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ST 09

Comparer les syndicalismes à l’aune du capitalisme financiarisé

Comparing trade unions in the context of financialized capitalism

Responsables scientifiques :

Sophie Béroud (Université Lumière Lyon 2) sophie.beroud@univ-lyon2.fr
Isil Erdinç (Université libre de Bruxelles) isil.erdinc@ulb.be

 

La section thématique entend interroger les possibilités de comparer l’action des syndicats dans différents contextes nationaux, tout en intégrant des dimensions internationales et transnationales qui pèse sur les reconfigurations de celle-ci. Les syndicats, dans leur diversité, sont confrontés au pouvoir économique et politique des multinationales, aux flux des capitaux, à la circulation transnationale des travailleur.e.s et aux effets de la division internationale du travail. Depuis plusieurs décennies dans les pays du Nord, ils ont assisté à un renversement du compromis salarial qui caractérisait le mode fordiste de production et à un démantèlement progressif des Etats sociaux. Dans une partie des pays du Sud qui s’étaient dotés d’entreprises publiques et d’un système de protection sociale, ceux-ci ont également été réduits a minima sous la pression des marchés et des institutions financières internationales. Dès lors, quelles sont les marges d’action qui restent aux syndicats dans ces différentes configurations ? Comment se recomposent leurs relations avec des pouvoirs publics plus soucieux de garantir leur note auprès des agences de notation que de la recherche de l’intérêt général ?

L’approche comparée des syndicats en histoire et en science politique s’est longtemps construite à partir de plusieurs dimensions : les modalités de reconnaissance juridique du fait syndical et plus largement des relations professionnelles ; les formes organisationnelles (fédérations d’industries, unions territoriales, confédération…) ; les taux de syndicalisation ; le répertoire d’action avec en particulier la place donnée aux grèves et aux négociations collectives ; la relation aux partis politiques, aux Eglises et à l’Etat. Ces différentes entrées ont permis de regrouper les types de syndicalisme, parfois à partir des sensibilités politiques ou du rapport à la laïcité, parfois par aires régionales (Sagnes, 1994).Or, ces différentes dimensions ont été percutées par la diffusion des politiques néo-libérales à l’échelle internationale, mais aussi par le déploiement de luttes dans le monde du travail sans médiation syndicale. Il s’agira alors de se demander comment ces différents paramètres – à commencer par le cadre juridique – ont été remodelés tant par les gouvernements nationaux que par des instances supranationales. Inspirées par le cas des Etats-Unis, les approches sur le renouveau syndical via des pratiques d’organizing ont stimulé des travaux sur la façon dont les syndicats soutiennent des travailleurs précaires et tentent de les organiser. De nouvelles oppositions ont ainsi été posées entre un syndicalisme de mouvement social (Waterman, 1993), qui déborde le seul lieu de travail pour intégrer d’autres enjeux de lutte et un syndicalisme plus institutionnalisé, tourné vers la prestation de services. Or, ces typologies ne permettent de comprendre comment ces différentes formes d’action syndicales se combinent. De façon plus stimulante, Lucio Baccaro et Chris Howell (Baccaro et Howell, 2017) incitent pour leur part à dépasser l’idiosyncrasie des systèmes de relations professionnelles pour repérer une tendance commune, dans les économies occidentales, à l’amplification du pouvoir des employeurs, et ce y compris des pays où le taux de syndicalisation demeure élevé.

L’objectif de cette section thématique est justement de discuter des modalités de la comparaison des syndicalismes, d’interroger les effets éventuellement convergents des politiques néo-libérales par-delà les cadres nationaux et de réfléchir à la pertinence des indicateurs utilisés.

 

The thematic section aims to examine the possibilities of comparing trade union action in different national contexts, while integrating the international and transnational dimensions that influence its reconfiguration. Trade unions, in all their diversity, are confronted with economic and political power of multinational companies, capital transfers, transnational circulation of workers and international division of labour. For several decades in the countries of the North, they have witnessed a reversal of the wage compromise that characterized the Fordist mode of production, and a gradual dismantling of social states. In some countries of Global South, where public enterprises and social protection systems had been established, they have also been reduced to a minimum under the pressure of the markets and international financial institutions. What space for action does this leave for trade unions? How are they reconsidering their relations with public authorities that are mostly concerned with guaranteeing their rating with rating agencies than with the pursuit of general interest?

The comparative approach to trade unions in history and political science has long been based on several dimensions: the legal recognition of trade unions and, more broadly, of industrial relations; organizational forms (federations, territorial unions, confederations, etc.); union density; the repertoire of action, in particular the place given to strikes and collective bargaining; the relationship with political parties, churches, and the state. These different approaches have made it possible to identify different types of trade unionisms, sometimes by geographical areas, based on their political sensitivities or their relation to secularism (Sagnes, 1994). However, these different dimensions have been affected by neo-liberal policies on an international scale, as well as by labour mobilizations without trade union mediation. The question is how these different parameters – starting with the legal framework – have been reshaped by both national governments and supranational bodies. Inspired by the case of the United States, approaches based on the concept of union renewal through organizing practices have stimulated research on how unions support precarious workers and attempt to organize them. New contradictions have thus been discovered between social movement unionism, which goes beyond the workplace to integrate other issues of mobilizations, and a more institutionalized, service-oriented form of unionism. However, these classifications do not allow us to understand how these different forms of trade union action are intertwined. More stimulatingly, Lucio Baccaro and Chris Howell (2017) encourage us to look beyond the idiosyncrasies of industrial relations systems to identify a common trend in Western economies towards the amplification of the employer power, even in countries where unionization rates remain high.

The aim of this thematic section is precisely to discuss the modalities of comparisons of trade union action, to question the potential convergent impact of neo-liberal policies beyond national frameworks, and to reflect on the relevance of the analysis indicators used in comparisons.

 

REFERENCES

Baccaro, Lucio, Howell Chris, Trajectories of Neoliberal Transformation. European Industrial Relations Since the 1970s, Cambridge, Cambridge University Press, 2017.

Sagnes Jean, dir., Histoire du syndicalisme dans le monde, des origines à nos jours, Toulouse, Privat, 1994.

Waterman, Peter, “Social-movement unionism : A new union for a new world order”, Review (Fernand Braudel Center), 1993, pp. 245-278.

Session 1 / Comparer l’action syndicale
Présidente de la session : Sophie Béroud (TRIANGLE, Université Lyon 2 Lumière)
Discutant : Julien Louis (TRIANGLE, Université Lyon 2 Lumière)

Cyril Benoît (Centre d’études européennes et de politique comparée, Sciences Po/CNRS), Alliances, mésalliances et financiarisation. Mutuelles, partis et syndicats dans la protection sociale d’entreprise en Belgique et en France

Bétina Boutroue (UMR Art Dev à l’Université Paul Valéry Montpellier 3), Comparer le rôle des syndicats agricoles dans la réforme de l’assurance climatique en France et au Sénégal : apports et limites d’une comparaison incorporée

Francesco S. Massimo (CSO, Sciences Po/CNRS), Le syndicalismes français et italiens face aux monopoles digitaux. Une analyse comparée et transnationale d’Amazon (à partir de deux entrepôts)

Samuel Zarka (Centre d’économie de l’Université Paris Nord), Hollywood on strike : quels échos transnationaux ? Comparer les mobilisations syndicales des salariés du cinéma et de l’audiovisuel aux Etats-Unis et en France

Session 2 / Les enjeux transversaux de l’action syndicale
Présidente de la session : Isil Erdinç, METICES, Université libre de Bruxelles
Discutante : Elodie Bethoux, TRIANGLE, ENS Lyon (sous réserve)

Mohamed Slim Ben Youssef (Université de Lille), Mobiliser, négocier, composer : devenirs syndicalistes et mobilisations salariales dans la multinationale Teleperformance en Tunisie (2011-2021)

Douglas Sepulchre (METICES, Université libre de Bruxelles), La représentation syndicale à l’épreuve de l’écologie: la FGTB et la CSC face au développement de l’aéroport de Liège (Belgique)

Bektaş Deneri et Atakan Çiftçi (Galatasaray University), Union busting practices and counter-strategies in the gig economy: The Case of Turkey

Arthur Guichoux (Université Paris Diderot), Riders on the storm. Portée et limites de la syndicalisation dans le capitalisme de plateforme 

Ana-Maria Szilagyi (CEVIPOF, Sciences Po), “We are not servants, we are workers”: Three examples of domestic workers’ claims to be recognized as  workers

BEN YOUSSEF Mohamed Slim med.slim.benyoussef@gmail.com

BENOÎT Cyril cyril.benoit@cnrs.fr

BÉROUD Sophie sophie.beroud@univ-lyon2.fr

BETHOUX Elodie elodie.bethoux@ens-lyon.fr

BOUTROUE Bétina betina.boutroue@cirad.fr

ÇIFTCI Atakan atakanciftci@gmail.com

DENERI Bektaş deneribektas@gmail.com

ERDINÇ Isil isil.erdinc@ulb.be

GUICHOUX Arthur arthur.guichoux@gmail.com

LOUIS Julien julien.louis@univ-lyon2.fr

MASSIMO Francesco francescosabato.massimo@sciencespo.fr

SEPULCHRE Douglas douglas.sepulchre@ulb.be

SZILAGYI Ana-Maria anamaria.szilagyi@sciencespo.fr

ZARKA Samuel samuelzarka2@gmail.com