le portail de la science politique française

rechercher

ST 25

Socialisation politique au travail et comportements électoraux

Political socialization at work and voting

Responsables scientifiques : 

Baptiste Giraud (Aix-Marseille Université, LEST-IRISSO) baptiste.giraud@univ-amu.fr
Saphia Doumenc (Institut de recherches économiques et sociales – Laboratoire Triangle) doumenc.saphia@gmail.com

 

L’analyse des modalités d’ancrage social du vote s’est longtemps focalisée sur le rôle des sociabilités familiales ou résidentielles dans la structuration des comportements électoraux (Braconnier, 2010, Girard, 2017 ; Barrault-Stella, Bériaud, Taiclet, 2022). À de rares exceptions (Sainsaulieu, Surdez, 2012), les transformations des mondes du travail est souvent restée évoquée comme une simple toile de fond des changements explicatifs du déclin du vote de gauche et de l’abstention des classes populaires (Braconnier et Dormagen, 2007). Au mieux, les positions professionnelles sont envisagées comme une variable explicative de la différenciation de leurs pratiques électorales (Peugny, 2015), sans épuiser pour autant l’analyse des mécanismes de socialisation politique au et par le travail (Fillieule, 2012) et leur contribution à la production et la transformation des comportements électoraux, au-delà même du seul cas des classes populaires.

Ces dernières années, le champ de la sociologie électorale semble cependant connaître un regain d’intérêt pour l’analyse ses processus de socialisation politique qui se jouent dans les espaces du travail (Beaumont, 2018 ; Achin, Aldrin, Baloge, 2023 ; Giraud, Haute, 2023 ; Giraud, à paraître). Dans le prolongement de ces travaux, cette section thématique se donne pour objectif de rassembler des communications permettant de mettre en discussion la manière d’analyser le lien entre la condition laborieuse des électeurs et leur rapport au vote. Dans un contexte marqué par les transformations du capitalisme (financiarisation, tertiarisation), des conditions d’emploi et de travail, du triomphe de l’État libéral et de l’affaiblissement du syndicalisme, comment se reconfigurent les modalités par lesquelles les expériences sociales de travail participent (ou non) à structurer le rapport au vote ? Comment penser les effets des transformations de la condition des travailleurs sur leurs comportements électoraux ? Comment appréhender plus généralement les liens entre travail, engagement syndical et vote sans les réduire à des effets mécaniques et univoques ? Que peut apporter l’analyse des processus de (dé)politisation des espaces du travail aux débats de la sociologie électorale ?

Pour contribuer à ces réflexions, les communications de la ST s’organiseront autour de l’articulation de trois grands axes de questionnement. Le premier consiste à analyser la manière dont les contextes de travail – les organisations du travail, la configuration des rapports sociaux de production, les socialisations professionnelles – peuvent agir comme des facteurs de structuration des consciences sociales et politiques et de différenciation des pratiques électorales. Loin de considérer les liens entre les contextes de travail et le vote comme une évidence sociologique et politique, il s’agira en réalité de questionner la manière différente dont les enjeux et les expériences du travail façonnent les investissements sociaux du vote. De fait, l’évitement du politique caractérise bien des espaces de sociabilités professionnelles et entrave la politisation des enjeux du travail. Dès lors, cette section thématique a aussi pour vocation de réfléchir à la façon dont les socialisations au travail et hors travail s’articulent dans la production des préférences électorales. Ce faisant, une attention sera portée aux différentes manières dont les expériences du travail peuvent contribuer à ordonner le rapport au politique et les principes de justification du vote. Enfin, cette section thématique sera l’occasion de réinterroger le rôle des organisations syndicales comme intermédiaires du politique et courtiers électoraux. Dans un contexte marqué par l’affaiblissement et la dépolitisation du militantisme syndical d’une part et l’autonomisation du champ syndical d’autre part, comment appréhender la recomposition des modalités de contribution des acteurs syndicaux dans les processus de (dé)politisation des enjeux et des espaces du travail ?

 

Analysis of the ways in which voting is socially anchored has long focused on the role of family or residential sociability in structuring electoral behavior (Braconnier, 2010, Girard, 2017; Barrault-Stella, Bériaud, Taiclet, 2022). With rare exceptions (Sainsaulieu, Surdez, 2012), transformations in the worlds of work have often remained merely a backdrop to the changes explaining the decline in the left-wing vote and abstention among the working classes (Braconnier and Dormagen, 2007). At best, professional positions are considered as an explanatory variable for the differentiation of their electoral practices (Peugny, 2015), without exhausting the analysis of the mechanisms of political socialization at and through work (Fillieule, 2012) and their contribution to the production and transformation of electoral behavior, even beyond the case of the working classes alone.

In recent years, however, the field of electoral sociology seems to be experiencing a revival of interest in analyzing the processes of political socialization that play out in the spaces of work (Beaumont, 2018, Achin, Aldrin, 2023, Giraud, Haute, 2023). Following on from this work, this thematic section aims to bring together papers that will enable us to discuss how to analyze the link between voters’ working condition and their relationship to voting. In a context marked by transformations in capitalism (financialization, tertiarization), employment and working conditions, the triumph of the liberal state and the weakening of trade unionism, how are the ways in which the social experiences of work participate (or not) in structuring the relationship to voting reconfigured? How can we consider the effects of transformations in workers’ conditions on their electoral behavior? More generally, how can we understand the links between work, union involvement and voting, without reducing them to mechanical and unambiguous effects? What can analysis of the (de)politicization of workplaces contribute to the debate on electoral sociology?

To contribute to these reflections, the workshop will be organized around the articulation of three main lines of questioning. The first is to analyze the way in which work contexts – work organizations, the configuration of social relations of production, professional socialization – can act as factors in structuring social and political consciousness and differentiating electoral practices. Far from considering the links between work contexts and voting as an evidence, we’ll be looking at the different ways in which work issues and experiences shape the social investment of voting. In fact, the avoidance of politics characterizes many areas of professional sociability, and prevents the politicization of work-related issues. That’s why, this workshop also aims to reflect on the way in which work and non-work socializations are articulated in the production of electoral preferences. In so doing, attention will be paid to the different ways in which work experiences can contribute to ordering one’s relationship to politics and the principles that justify voting. Finally, this thematic section will provide an opportunity to re-examine the role of trade unions as political intermediaries and electoral brokers. In a context marked by the weakening and depoliticization of union militancy on the one hand, and the autonomization of the trade union field on the other, how can we understand the recomposition of the ways in which union players contribute to the processes of (de)politicizing work issues and spaces?

 

REFERENCES

Achin Catherine, Aldrin Philippe, Baloge Martin, “Le travail du vote. la socialisation politique au et par le travail chez les moyens et petits-moyens », in Agrikoliansjy ric et al. (dir.), Ordre social, désordre électoral, Éditions du Septentrion, 2023.

Barrault-Stella Lorenzo, Berjaud Clémentine, Taiclet Anne-France, Les ancrages urbains du vote. Enquête sur la socialisation politique résidentielle, Éditions du Croquant, 2022.

Beaumont Amélie, « Tirer parti de l’ordre établi ? Les socialisations politiques au travail dans un hôtel de luxe », Politix, 2018, n° 122, p.79-105.

Braconnier Cécile, Dormagen Jean-Yves, La démocratie de l’abstention, Gallimard, 2007.

Braconnier Cécile, Mayer Nonna (dir.), Les inaudibles. Sociologie politique des précaires, Presses de Science Po, 2015.

Fillieule Olivier « Travail, famille, politisation », in Sainsaulieu Ivan, Surdez Muriel (dir.), Muriel (dir.), Sens politiques du travail, Armand Colin, 2012., p. 345-357.

Girard Violaine, Le vote FN au village. Trajectoires de ménages populaires du périurbain, Éditions du Croquant, 2017.

Giraud Baptiste, Haute Tristan, « Le travail, espace de politisations différenciées pour les classes populaires salariées », in Gaxie Louise (dir.), Les classes populaires à l’écart du politique ?, Éditions de la Fondation Gabriel Péri, 2023, p. 107-122.

Giraud Baptiste, « Les contextes de travail font-ils le vote ? Éléments de réflexion à partir du cas des classes populaires », in Eric Agrikoliansky et al. (dir.), Le vote en contexte(s), à paraître

Peugny Camille, « Pour une prise en compte des clivages au sein des classes populaires. La participation politique des ouvriers et des employés », Revue française de science politique, n°65, 2015/5, p. 735-759.

Sainsaulieu Ivan, Surdez Muriel (dir.), Sens politiques du travail, Paris, Armand Colin, 2012.

Session 1 / Les structures professionnelles du vote
Président de séance : Baptiste Giraud (LEST-IRISSO-AMU)
Discussion : Eric Agrikoliansky (Paris Dauphine, IRISSO)

Baptiste Giraud (LEST-IRISSO-AMU), Saphia Doumenc (Triangle, IRES), Introduction générale à la section thématique

Tristan Haute (Université de Lille-Ceraps), Yann Le Lann (Université de Lille-Ceries), Hugo Touzet (CNRS-Cermes3), Quels ancrages professionnels des préférences électorales ? Conditions de travail et attitudes politiques en France

Amélie Beaumont (CESSP – CRESSPA CSU), Le potentiel socialisateur d’un lieu de travail. Propositions pour une systématisation de l’analyse de la socialisation politique par le travail

Alexis de Brito (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – CESSP), Évolutions de la division du travail et des politisations ouvrières dans une scierie rurale : désillusions, défiances et retournement de la conscience sociale

Louise Cadorel, (Université Sorbonne Nouvelle-CREDA), De la valeur accordée au mérite individuel aux demandes d’ordre politique et moral : la socialisation au travail des surveillants d’une prison pour mineurs de Rio de Janeiro

Session 2 / La (dé)politisation des enjeux du travail
Présidente de séance : Saphia Doumenc (Triangle, IRES)
Discussion : Lorenzo Barrault-Stella (CNRS CSU—CRESSPA)

Marion Guénot (CNRS-CESDIP), Les mobilisations syndicales policières : Des luttes professionnelles et politiques

Cécile Piret (ULB, Centre METICES), Les recompositions des identités de classe et des affinités politiques dans les restructurations industrielles

Nolwenn Armogathe (Science Po Toulouse-LaSSP), Clémentine Berjaud (Université Paris 1-CESSP), Safia Dahani (EHESS-CESSP), Mailen Pagiusco (Science Po Toulouse-LaSSP), Les conditions sociales de (dé)politisations du travail et au travail. Les classes supérieures de grands groupes industriels en contexte électoral

Sabine Rozier (Université Paris Dauphine – IRISSO), Cavaliers seuls. Quand le travail désarme la critique

AGRIKOLIANSKY Eric eric.agrikoliansky@dauphine.psl.eu

ARMOGATHE Nolwenn nolwennarmogathe@yahoo.fr

BARRAULT-STELLA Lorenzo lorenzo.barrault-stella@cnrs.fr

BEAUMONT Amélie beaumont.amelie@gmail.com

BERJAUD Clémentine clementine.berjaud@wanadoo.fr

CADOREL Louise Louise.cadorel@sorbonne-nouvelle.fr

DAHANI Safia safia.dahani@gmail.com

DE BRITO Alexis alexis.debrito05@gmail.com

DOUMENC Saphia doumenc.saphia@gmail.com

GIRAUD Baptiste baptiste.giraud@univ-amu.fr

GUENOT Marion marion.guenot@cesdip.fr

HAUTE Tristan Tristan.haute@orange.fr

LE LANN Yann yannlelann@yahoo.fr

PAGIUSCO Maialen pagiusco.m@gmail.com

PIRET Cécile Cecile.Piret@ulb.be

ROZIER Sabine sabine.rozier@dauphine.psl.eu

TOUZET Hugo touzet.h@gmail.com