le portail de la science politique française

rechercher

SG 03

De l’usage des « trajectoires » pour saisir les ruptures sociales

Using the concept of social trajectories in times of crisis

Section du Groupe de recherche Conflits, crises et ruptures sociales

Responsables scientifiques :

Denia Chebli (CESSP, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne)
Lola Guyot (CERAPS-Sciences Po Lille)
Hadrien Holstein (ISP-Paris Nanterre)
Camille Popineau (CESSP, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne)
Cléa Pineau (CESSP, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne)
Tanguy Quidelleur (ISP-Paris Nanterre)
Marianne Saddier (CESSP, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne)
Mathilde Tarif (CESSP, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne)
Emmanuelle Veuillet (CESSP, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne)

À partir de différents cas empiriques, cette section thématique portera sur les enjeux méthodologiques et théoriques associés aux trajectoires d’acteur.ices et de groupes sociaux dans les situations de crise, dont une définition minimale sera retenue ici comme des moments de rupture brutale de l’ordre politique (conflits armés, révolutions, guerres indépendantistes, renversements de régime, etc.). Dans la continuité des travaux de notre groupe, nous poursuivrons notre réflexion sur les conditions de transformation de la structure sociale dans les crises en nous concentrant sur la notion de « trajectoires ». Selon une logique comparatiste, cette section thématique sera décomposée en deux axes qui réuniront des chercheur.ses ayant travaillé à partir de trajectoires individuelles comme collectives dans leurs travaux, mettant à jour des parcours militants, partisans, révolutionnaires ou d’agent.es de l’Etat.

Dans un premier panel, nous aborderons les trajectoires de déclassement social dans les situations de crises. Si les trajectoires d’ascension sociale font l’objet de nombreux travaux sur les crises, celles de déclassement sont moins étudiées et plus souvent invisibilisées. Ce biais est en partie dû au fait que les acteur.ices ayant connu une ascension politique ou économique sont généralement les plus à même de s’exprimer, tandis que les déclassé.es n’ont « plus voix au chapitre dans l’élaboration du récit historique » (Le Huerou et Serrano, 2021). Or, la notion de « déclassement » (Bourdieu, 1978) permet tout autant que celle « d’ascension » de questionner la capacité inégale des acteur.ices à maintenir ou conforter leur position sociale dans une société en crise. Se pencher sur des trajectoires « d’échec » ou de « chute » permet ainsi d’interroger l’aptitude différenciée des groupes et des individu.es à convertir des capitaux (acquis avant ou dans la crise), à remodeler leurs stratégies dans des configurations politiques changeantes ainsi qu’à déployer des « tactiques de résistance » face à leur déclassement (Nimer et al., 2023). Plus largement, analyser des trajectoires, collectives et individuelles, caractérisées par la perte d’une position et des ressources associées, permet d’éclairer des reconfigurations sociales plus structurelles dans les crises.

Dans un second panel, nous interrogerons dans une perspective méthodologique la façon dont les « trajectoires » biographiques, individuelles et collectives, des acteur.ices sont des outils méthodologiques pertinents afin de rendre compte de transformations sociales. Qu’il s’agisse de trajectoires d’ascension ou de déclassement, nous nous demanderons dans quelle mesure l’analyse des trajectoires permet de saisir des évolutions sociales structurelles dans les contextes de crise, par exemple en permettant d’objectiver les changements dans la valeur et la hiérarchie des capitaux (Popineau, 2023). Réfléchir à partir des trajectoires interroge ainsi la durabilité de ces tranformations et leur stabilisation dans le temps. Ce panel sera également l’occasion de se pencher sur les différents matériaux et méthodes mobilisables pour reconstruire des trajectoires en contextes de crises : à travers quelles techniques d’enquête reconstituer des trajectoires ? Quels en sont les atouts et les biais respectifs ? Dans quelle mesure l’approche prosopograhique permet-elle de dessiner des trajectoires collectives ? Comment et à travers quels matériaux appréhender des trajectoires sur la longue durée et reconstituer des parcours dont la restitution, orale comme écrite, présente des limites inhérentes ? En quoi l’analyse des trajectoires dans les situations de crise est-elle ou non spécifique à celle mise en œuvre dans des situations dites routinières ? Dans quelle mesure les matériaux mobilisés et les enjeux méthodologiques varient-ils en fonction de la reconstitution de trajectoires avant, pendant, et après la crise ? Ou encore, est-il possible de saisir des trajectoires d’ascension ou de déclassement pendant une crise ?

 

Based on different empirical cases, this thematic section will focus on the methodological and theoretical issues associated with the concept of “social trajectories” in times of crises: a minimum definition of “crises” will be retained here, as moments of brutal rupture of the political order (armed conflicts, revolutions, independence wars, regime overthrows, etc.). By focusing on the notion of « trajectories », we will pursue the reflection of our research group on the conditions for the transformation of social structures during crises. According to a comparative logic, this thematic section will consist in two panels that will bring together researchers who have tackled individual and collective trajectories through their work, underlining diverse trajectories of militants, partisans, revolutionaries, or agents of the State.

In a first panel, we will address trajectories of social downgrading in crisis situations. While trajectories of social ascent during crises have largely been approached by researchers, those of downgrading are less studied and more often invisibilised. The fact that actors who have experienced political or economic ascension are generally the most capable to express themselves contributes to explain such a bias, since “déclassé.es” in general no longer have a voice in the development of the historical narrative (Le Huerou and Serrano, 2021). However, the notion of « downgrading » (Bourdieu, 1978) questions the unequal capacity of actors to maintain or consolidate their social position in a society in crisis. Therefore, looking at trajectories of « failure » or « fall » highlights the differentiated ability of groups and individuals to convert their capitals (acquired before or during the crisis), to reshape their strategies in shifting political configurations, as well as to deploy « resistance tactics » to counter their downgrading (Nimer et al., 2023). More broadly, analysing collective and individual trajectories characterised by the loss of a social position sheds light on more structural social reconfigurations in crises.

From a more methodological perspective, we will then question in a second panel the way in which biographical « trajectories » are relevant methodological tools to account for social transformations during crises. We will discuss to what extent trajectory analysis enables to capture structural social changes in crisis contexts, for example by objectifying changes in the value and hierarchy of different types of capital (Popineau, 2023). Using the concept of trajectories for instance questions the durability of these social transformations as well as their stabilisation over time. This panel will also be an opportunity to look at the different materials and methods that can be used to reconstruct trajectories in crisis contexts: through which methodological tools and methods can we reconstruct trajectories? What are their respective strengths and biases? For example, to what extent does prosopography make it possible to draw collective trajectories? How and through which materials can we apprehend long-term trajectories and reconstruct life paths while oral and written restitutions imply inherent limits? In what way is the analysis of trajectories in crisis situations specific or not to the analysis of trajectories in so-called “routine situations”? To what extent do the materials and methodological issues vary depending on the reconstruction of trajectories before, during, or after the crisis? Finally, is it possible to capture trajectories of ascent or downgrading during a crisis?

 

REFERENCES

Pierre Bourdieu, « Classement, reclassement déclassement », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 24, 1978, p. 2-22.

Anne Le Huerou, Sylvia Serrano, « L’Etat malgré eux. Trajectoires d’anciens combattants géorgiens d’Abkhazie et fabrique de l’Etat », Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 1, n° 1, 2021, p. 23-61.

Maissam Nimer, Pascale Laborier, Timothée Pinet, « Universitaires et artistes en situation d’exil. Tactiques et ressources face au déclassement », Terrains/Théories, n° 17, 2023 [en ligne].

Camille Popineau, Faire la guerre, faire l’État. Sociohistoire de la rébellion des Forces nouvelles de Côte d’Ivoire (1990-2020), T

Session 1 / Trajectoires de déclassement dans les crises 

Yoletty Bracho (Triangle/Lyon 2), Du gouvernement révolutionnaire à la dissidence : adaptations et contestations des militants ayant travaillé pour les institutions publiques chavistes en contexte de crise durable

Sümbül Kaya (IRSEM – CETOBAC), Des militaires et intellectuels pris dans des procès judiciaires en Turquie : une comparaison des effets du déclassement

Floriane Soulié-Caraguel (CESSP/Paris 1), Des désengagements désenchantés. Déclassements de genre et de classe à la sortie de la guerre civile libanaise

Session 2 / Le concept de « trajectoire » : les enjeux théoriques d’un objet empirique

Victor Delaporte (ISP/Université Paris Nanterre), Trajectoires des ultras de l’Algérie française. Archives et illusions biographiques

Youssef El Chazli (CRESSPA/Paris 8), La vie (ambivalente) des autres. Croiser les traces numériques et les entretiens biographiques pour reconstruire des trajectoires révolutionnaires (Egypte, 2011)

Aude Merlin (CEVIPOL/Université Libre de Bruxelles), Engagement et désengagement : les trajectoires combattantes des conflits post soviétiques. Retour sur les cas arménien et abkhaze

BRACHO Yoletty yolettybracho@gmail.com

DELAPORTE Victor victor.delaporte@casadevelazquez.org

CHEBLI Denia denia.chebli@gmail

EL CHAZLI Youssef ysfelchazli@gmail.com

GUYOT Lola lolaguyot@hotmail.fr

HOLSTEIN Hadrien hadrienholstein@gmail.com

KAYA Sümbül kayasumbul@hotmail.com

MERLIN Aude aude.merlin@ulb.be

POPINEAU Camille camille.popineau@gmail.com

PINEAU Cléa pineau.clea@gmail.com

QUIDELLEUR Tanguy t.quidelleur@gmail.com

SADDIER Marianne marianne.saddier@gmail.com

SOULIÉ-CARAGUEL Floriane souliefloriane@hotmail.fr

TARIF Mathilde mathilde.tarif@gmail.com

VEUILLET Emmanuelle emmanuelle.veuillet@tutanota.com