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ST 35

Alliances et coalitions des mouvements LGBTI+ : mécanismes de convergence et communautés de lutte

Alliances and coalitions for LGBTI+ movements: bringing together and building communities of struggle

Responsables scientifiques :  

Camille Morin-Delaurière (Framespa/UTJ2, CPDS, CAPED /UDEM & IEP de Toulouse) camille.morin-delauriere@univ-tlse2.fr
Corto Le Perron (Framespa/UT2J, CEMS/EHESS) corto.leperron@ehess.fr

 

L’objectif de cette section thématique est de réunir et de faire dialoguer des travaux récents sur les mobilisations lesbiennes, gays, bisexuelles, trans’ et intersexes (LGBTI+) avec la littérature sur les coalitions et les alliances des mouvements sociaux, afin de contribuer au renouveau du champ en partant « d’enquêtes sur les marges » des mobilisations sexuelles et de genre.

Les questionnements concernant les coalitions alimentent toute une partie des débats et des réflexions des spécialistes des mouvements sociaux, formant depuis plusieurs décennies un champ dynamique dans les traditions anglophones et francophones. Beaucoup ont mis la focale sur les questions d’efficacité et de gain, selon l’approche dominante du processus politique (Tilly 1978; McCarthy et Zald 1987). Observant les « structures des opportunités », ces études se concentrent sur les facteurs matériels et idéologiques externes qui rendent possible ces rapprochements (Van Dyke et McCammon 2010; Tilly et Tarrow 2015) et évaluent leur efficacité. D’autres ont déplacé leur regard vers la dimension sociale et solidaire de ces alliances, comme pour des mobilisations féministes (Gilmore 2008). Ces analyses ont permis de mettre en évidence les logiques de construction de revendications communes et l’importance des liens matériels et émotionnels entre collectifs qui ont rendu possible la prise en charge de nouvelles dimensions des luttes (bell hooks 1986; S. Staggenborg 1986; Arnold 1995).

Comme l’a mis en évidence le cas des mouvements féministes (Carrillo Rowe 2008), les formes de convergence et d’entente sont ainsi des éléments définitoires des mobilisations minoritaires, du fait même de leur besoin d’organiser leurs soutiens afin d’augmenter leur légitimité politique et leur capacité d’action dans les diverses arènes contestataires (Cefaï et Trom 2001). Les mobilisations LGBTI+ apparaissent alors comme particulièrement intéressantes pour leur longévité en Europe et en Amérique du Nord, ainsi que pour leurs spécificités qui rendent les questions de convergence centrales. D’une part parce que ces mobilisations portent une dimension existentielle (Quéré 2019; Bouvard 2020) qui fait de la constitution et le délitement d’alliances des dynamiques directement liées à la définition de la base identitaire des luttes. D’autre part, ces processus sont à l’œuvre aussi bien vers l’extérieur (syndicats, partis, autres mobilisations) qu’à l’intérieur de ce qui se constitue et s’affirme comme mouvement (Prearo 2014).

Les études portant sur les mouvements LGBTI+ s’intéressent surtout aux liens établis avec l’extrême gauche ou d’autres formations politiques (Le Perron 2023), avec le syndicalisme (Ducharme-Vachon 2014; Fisson 2023), ou encore avec d’autres mouvements sociaux, notamment avec le mouvement ouvrier (Mathieu 2009; Cabadi 2023) et le mouvement féministe (Marche 2007). Ces travaux analysent la construction de vastes réseaux de solidarité nationaux et transnationaux (Dean et Aune 2015), ainsi que la multipositionnalité des acteurs et actrices des mouvements LGBTI+ (Binnie et Klesse 2012). Ces approches ont permis de remettre en cause une lecture téléologique des luttes et de mettre en exergue la construction de pratiques coalitionnelles ancrées localement à l’intérieur et à l’extérieur de ces communautés.

Ce panel entend ainsi documenter les alliances construites par et avec les mobilisations LGBTI+, dans le contexte français mais également à l’international et dans une perspective comparatiste. Il s’agit de participer au fort dynamisme qui anime depuis quelques années l’étude des mouvements LGBTI+, en enrichissant les travaux monographiques sur les luttes lesbiennes (Michard et Chetcuti 2003; Eloit 2018), gays (Jackson 2009; Calwood 2017), trans (Feinberg 1998; Foerster 2012; Espineira, Thomas, et Alessandrin 2012) ou intersexes (Charlebois 2017; Raz 2023) d’une perspective transversale qui permet de mettre la focale sur les éléments concrets d’évolution des coalitions et leurs effets sur les luttes mêmes.

Il souhaite également contribuer plus largement à la riche littérature sur les coalitions en prolongeant les débats épistémologiques qui sous-tendent les études à partir de cas particuliers sur lesquels les concepts et catégories (alliance, coalition, convergence, melting pot) peuvent être mis au travail. En cela, il se veut un espace de dialogue et de transmission des outils et perspectives élaborées dans les mondes universitaires francophone et anglophone.

 

This conference aims at bringing together and into dialogue recent work on Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex (LGBTI+) mobilizations with the literature on social movement coalitions and alliances, in order to contribute to the renewal of the field starting from « investigations on the margins » of gender and sexuality mobilizations.

Issues regarding coalitions have fuelled much of the debate and thinking among social movement specialists, forming a dynamic field in both English- and French-speaking research over the last few decades. Many have focused on matters of efficiency and gain, according to the dominant approach to the political process (Tilly 1978; McCarthy et Zald 1987). Observing « opportunity structures », these studies focus on the external material and ideological factors that make such links possible (Gamson 1961; Van Dyke et McCammon 2010; Tilly et Tarrow 2015) and assess their effectiveness. Others have shifted their gaze to the social and solidarity dimension of these alliances, as in the case of feminist mobilizations ( Gilmore 2008). These analyses have highlighted how consensus is reached upon common claims and  how important material and emotional ties between collectives are (bell hooks 1986; S. Staggenborg 1986; Arnold 1995).

As the case of feminist movements has shown (Carrillo Rowe 2008), forms of convergence are defining elements of minority mobilizations, which need support in order to increase their political legitimacy and capacity for action in the various arenas of contestation (Cefaï et Trom 2001). LGBTI+ mobilizations are of particular interest due to their longevity in Europe and North America, as well as to their specificities, which make questions of convergence central. Firstly, because these mobilizations are « existential » (Quéré 2019; Bouvard 2020), linking the formation and disintegration of alliances dynamics directly to the definition of an identity foundation. Secondly, these processes take place both externally (with unions, parties, or other mobilizations) and internally within what eventually becomes a movement (Prearo 2014).

Studies of LGBTI+ movements focus mainly on the links established with the far left or other political formations (Le Perron 2023), with unions (Ducharme-Vachon 2014; Fisson 2023), or with other social movements, notably the labor movement (Mathieu, 2009, Cabadi, 2023) and the feminist movement (Marche, 2007). These works analyze the construction of vast national and transnational solidarity networks, as well as the multipositionality of LGBTI+ movement actors (Binnie and Klesse, 2012). These approaches have challenged a teleological reading of struggles and highlighted the construction of locally-rooted coalitional practices inside and outside these communities.

This conference intends to research the alliances built by and with LGBTI+ mobilizations, in the French context but also internationally in a comparative perspective. It aims at adding to the strong dynamism driving the study of LGBTI+ movements in recent years, and enriching monographic works on Lesbian (Michard et Chetcuti 2003; Eloit 2018), Gay (Jackson 2009; Calwood 2017), Trans (Feinberg 1998; Foerster 2012; Espineira, Thomas, et Alessandrin 2012) or Intersex (Charlebois 2017; Raz 2023) struggles with a cross-disciplinary perspective that focuses on the material elements of coalition evolution and their effects on the struggles themselves.

It also aims to make a wider contribution to the rich literature on coalitions. It’s goal is to extend the epistemological debates that underpin these studies, using specific cases in which the concepts and categories (alliance, coalition, convergence, melting pot) can be put to work. In this way, it strives to provide a forum for dialogue and the transmission of tools and perspectives developed in the French- and English-speaking academic worlds.

 

REFERENCES

Arnold, G. 1995. « Dilemmas of feminist coalitions : collective identity and strategie effectiveness ». In Feminist organisations : harvest of the new women’s movement, par M. Ferree et P. Martin, Temple University Press, 115‑32.

bell hooks. 1986. « Sister hood : political solidarity between women » n°23: 125‑38.

Binnie, J., et C. Klesse. 2012. « Solidarities and tensions: Feminism and transnational LGBTQ politics in Poland » vol.19 (4): 444‑59.

Bouvard, Hugo. 2020. « Gays et lesbiennes en politique : Sociohistoire de la représentation des minorités sexuelles en France et aux États-Unis ». These de doctorat, Université Paris sciences et lettres.

Cabadi, Marie. 2023. Lesbiennes et gays au charbon. Solidarités avec les mineurs britanniques en grève 1984-1985. Editions de l’EHESS.

Cefaï, Daniel, et Danny Trom. 2001. Les formes de l’action collective: mobilisations dans des arènes publiques. Raisons pratiques. Editions de l’Ecole des hautes études en sciences sociales.

Charlebois, Janik Bastien. 2017. « Les sujets intersexes peuvent-ils (se) penser ?. Les empiétements de l’injustice épistémique sur le processus de subjectivation politique des personnes intersex(ué)es ». Socio. La nouvelle revue des sciences sociales, no 9 (décembre): 143‑62.

Ducharme-Vachon, B. 2014. « Le mouvement syndical au Québec : discours de la prise en compte la diversité ». Université d’Ottawa.

Eloit, Ilana. 2018. « Lesbian trouble: feminism, heterosexuality and the French nation (1970–1981) ». Londres: LSE.

Espineira, Karine, Maud-Yeuse Thomas, et Arnaud Alessandrin, éd. 2012. La Transyclopédie. Tout savoir sur les transidentités. Paris: Des Ailes sur un Tracteur.

Feinberg, Leslie. 1998. Trans liberation: beyond pink or blue. LGBT Thought and Culture. Boston, MA: Beacon Press.

Fisson, Estelle. 2023. « La diversité est-elle soluble dans la lutte des classes ? Les droits LGBT, un nouveau défi syndical » 1 (n° 49): 83‑101.

Foerster, Maxime. 2012. Elle ou lui ? : Une histoire des transsexuels en France. Paris: La Musardine.

Gilmore, S. 2008. Feminist coalitions : historical perspectives on second wave feminism in the United states. University of Illinois Press.

Jackson, Julian. 2009. Arcadie : La vie homosexuelle en France, de l’après-guerre à la dépénalisation. Sexe en tous genres. Paris: Editions Autrement.

Le Perron, Corto. 2023. « Splendeurs et misères des alliances. La Commission nationale homosexuelle de la LCR (1975-1983) et la fabrique d’une coalition pour le mouvement homosexuel ». In Lesbiennes, pédés, arrêtons de raser les murs. Luttes et débats des mouvements lesbiens et homosexuels (1970-1990), par Hugo Bouvard, Ilana Eloit, et Mathias Quéré, 39‑60. Paris: La Dispute.

Mathieu, Lilian. 2009. « Éléments pour une analyse des coalitions contestataires. La lutte contre le sida et le mouvement des chômeurs, de « Nous sommes la gauche » à Occupation » 59 n°1: 77‑96.

McCarthy, John, et Mayer Zald. 1987. Social movement in a organizational society. Transaction Books.

Michard, Claire, et Natacha Chetcuti. 2003. Lesbianisme et féminisme : histoires politiques. Paris: L’Harmattan.

Prearo, Massimo. 2014. Le moment politique de l’homosexualité. Mouvements, identités et communautés et France. SXS Sexualités. Lyon: Presses universitaires de Lyon.

Quéré, Mathias. 2019. « Qui sème le vent récolte la tapette », une histoire des Groupes de libération homosexuels en France de 1974 à 1979. Lyon: Éditions Tahin Party.

Raz, Michal. 2023. Intersexes. Du pouvoir médical à l’autodétermination. Paris: Le cavalier bleu.

Staggenborg, Suzanne. 1986. « Coalition work in the pro-choice movement : organizational and environmental opportunities and obstacles », 374‑90.

Tilly, Charles, et Sidney Tarrow. 2015. Politique(s) du conflits. De la grève à la révolution. Presses de Sciences Po.

Session 1

Axe 1 / Mouvements LGBTI+ et mouvements féministes : une « alliance naturelle » ?

Ruby Faure (LEGS, Paris 8), (Dés)alliances et autonomie : la rupture comme condition de la coalition pour les luttes transfems aux États-Unis des années 1960 aux années 2000

Mathias Quéré (Université Paris Cité, Institut Covid ad memoriam – LARCA ; Framespa ; UTJ2), Pédés, lesbiennes, féministes, une alliance est-elle possible ? Histoire d’une « convergence conflictuelle » dans les années 1970 et 1980

Mathilde Guellier (IRISSO, Université Paris Dauphine), L’alliance entre mouvement féministe et LGBT : la mise à distance d’un sujet politique féministe lesbien par la coordination féministe

Axe 2 / La recherche comme possibilité d’alliance ?

Virginie Dutoya : Produire des savoirs queer, positionnement scientifique et militant des chercheuses et chercheurs « indiens ». (CNRS, EHESS)

Session 2

Axe 1 / Quelle place aux revendications LGBTI+ dans les mobilisations gauchistes ?

Camille Courgeon (CRHEC/ UPEC), La prise en compte des questions gay et lesbienne dans le mouvement occitan des années 1968

Erwan Sommerer (Centre Jean Bodin), Critique des normes hétérocentrées, subversion de l’identité de genre et lutte contre l’État : portée et limites de la convergence entre queers et anarchistes.

 Axe 2 / Faire coalition, construire un front de lutte commun

Christophe Broqua (CNRS), Convergence et concurrence des luttes. Minorités sexuelles et minorités postcoloniales contre le Sida au tournant des années 1990-2000.

Néo Gaudy (CSO ; Sciences Po), De l’union à la division : politisations plurielles des violences sexuelles dans les manifestations féministes et LGBTQI

BROQUA Christophe  broquachristophe@yahoo.fr

COURGEON Camille camille.courgeon@u-pec.fr

DUTOYA Virginie  virginie.dutoya@ehess.fr

GAUDY Néo neo.gaudy@sciencespo.fr

GUEILLIER Mathilde  mathilde.guellier@dauphine.eu

LE PERRON Corto corto.leperron@ehess.fr

MORIN-DELAURIÈRE Camille.morin-delauriere@univ-tlse2.fr

QUÉRÉ Mathias quere.mathias@gmail.com

RUBY Ruby  faure.ruby@gmail.com

SOMMERER Erwan erwan.sommerer@univ-angers.fr