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ST 39

Faire de la crise une opportunité : quand la difficulté devient ressource pour les organisations internationales

Turning crisis into opportunity: when international organizations get resources from hardships

Responsables scientifiques :  

Mathilde Leloup (CRESPPA-LabToP/Institut d’Études Européennes, Université Paris 8) mathilde.leloup@univ-paris8.fr
Anaëlle Vergonjeanne (CERI, Sciences Po Paris/ CERAPS, Sciences Po Lille) anaelle.vergonjeanne@sciencespo.fr

 

Si les crises multiples auxquelles est confronté le multilatéralisme ont été amplement décrites et discutées, les transformations des organisations internationales dans ce contexte restent encore méconnues. Cette section thématique propose donc d’analyser les réactions des organisations internationales face à ces situations dans un contexte général de « crise du multilatéralisme » (Devin, 2022 ; Fernandez, Holeindre, 2022 ; Guilbaud, Petiteville, Ramel, 2023). Dans les diverses crises touchant directement à leurs mandats (conflits armés, catastrophes naturelles, événements internationaux), les organisations internationales font l’objet d’attentes et bien souvent de critiques (Nay, 2021) de la part d’un nombre croissant d’acteurs dans différentes arènes (organes de l’ONU, réseaux sociaux, etc.) (Leloup, 2023). Les réponses à ces demandes semblent varier considérablement.

Partant de la littérature abondante sur la relation entre organisations internationales et crise (Ambrosetti, Buchet de Neuilly, 2009 ; Olsson, Verbeek, 2013), ce panel visera donc moins à qualifier les types de crises touchant les organisations internationales qu’à expliquer la réponse de ces dernières face à ces situations délicates, lors desquelles leur existence et leur raison d’être sont parfois directement questionnées. Ces réponses peuvent aller de la réaction substantielle (provoquant un changement institutionnel au sein de l’organisation par exemple) à l’absence de réaction, en passant par la réaction de surface (par la mise en place de stratégie de communication, de nouveaux éléments de langage, etc.). En 2012 par exemple, l’UNESCO est confrontée à l’une des plus graves crises depuis sa création en 1945, celle de la destruction systématique de sites culturels classés sur la liste du patrimoine mondial par des groupes terroristes. La réaction du personnel de l’UNESCO, que nous qualifions ici de « réaction de surface », a permis, en renforçant la communication de l’organisation par le biais de la campagne Unite4Heritage, de répondre aux nombreuses critiques adressées à l’organisation sur les réseaux sociaux et de devenir un interlocuteur direct du Conseil de sécurité (par l’adoption de trois résolutions sur la protection du patrimoine culturel entre 2013 et 2017) (Leloup, 2021).

Ce panel donnera lieu à une comparaison entre les réactions de différentes organisations internationales face à des situations de crise en fonction de leur nature (agences spécialisées comme l’UNESCO, corps d’experts indépendants, départements du secrétariat général, etc.). Les communications seront l’occasion d’aborder différents points :

  • La nature de la crise détermine-t-elle la réaction de l’organisation internationale ? La remise en cause qu’elle porte en son sein vise-t-elle les valeurs de l’organisation (les droits humains, l’humanisme, ou encore l’universalisme comme dans le cas de la destruction du patrimoine mondial), sa réputation (comme dans le cas des agressions sexuelles perpétrées par les Casques bleus de l’ONU) ou encore son fonctionnement bureaucratique (conduisant parfois à une lenteur dans la réponse à apporter à des crises urgentes) ?
  • Quels sont les facteurs qui influencent le type de réaction d’une organisation internationale face à une situation de crise ? S’agit-il avant tout d’une question de budget, ou encore d’une question de volonté politique de la part des États membres ?
  • Enfin, dans quelles conditions une crise peut-elle devenir une opportunité, ou au contraire porter un coup fatal à une organisation internationale (en provoquant par exemple le remplacement d’une organisation par une autre : la SDN par l’ONU, l’ancienne commission des droits de l’homme par le conseil des droits de l’homme) ?

La mise en perspective de cas d’études diversifiés à partir de contributions originales aura pour but de tester voire d’étendre notre typologie afin de mieux comprendre comment les institutions internationales répondent aux situations de crises.

 

While the multiple crises facing multilateralism have been amply described and discussed, the transformations of international organizations in this context remain insufficiently understood. This thematic section therefore proposes to analyze the reactions of international organizations to crisis situations in the general context of ‘crisis of multilateralism’ (Devin, 2022; Fernandez, Holeindre, 2022; Guilbaud, Petiteville, Ramel, 2023). In the various crises directly affecting their mandates (armed conflicts, natural disasters, international events), international organizations are the object of expectations and very often of criticism (Nay, 2021) from a growing number of actors in different arenas (UN bodies, social networks, etc.) (Leloup, 2023). Responses to these demands appear to vary widely.

This panel finds its foundations in the abundant literature on the relationship between international organizations and crisis (Ambrosetti, Buchet de Neuilly, 2009 ; Olsson, Verbeek, 2013). Instead of qualifying the types of crises affecting international organizations, it will seek to explain their responses to these situations, during which their existence and raison d’être are sometimes directly questioned. The aim will be to examine the types of reactions international organizations adopt in these crisis situations, ranging from substantial reactions (e.g. bringing about institutional change within the organization) to superficial reactions (e.g. implementing communication strategies, developing new

language) or a complete absence of reaction. In 2012, for example, UNESCO was faced with one of the most serious crises since its creation in 1945: the systematic destruction of cultural sites on the World Heritage List by terrorist groups. In this case, the reaction of UNESCO staff can be described as a ‘superficial reaction’. By strengthening its communication through the Unite4Heritage campaign, UNESCO responded to the numerous criticisms leveled at the organization on social networks, but also became a direct interlocutor of the Security Council (through the adoption of three resolutions on the protection of cultural heritage between 2013 and 2017) (Leloup, 2021).

This panel will compare the reactions of different international organizations to crisis situations, depending on their nature (specialized agencies such as UNESCO, bodies of independent experts, departments of the General Secretariat, etc.). The presentations will address a number of issues:

– Does the nature of the crisis determine the reaction of the international organization? Does it call into question the values of the organization (human rights, humanism, or even universalism, as in the case of the destruction of the World heritage), its reputation (as in the case of the sexual assaults perpetrated by UN peacekeepers) or its bureaucratic operation (sometimes leading to a slow response to urgent crises)?
– What factors influence the reaction of an international organization to a crisis situation? Is it primarily a question of budget, of political will on the part of member states, or else?
– Finally, under what conditions can a crisis become an opportunity, or, on the contrary, be deadly to an international organization? (e.g. by triggering the replacement of one organization by another: the League of Nations by the UN, the former Commission on Human Rights by the Human Rights Council)

The aim of this thematic session is to test and extend the typology of reactions developed, in order to better understand how international institutions adapt to crisis situations.

  

REFERENCES

Ambrosetti, D., Buchet de Neuilly, Y., 2009, « Les organisations internationales au cœur des crises », Cultures & Conflits, vol. 75, no. 3, pp. 7-14.

Cox, R., 1994, ‘The Crisis in World Order and the Challenge to International Organization’, Cooperation and Conflict, vol. 29, no. 2, pp. 99–113.

Devin, G., Les organisations internationales, entre intégration et différenciation, Paris, Armand Colin, 2022.

Devin, G., Placidi-Frot, D., 2011, « Les évolutions de l’ONU : concurrences et intégration », Critique internationale, no. 53, pp. 21-41.

Dobry, M., 2009, Sociologie des crises politiques, Paris, Presses de Sciences Po.

Fernandez, J. et Holeindre, J.-V., 2022, Nations désunies ? La crise du multilatéralisme dans les relations internationales, Paris, CNRS éditions.

Guilbaud, A., Petiteville, F. et Ramel, F., 2023, Crisis of multilateralism? Challenges and resilience, Cham, Palgrave Macmillan.

Keohane, R., 1975, ‘International Organization and the Crisis of Interdependence’, International Organization, vol. 29, no. 2, pp. 357–365.

Leloup, M., 2023 ‘Turning destruction into an opportunity: understanding the construction of Timbuktu’s “success story” by UNESCO’ in Gonzalez Zarandona, J.A., Cunliffe, E. and Saldin, M. (eds.), Routledge Handbook of Heritage Destruction, Abingdon, Routledge, pp. 230–241.

Leloup, M., 2021, Défendre l’humanité en protégeant son patrimoine, un nouveau mandat pour les opérations de paix onusiennes, Paris, Dalloz.

Nay, O., 2021, « La fabrique d’une norme d’institution. Comment la Banque mondiale s’est approprié l’idée de participation » dans Louis, M., Lagrange, D. et Nay, O. (dir.), Le tournant social de l’international. Les organisations internationales face aux sociétés civiles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, pp. 69-95.

Newman, E., 2007, A crisis in global institutions? Multilateralism and international security, Abingdon, Routledge.

Olsson, E.-K., Verbeek, B., 2013, ‘International organizations and crisis management’, in Reinlada, B., Routledge Handbook of International Organizations, Abingdon, Routledge, pp. 324–336.

Roitman, J. et al., 2019, « Anti-Crisis: penser avec et contre les crises ? », Critique internationale, no. 85, pp. 107-121.

Session 1 / La crise, une occasion de redéfinir la relation entre Etats et secrétariats dans les organisations internationales
Discutante : Camille Bayet (Sciences Po/Centre Thucydide, Université Paris-Panthéon-Assas)

Samantha Bernadou (Institut de recherche Montesquieu, Université de Bordeaux), Le Conseil de l’Europe face à la guerre en Ukraine

Léonard Colomba-Petteng (CERI, Sciences Po/CERAPS, Université de Lille), À qui profite la crise des relations entre l’UE et les pays du Sahel ? Effets d’aubaine et fenêtres d’opportunité dans l’arène multilatérale européenne

Quentin Couvreur (CERI, Sciences Po), “Ce n’est pas encore une urgence sanitaire mondiale” : le rôle de la Chine dans la réaction initiale de l’Organisation mondiale de la Santé à la crise du Covid-19

Marylou Hamm (Max Weber Fellow, European University Institute), Redefining the European order: leveraging the Greek crisis to reshape routine EU interventions

Thomas Meszaros (Laboratoire Francophonie, Mondialisation et Relations Internationales, Université Lyon 3), La Francophonie entre crises et opportunités

Session 2 / La crise, réaffirmation ou remise en cause des valeurs au cœur des organisations internationales
Discutant : Franck Petiteville (Laboratoire PACTE/Sciences Po Grenoble)

Camille Bayet (Sciences Po/Centre Thucydide, Université Paris-Panthéon-Assas), Faire face à la crise ontologique des opérations de maintien de la paix : L’ONU et les pratiques d’autolégitimation

Tiago Pires da Cruz (Centre Emile Durkheim, Sciences Po Bordeaux), Crises à l’Autorité Internationale des Fonds Marins, quelles positions face aux controverses ?

Luis Rivera-Velez (Centre d’études mexicaines et centraméricaines, CEMCA) et Lucile Maertens (Geneva Graduate Institute), Les stratégies du secrétaire général de l’ONU pour maintenir le climat à l’agenda pendant la pandémie de Covid-19

Corentin Sire (Université Caen-Normandie/Université de Montréal) Définir la “crise”, (re)définir la coopération internationale : l’arrivée de la question du “terrorisme” à l’ONU

Simon Tordjman (Laboratoire des sciences sociales du politique, Sciences Po Toulouse), Face au “gender backlash”, quelles opportunités pour les organisations internationales ? Usages et effets des dispositifs partenariaux en faveur de l’égalité des sexes face au risque de régression des droits

BAYET Camille camille.bayet@sciencespo.fr

BERNADOU Samantha bernadousamantha@tutanota.com

COLOMBA-PETTENG Léonard leonard.colombapetteng@sciencespo.fr

COUVREUR Quentin quentin.couvreur@sciencespo.fr

HAMM Marylou marylou.hamm@eui.eu

LELOUP Mathilde mathilde.leloup@univ-paris8.fr

MAERTENS Lucile lucile.maertens@unil.ch

MESZAROS Thomas thomas.meszaros@univ-lyon3.fr

PETITEVILLE Franck franck.petiteville@sciencespo-grenoble.fr

PIRES DA CRUZ Tiago tiago.piresdacruz@scpobx.fr

RIVERA-VELEZ Luis luis.riveravelez@sciencespo.fr

SIRE Corentin corentin.sire@unicaen.fr

TORDJMAN Simon simon.tordjman@sciencespo-toulouse.fr

VERGONJEANNE Anaëlle anaelle.vergonjeanne@sciencespo.fr