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Minorités de sexualité et de genre dans les institutions : discriminations, inclusion, résistances

Sexual and gender minorities in institutions: discrimination, inclusion and resistance

Responsables scientifiques :

Emilie Biland-Curinier (Sciences Po, Centre de Sociologie des Organisations, Institut Universitaire de France) emilie.bilandcurinier@sciencespo.fr
Estelle Fisson (Triangle, Université Lumière Lyon 2 & EHESS) estelle.fisson@ehess.fr

 

Cette section thématique fera dialoguer des travaux récents sur les personnes LGBTI+ (lesbiennes, gays, bi, trans, intersexes et autres identifications minoritaires en termes de genre et/ou de sexualité) dans les institutions. Suivant une définition classique de sociologie politique des institutions, celles-ci englobent « les systèmes politiques et administratifs, les grandes organisations qui encadrent la vie sociale, les dispositifs plus ou moins stabilisés qui régissent les interactions, les partis politiques et les syndicats, les Eglises, voire des entreprises collectives durables » (Lagroye & Offerlé 2011, p. 14). Mobilisant également la sociologie du travail et la sociologie des mobilisations, elle entend principalement contribuer au renouvellement de la sociologie politique des institutions en interrogeant la place qu’y occupent les minorités de sexualité et de genre, démarche encore balbutiante dans l’espace francophone.

Tout en faisant une large place aux mobilisations féminines / féministes situées à distance des institutions (McCammon et al. 2017), les études de genre ont montré que « l’espace de la cause des femmes » (Bereni, 2015) se déploie dans une « pluralité de sphères sociales », situées pour les unes dans l’espace des mouvements sociaux, pour les autres au sein des institutions (Katzenstein, 1998), certaines encore étant en position de médiation entre ces différentes formes d’action collective (Bereni & Revillard 2012). De son côté, la sociologie de l’homosexualité s’est structurée autour de l’étude des mobilisations (Chauvin et Lerch 2013), polarisées par l’épidémie du VIH-Sida, et à leurs contributions aux transformations des politiques et des droits les concernant, dans un contexte de « démocratie sexuelle » naissante (Fassin 2006). Alors que la sociologie française des institutions a fait l’objet d’un renouveau marqué dans les années 1990-2000, elle s’est peu saisie des sexualités et genres minoritaires. Celles-ci méritent pourtant d’être interrogées, tant elles sont susceptibles de bousculer les routines, les cultures et les rôles institutionnels, placés au cœur de cette sociologie.

C’est essentiellement en langue anglaise que sont écrits les travaux sur les gays et lesbiennes dans les institutions, et en premier lieu dans celles chargées du maintien de l’ordre (notamment Couto 2018, Jones & Williams 2013, Van Gilder 2017). En France, il faut attendre les toutes dernières années pour que des publications collectives en sociologie de l’administration (Prauthois & Biland 2022), en sociologie du travail (Beaubatie, Chauvin & Pochic 2023) et en théorie de l’Etat (Möser & Tillous 2020) viennent compléter des recherches doctorales d’ampleur sur les prêtres homosexuels (Tricou 2021), sur les gays et lesbiennes dans les partis politiques (Bouvard 2021) et les syndicats (Fisson 2023). Cette section thématique propose d’amplifier cette dynamique de recherche, en l’ouvrant à des conditions (ni masculines ni homosexuelles) encore peu visibles dans ces travaux, et en l’inscrivant pleinement dans la tradition de sociologie politique des institutions, attentives à la fois aux individus, aux interactions et aux structures.

1/ Discriminations, stigmatisation, inclusion

  • Quels sont les mécanismes de stigmatisation des LGBTQI+ transversaux aux différentes institutions, et quelles sont les idiosyncrasies de chacune d’elles ?
  • En quoi les discours et pratiques hétéro-cisnormatifs peuvent faire l’objet d’une explication croisée entre dispositions des agent·es, contexte politique et social, et attentes institutionnelles ?
  • Observe-t-on une diversité de discours et pratiques intra-institutionnels sur ces enjeux ? Comment le cadrage antidiscriminatoire et/ou en termes de diversité est-il approprié à la base, au sommet ou dans les niveaux intermédiaires des hiérarchies institutionnelles ?
  • Dans quelle mesure les changements politiques et juridiques contemporains (ouverture du mariage et de la filiation, pénalisation de l’homophobie et de la transphobie etc.) conduisent-ils à des changements organisationnels ?

2/ Résistances, agency, mobilisations

  • Qu’est-ce qui conduit des personnes LGBTI+ à s’investir dans différentes institutions ? A contrario, quelles sont les conditions de l’exitinstitutionnel (Hirschman 1970) ?
  • Quelles sont les stratégies mises en place par les LGBTI+, individus « discréditables » au sens de Goffman (1975), pour composer avec le stigmate ? Dans quelles conditions cette expérience minoritaire peut-elle faire l’objet d’un retournement du stigmate ?
  • Les institutions sont-elles des espaces de dépolitisation ou au contraire de politisation des personnes LGBTI+ ? Permettent-elles le déploiement d’un « espace de la cause LGBT » (Bouvard 2020), à cheval sur la sphère militante et la sphère professionnelle ? Quel est le rôle des insider activists qui se mobilisent dans les grandes organisations publiques et privées (Buchter 2023) quant à la transformation des conditions LGBTI+ dans les institutions ?
  • En quoi ces conditions institutionnelles dépendent-elles des différents rapports sociaux (classe, genre, race, âge, validité) au regard desquelles les personnes concernées sont situées ?

 

The aim of this thematic section is to bring together recent pieces of scholarship on LGBTI+ (lesbian, gay, bi, trans, intersex and other minority identifications in terms of gender and/or sexuality) people in institutions. Following a classic political sociology definition of institutions, these encompass « political and administrative systems, the major organizations that frame social life, the more or less stabilized arrangements that govern interactions, political parties and trade unions, churches, even enduring collective enterprises » (Lagroye & Offerlé 2011, p. 14). Also using the sociology of activism and the sociology of work, it mainly aims to renew the political sociology of institutions by examining the part sexual and gender minorities play within them – this approach being still rather new in the French-speaking academia.

While looking at women’s / feminist activism outside institutions (McCammon et al. 2017), gender studies have also shown that « the women’s cause field » (Bereni 2015) unfolds in a « variety of social settings », situated for some in the activist setting, for others within institutions, some still mediating between these plural forms of collective action.

For its part, the sociology of homosexuality has been structured around the study of activism (Chauvin & Lerch 2013), polarized by the HIV-AIDS epidemic. It has also analysed their contributions to the politics of rights, in a context of nascent « sexual democracy » (Fassin 2006). While the French sociology of institutions underwent a marked revival in the years 1990-2000, it has done little to address minority sexualities and genders. Yet these issues deserve to be examined, given their potential to upset institutional routines, cultures, and roles, which are key concepts in this scholarship.

Most studies on gays and lesbians in institutions, and first and foremost in those in charge of policing, are written in English (notably Couto 2018, Jones & Williams 2013, Van Gilder 2017). In France, it was not until the last few years that collective publications in the sociology of administration (Prauthois & Biland 2022), the sociology of work (Beaubatie, Chauvin & Pochic 2023) and state theory (Möser & Tillous 2020) complemented extensive doctoral research on homosexual priests (Tricou 2021), gays and lesbians in political parties (Bouvard 2021) and trade unions (Fisson 2023). This thematic section proposes to amplify this research path, opening it up to conditions (neither masculine nor homosexual) that are still little visible in this scholarship, and placing it fully within the tradition of the political sociology of institutions, attentive to individuals, interactions, and structures.

1/ Discrimination, stigmatization, inclusion

  • What are the stigmatization mechanisms for LGBTQI+ people that cut across different institutions, and what are the idiosyncrasies of each?
  • How can heterocisnormative discourses and practices be explained in terms of agents’ dispositions, the political and social context, and institutional expectations?
  • Is there a diversity of intra-institutional discourse and practice on these issues? How is anti-discrimination and/or diversity framing appropriated at grassroots level, at the top or in the intermediate levels of institutional hierarchies?
  • To what extent are contemporary political and legal changes (opening up of same-sex marriage and parentage, criminalization of homophobia and transphobia, etc.) leading to organizational changes? 

2/ Resistance, agency, mobilization

  • What leads LGBTI+ people to get involved in different? Conversely, what are the conditions for institutional exit (Hirschman 1970)?
  • How to LGBTI+ people, as « discreditable » individuals (Goffman 1975), cope with stigma, from heterosexual or cisgender passing, to privacy foreclosure and to coming out? Under what conditions can they reverse their stigma?
  • Do institutions depoliticize or politicize LGBTI+ people? Do they enable the deployment of a « the LGBT cause field » (Bouvard 2020), straddling the activist and professional spheres? What role do insider activists who mobilize in large public and private organizations (Buchter 2023) play in transforming LGBTI+ institutional status?
  • How do these institutional conditions depend on the various social relations (class, gender, race, age, validity) with regard to which they are situated?

 

REFERENCES

Beaubatie Emmanuel, Chauvin Sébastien, Pochic Sophie, « LGBTQ au travail. Entre discriminations et émancipations », Travail, genre et sociétés, 2023, vol. 49.

Bereni Laure et Revillard Anne, « Les femmes contestent », Sociétés contemporaines, 2012, vol. 85, p. 5.

Bereni Laure, 2015, La bataille de la parité. Mobilisations pour la féminisation du pouvoir, Paris, Economica.

Bouvard Hugo, Gays et lesbiennes en politique : Sociohistoire de la représentation des minorités sexuelles en France et aux États-Unis, doctorat en science politique, Université Paris Sciences et Lettres, 2020.

Buisson-Fenet Hélène, Un sexe problématique : l’Église et l’homosexualité masculine en France, 1971-2000, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2004.

Buchter Lisa, « Militer de l’intérieur : les stratégies des réseaux professionnels LGBT », Travail, genre et sociétés, 2023, vol. 49, no 1, pp. 65‑81.

Chauvin Sébastien et Lerch Arnaud, Sociologie de l’homosexualité, Paris, La Découverte, 2013.

Couto Joe L., « Hearing their voices and counting them in: The place of Canadian LGBTQ police officers in police culture », Journal of Community Safety and Well-Being, 2018, vol. 3, no 3, pp. 84‑87.

Fassin Éric, « Les frontières sexuelles de l’État », Vacarme, 2006, n°34, pp. 164-168.

Fisson Estelle, « La diversité est-elle soluble dans la lutte des classes ? Les droits LGBT, un nouveau défi syndical », Travail, genre et sociétés, 2023, vol. 49, no 1, pp. 83‑101.

Goffman Erving, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris, Éditions de Minuit, 1975.

Hirschman Albert O., Exit, voice and loyalty :  responses to decline in firms, organisations and States, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1970.

Jones Matthew et Williams Matthew, « Twenty years on: Lesbian, gay and bisexual police officers’ experiences of workplace discrimination in England and Wales », Policing and Society, 2013, vol. 25, pp. 1‑24.

Katzenstein Mary Fainsod, Faithful and fearless :  moving feminist protest inside the church and military, Princeton (N. J.), Princeton University Press, 1998.

Lagroye Jacques et Offerlé Michel, Sociologie de l’institution, Paris, Belin, 2011.

McCammon Holly J., Taylor Verta, Reger Jo et Einwohner Rachel, The Oxford handbook of U.S. women’s social movement activism, Oxford, Oxford University Press, 2017.

Möser Cornelia et Tillous Marion (dir.), Avec, sans ou contre :  critiques queers-féministes de l’État, Donnemarie-Dontilly, Éditions iXe, 2020.

Prauthois Lus et Biland Emilie, « Minorités sexuelles et de genre dans les services publics », Gouvernement et action publique, 2022, vol. 11, no 1.

Tricou Josselin, Des soutanes et des hommes :  enquête sur la masculinité des prêtres catholiques, Paris, Puf, 2021.

Van Gilder Bobbi J., « Coping with sexual identity stigma in the U.S. military: An examination of identity management practices prior to and after the repeal of “Don’t Ask, Don’t Tell” », Identity: An International Journal of Theory and Research, 2017, vol. 17, no 3, pp. 156‑175.

Session 1 / Dans les organisations de travail : des militant·es de l’intérieur ?
Présidente de séance : Emilie Biland (Sciences Po, CSO, IUF)

Axe 1 / Les stratégies des salarié·es du public et du privé

Chloé Socha (Sciences Po, CSO), “Être au cœur du système pour essayer de changer les choses” : les stratégies des salarié.es militant.es LGBTI+ en entreprise

Aline Henninger (Université d’Orléans, REMELICE), Les enseignants et enseignantes LGBTI+ au Japon : quelles stratégies pour contourner ou modifier l’institution scolaire ?

Discussion : Hugo Bouvard (Université Paris Cité, LARCA)

Axe 2 / Ouvrir la boîte noire des organisations internationales

Margaux Lucas-Nowacki (Université de Strasbourg, SAGE), Travail au cœur et marginalisations. Activisme et agentivité des personnes LGBTQI+ dans la Commission européenne

Olivier Nay (Paris 1 Panthéon Sorbonne – CESSP / IUF), La difficile ascension des normes de sexualité et de genre à la Banque mondiale : du militantisme interne à la cooptation des élites militantes états-uniennes

Discussion : Leah Kimber (Université de Genève)

Session 2 / Militantisme et expériences profanes des institutions
Présidente de session : Estelle Fisson (Lyon 2/EHESS, Triangle)

Axe 1 / Personnes trans dans les institutions

Otto Briant-Terlet (Université Aix-Marseille, SESSTIM), Le pied dans la porte. La construction de la légitimité institutionnelle du PASTT, première organisation trans de lutte contre le VIH en France

Joan Bienaimé (Université de Lille, CERAPS), « De quel droit vous vous permettez de juger si je suis un homme ou non ? » : Le contrôle des dossiers de transition par la mairie et le tribunal judiciaire

Discussion : Emilie Biland-Curinier (Sciences Po, CSO, IUF)

Axe 2 / La cause LGBT+ dans les institutions religieuses

Camille Masclet (CNRS, CESSP), Se mobiliser en tant que parents de LGBT pour transformer une institution religieuse ? Ressorts et formes d’action d’un engagement improbable

Benjamin Dubrulle (EHESS/CéSor), Porter la cause des musulmans LGBT+ : une analyse des processus de sécularisation différenciés entre la France et le Royaume-Uni

Théo Hagenmuller (UC Louvain), Du péché à la libération : La construction d’un militantisme homosexuel chrétien en France à travers l’association David et Jonathan, de la période libérationniste à la crise de VIH/sida (1972-1999).

Discussion : Béatrice de Gasquet (Université Paris Cité, URMIS)

BIENAIMÉ Joan joan.bienaime@univ-lille.fr

BILAND Emilie emilie.bilandcurinier@sciencespo.fr

BOUVARD Hugo hugo.bouvard@u-paris.fr

BRIANT-TERLET Otto otto.briantterlet@inserm.fr

DE GASQUET Béatrice beatrice.degasquet@u-paris.fr

DUBRULLE Benjamin benjamin.dubrulle@ehess.fr

FISSON Estelle estelle.fisson@ehess.fr

HAGENMULLER Théo theo.hagenmuller@uclouvain.be

HENNINGER Aline aline.henninger@univ-orleans.fr

KIMBER Leah Rachel Leah.Kimber@unige.ch

LUCAS-NOWACKIL Margaux margaux.lucas@unistra.fr

MASCLET Camille camille.masclet@cnrs.fr

NAY Olivier o.nay@free.fr

SOCHA Chloé chloe.socha@sciencespo.fr