Elles s’interrogent enfin sur les effets de la crainte et du contrôle, dans la fabrication et l’énonciation de jugements sociaux et politiques.

Les contributions se fondent sur des protocoles d’enquête variés : archives officielles, entretiens, et observations de long terme. Chacune discutera ces dispositifs, leurs limites, les difficultés rencontrées et les façons de les dépasser, afin d’enrichir la discussion méthodologique.

 

This thematic session aims to explore the processes of political socialisation in authoritarian situations. How are social and political judgements transmitted in contexts of repression, self-censorship and secrecy? How do children and teenagers position themselves in a society marked by strong divisions and a relationship of mistrust with – or, on the contrary, of surrender to – state institutions? How do these socialisation processes contribute to the consolidation of an authoritarian order?

By bringing together literature on socialisation, on ‘youth’ (particularly in the ‘Global South’) and on the comparative political sociology of authoritarian regimes, this session opens up new perspectives for understanding the micro-sociological foundations of authoritarian orders, the specific nature of the forms of command within them, and their historical dynamics.

In contexts where public expression is limited, it is necessary to adopt a broad definition of political socialisation, which « encompasses a whole set of representations that go well beyond the political field in the strict sense: representations of social divisions, class relations, mechanisms of deprivation and distribution, hierarchy of conflicts […] » (Maurer 2000), and which are transmitted in a multiplicity of instances (Churches, schools, extended families, local associations). This vast field of investigation raises questions about the way in which the authoritarian situation frames and permeates these micro social orders, and how the latter nourish it, particularly in the wake of colonial situations of coercion (Bayart 2008). This diversity of socialisation instances also invites us to consider the possible contradictions between them, and to endorse the idea of a plural individual, even in an authoritarian situation (Lahire 1999). We also take on board the idea that events produce socialisation (Ihl 2002), which leads us to propose studying specific ‘moments’ of socialisation.

The papers in this section will explore a range of issues, based on a variety of case studies, which will be discussed both before and during the session. Four papers will focus on authoritarian contexts (Argentina 1976-1983, Malawi 1963-1994, contemporary Turkey and Cameroon), while a fifth will look at an ‘institution of authority’ in France.

Two of these papers examine the convergences and contradictions between political socialisation in the family and at school; three of them look at specific socialisation within power institutions (party militias) and within more critical institutions (art circles, opposition parties). They all point to the variable influence of local institutions (school, militia) on individual socialisation, depending on the individual’s trajectory, but also on the role of these institutions and of ‘youth’ in the authoritarian order. Finally, they examine the effects of fear and control in the making and expressing of social and political judgements.

The contributions are based on a variety of methodological tools: state archives, interviews and long-term observations. Each contribution will discuss these methods, their limitations, the difficulties encountered and ways of overcoming them, in order to enrich the methodological discussion.

 

REFERENCES

Bayart, Jean-François, « Hégémonie et coercition en Afrique subsaharienne. La ‘politique de la chicotte’ », Politique africaine, vol. 110, n°2, 2008, p. 123-152.

Ihl, Olivier, « Socialisation et événements politiques », Revue Française de Science Politique, vol. 52, n°2 et 3, 2002, pp. 125–44

Lahire, Bermard, L’Homme pluriel : les ressorts de l’action, Paris, Nathan, 1999

Maurer, Sophie, École, famille et politique : Socialisations politiques et apprentissage de la citoyenneté. Bilan des recherches en science politique, Dossier d’Étude de la CNAF, n°15, décembre 2000.

Prisca Hélène Assiene Bissossoli (Université Yaoundé II) et Alain-Patrick Loumou Mondoleba (Université de Douala), Ce que ‘‘vouloir voir ses enfants grandir’’ veut dire chez les jeunes investis dans le champ politique camerounais post-autoritaire

Elif Can (Institut français d’études anatoliennes et Centre Max Weber), Socialisations politiques contradictoires en Turquie : les jeunes de Gazi entre l’école, la famille et le quartier

Paul Grassin (FNRS, Université de Mons), Participer à l’ordre au sein de l’État-Parti au Malawi (1963-1994)

Émilie Grisez (Centre de Recherche sur les Inégalités Sociales – CRIS, Sciences Po / CNRS et Institut National d’Études Démographiques – Ined), La socialisation politique à l’école primaire catholique : les effets de l’autorité statutaire sur la transmission des contenus »

Lilian Mathieu (Centre Max Weber, ENS de Lyon), Une jeunesse sous terrorisme d’État. Les prétendants aux mondes artistique et intellectuel pendant la dernière dictature argentine

ASSIENE BISSOSSOLI Prisca Hélène  assieneprisca@gmail.com

CAN Elif ec.elifcan@gmail.com

GRASSIN Paul paul.grassin@protonmail.com

GRISEZ Émilie emilie.grisez@sciencespo.fr

LOUMOU MONDOLEBA Alain-Patrick loumoupatrick16@gmail.com

MACHIKOU Nadine nadngameni@yahoo.fr

MATHIEU Lilian lilian.mathieu@ens-lyon.fr

POMMEROLLE Marie-Emmanuelle marie-emmanuelle.pommerolle@univ-paris1.fr