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SG 05

 « Exil », « exil politique » et « politisation » : enjeux des catégorisations et usages des catégories

‘Exile’, ‘political exile’ and ‘politicisation’: issues of categorisation and uses of categories

Section du Groupe de recherche Migration, politisation, mobilisation 

Responsables scientifiques :

Marie Bassi (Université Côte d’Azur-ERMES) bassi.marie@gmail.com
Pauline Brücker (Université de Rouen) po.brucker@gmail.com
Hélène Le Bail (Sciences Po-CERI) helene.lebail@sciencespo.fr
Mathilde Zederman (Université Paris-Nanterre) mathildezederman@hotmail.fr

L’une des ambitions scientifiques du Groupe de travail « Migration, politisation, mobilisation » est de penser les luttes sociales et politiques en migration dans leur diversité. Pour ce faire, nous travaillons au-delà des catégories d’action publique qui divisent les groupes sociaux et entravent une appréhension commune de ces luttes – telles que celles des travailleurs migrants, des enfants d’immigrés, des diasporas mobilisées vers leur pays d’origine ou encore des « soutiens » aux personnes en migration. Cette Section de Groupe vise à travailler cet enjeu des catégorisations et de leurs usages, notamment dans nos productions scientifiques, et en regard de celles mobilisées par les différents acteurs et actrices sur nos terrains respectifs.

Trois catégories apparaissent particulièrement sujettes à discussion : « exil », « exil politique » et « politisation ». En premier lieu, la catégorie d’exil et son corollaire, l’exilé, ont été très largement (re)mobilisées dans les discours publics et notamment militants, dans le prolongement de la crise de l’accueil de 2015. Un grand nombre de discours et de travaux se prévalent désormais de cette catégorie en vue de s’affranchir des catégories institutionnelles. Néanmoins, certain.es chercheur.es préfèrent partir de la diversité des termes utilisés par les personnes mobilisées – des catégories émiques à l’instar de celles de « sans-papiers », « d’émigré.es », d’« immigré.es », de « travailleur.euses », ou encore « d’artistes ». Comment dès lors comprendre que la catégorie d’exilé ne fasse pas consensus dans son utilisation alors même qu’elle cherche à dépasser les catégories d’action publique qui fragmentent les expériences des personnes en migration (entre réfugiés, immigrés, travailleurs migrants, déboutés du droit d’asile, clandestins, etc.) ? La catégorie d’exilé ne devient-elle qu’un synonyme de celle de réfugié, s’affranchissant simplement de la dichotomie « politique » et naturalisante entre « vrai » et « faux » réfugié ? Quels apports offre réellement l’usage de cette catégorie en termes de positionnement éthique, méthodologique et politique ? Comment comprendre que certain.es refusent de se voir qualifier d’exilé.e ? Le cas échéant, que vient dire ce refus du rapport de classe qui structure les différents groupes sociaux en migration ? Plus largement, que faire de l’écart qui peut exister entre catégories émiques et pratiques d’autocatégorisation d’un côté, et catégories scientifiques et pratiques de catégorisation exogènes de l’autre ?

En deuxième lieu, choisir le concept d’exil et utiliser la catégorie d’exilé posent directement la question du rapport au politique. La notion d’exil véhicule souvent l’image d’une migration politique, à savoir des personnes déplacées du fait de bouleversements géopolitiques, de situations de répression et d’exclusion dans les pays d’origine, ou des personnes en fuite du fait de leur engagement politique. Les représentations des exilé.es alternent entre victimes et acteur-trices des tensions politiques. Dans quelle mesure est-il possible de dépasser cette dichotomie essentialisante et de donner une définition empirique plus large au concept de sujet politique en prenant en compte une diversité de pratiques politiques ?

Enfin, la notion de politisation recouvre, en fonction des contextes et des travaux, de nombreuses significations, tout particulièrement lorsque l’on adopte une perspective transnationale, multisituée et longitudinale, comme nous le faisons dans le cadre de ce groupe de travail. Comment comprendre les effets des espaces temps propres à l’exil sur les formes de rapports au politique ? Comment les savoirs et les représentations héritées de différents contextes se combinent-ils et viennent-ils configurer le capital politique des exilés ? Peut-on parler de « repolitisation » et de « dépolitisation » ?

Parce qu’il nous apparaît indispensable de recourir à une approche historique pour déconstruire les catégories mobilisées, nous sommes particulièrement attentif.ves ici à toute approche permettant de mettre en regard la période contemporaine et d’autres périodes plus anciennes. Seule une telle approche permettra d’enrichir notre compréhension des pratiques et des usages diversifiées des catégories et de leur circulation dans l’espace et le temps.

 

One of the scientific aims of the “Migration, politicisation, mobilisation” Working Group is to consider the diversity of social and political struggles in a migratory context. To do this, we go beyond the categories of public action that divide social groups and hinder a common understanding of these struggles – such as those of migrant workers, children of immigrants, diasporas mobilised towards their countries of origin or “supporters” of migrants. The aim of this Group Section is to explore the issue of categorisation and its uses, both for scholars and the various actors mobilised themselves.

Three categories seem particularly open to discussion: “exile”, “political exile” and “politicisation”. Firstly, the category of exile and its corollary, the exiled, have been widely (re)mobilised in public and activist discourses in the wake of the 2015 “reception crisis”. A large number of discourses and academic works now use this category to break free from institutional categories. However, some researchers prefer to opt for the diversity of terms used by the people mobilised themselves – emic categories such as “undocumented”, “emigrant”, “immigrant”, “worker” or “artist”. Why is there no agreement upon the category of exile, even though it seeks to go beyond the categories of public action that fragment the experiences of people in migration (between refugees, immigrants, migrant workers, rejected asylum seekers, irregular immigrants, etc.)? Has the category of “exile” simply become a synonym for that of “refugee”, freeing itself from the highly politically charged and naturalising dichotomy between “true” and “false” refugees? What is the real contribution of this category in terms of ethical, methodological and political positioning? Why do some people still refuse to be described as exiles? What, if anything, does this refusal have to say about the class dimension that structures the various social migrant groups? More broadly, what can we make of the gap that can exist between emic categories and self-categorisation practices on the one hand, and exogenous scientific categories and categorisation practices on the other?

Secondly, choosing the concept of exile and using the category of exiles directly raise the question of their relationship with politics. The notion of exile often conveys the image of political migration, i.e. people displaced by geopolitical upheaval, repression and exclusion in their countries of origin, or people forced to leave because of their political commitment. Representations of exiles alternate between victims and actors of political tensions. To what extent is it possible to go beyond this essentialist dichotomy and give a broader empirical definition to the concept of the political subject, taking into account the diversity of political practices?

Lastly, the notion of politicisation covers a wide range of meanings, depending on the context and the type of research, especially when one adopts a transnational, multi-site and longitudinal perspective, as we do in this Working Group. How can we understand the effects of the space-time specific to exile on exiles’ relation to politics? How do the knowledge and representations inherited from different contexts combine and shape the political capital of exiles? Can we speak of “repoliticisation” and “depoliticization”?

Because we believe it is essential to adopt a historical approach to deconstruct the categories, we are particularly attentive to any approaches that allow us to compare older and contemporary periods. Such an approach can enrich our understanding of the diverse practices and uses of the categories as well as their circulation through space and time.

Session 1 / Catégories construites et déconstruites : être objet et sujet de la catégorisation

Victor Pereira (Instituto de História Contemporânea da Universidade Nova de Lisboa), Émigrés, réfugiés ou exilés ? Les catégories de l’exil portugais en France entre 1926 et 1974

Elif Becan (Université Paris-Nanterre), ‘Exil’, ‘immigration’ ou ‘hégire’? (Re)politisation des catégories de politique d’immigration en Turquie au 20e siècle

Alison Bouffet (Université Paris-Cité), Une généalogie de la catégorie d’ ‘exilé’. Performativité et instabilité constitutive du vocabulaire de l’immigration 

Session 2 / Catégories en mouvement, catégories contestées : trouver les bons mots pour des histoires d’exil et d’engagements 

Ophélie Mercier (Université de Ghent), ‘Raconter l’histoire avec nos propres mots’ : reconfiguration de la politisation des artistes en exil

Marine Poirier (IREMAM), Déplacés, exilés, bloqués ? Analyser les mobilités paradoxales des élites politiques dans le Yémen en guerre

Lola Guyot (Institut Convergences Migrations), Définir les politiques de l’exil : luttes et désaccords au sein du mouvement nationaliste tamoul

BASSI Marie bassi.marie@gmail.com

BECAN Elif elifbecan@gmail.com

BOUFFET Alison alisonbouffet@gmail.com

BRÜCKER Pauline po.brucker@gmail.com

GUYOT Lola lolaguyot@hotmail.fr

LE BAIL Hélène helene.lebail@sciencespo.fr

MERCIER Ophélie ophe.mercier@gmail.com

PEREIRA Victor pereiravictor@hotmail.com

POIRIER Marine poiriermarine@gmail.com

ZEDERMAN Mathilde mathildezederman@hotmail.fr