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ST 10

La fabrique des ministères. Trajectoires d’une forme organisationnelle (portefeuilles, administrations centrales, agences)

Making Ministries. Trajectories of an Organizational Form (Portfolios, Ministerial Departments, Agencies)

Responsables scientifiques :

Philippe Bezes (Sciences Po, CEE, CNRS) philippe.bezes@sciencespo.fr
Scott Viallet-Thevenin (Université de Potsdam) scott.viallet-thevenin@m4x.org

 

Les ministères sont des acteurs majeurs des politiques publiques en façonnant largement leur élaboration et mise en œuvre. Ils englobent les activités des administrations centrales et déconcentrées et des agences et coordonnent les multiples acteurs, parfois privés, qui participent à l’action publique. Dans les négociations, ils défendent des priorités politiques et des manières institutionnelles de faire et de penser en concurrence avec d’autres ministères. Malgré leur rôle central, nous faisons le constat qu’ils restent sous-investis comme objet, empiriquement mais aussi théoriquement. Certes, il existe des enquêtes – en histoire ou en science politique – qui retracent les grandes lignes de certains ministères ou de certaines de leurs directions. Mais les ministères sont rarement analysés en tant que forme organisationnelle en elle-même, pris dans leur globalité et dans des temporalités longues ou moyennes. Le ministère a longtemps été une échelle oubliée, même si de nombreux travaux disparates existent, par exemple sur les restructurations de Whitehall en Grande-Bretagne ou si des travaux récents explorent quantitativement les évolutions des portefeuilles ministériels ou des unités internes. Toutefois, les enjeux globaux de leur restructuration, leur degré de changement et de continuité dans la durée, les modalités d’articulation entre les directions et les agences qui les composent, la trajectoire historique de leur recomposition, leurs évolutions, leurs rôles, restent mal connus.

En prenant les ministères pour objet, nous invitons à les considérer comme des entités sociales, dont la construction reste à interroger. D’autant que les reconfigurations des frontières et de la division du travail des architectures politiques et administratives ont pris de l’ampleur avec l’institutionnalisation des politiques de réforme administrative à partir des années 1980. Les politiques de l’organisation sont devenues une technique de gouvernement en soi. Objets de démantèlements et de recompositions fréquents, quelle consistance et quelle cohérence ont les ministères sur la durée ? Comment penser les processus qui structurent leurs trajectoires de vie ?

Nous proposerons deux axes de présentation et de discussion des communications pour cette session thématique :

– Le premier axe s’intéresse aux évolutions historiques des ministères sur la durée à travers une série de dimensions : la création politique changeante de portefeuilles ministériels ; l’étude de leur trajectoire et de leur durée de vie et leurs effets sur les directions et agences qui les composent ; les grands évènements organisationnels qui affectent les structures d’un ministère (créations ex nihilo, fusions, scissions, démantèlement) ; les conditions politiques de leurs restructurations et les conflits qui les traversent ; les effets produits par ces changements sur les politiques publiques et sur la façon dont les réorganisations les affectent ou traduisent leurs réorientations.

– Le deuxième axe privilégie la manière dont les processus historiques de développement d’agences autonomes – plus ou moins « à distance » des ministères selon leurs statuts (établissements publics de types variés en France) – ont affecté la forme ministérielle d’ensemble et entraîné des transformations de la division du travail, du pouvoir et de l’expertise entre les acteurs politiques, les directions des ministères et les agences. Les administrations centrales ont-elles été dépossédées de leurs attributions par les agences et dans quelle mesure leur rôle a -t-il évolué vers le pilotage des entités à distance ?

Cette section thématique est aussi une invitation à réfléchir aux manières de théoriser l’évolution des ensembles ministériels (théorie des champs, théorie du principal/agent, analyse stratégique, analyse de réseaux, etc.). Les réflexions comparant les formes organisationnelles des ministères en France selon les secteurs ou ouvrant sur des comparaisons internationales seront bienvenues.

 

Ministries are major players in public policy in shaping policymaking and implementation. They encompass the activities of central and devolved administrations and agencies and coordinate the many players, some of them private, involved in public policies. In negotiations, they defend political priorities as well as institutional ways of thinking and doing in competition with other ministries. Despite their central role, they remain under-investigated as an object, both empirically and theoretically. Admittedly, many studies – in history or political science – have traced the broad outlines of certain ministries or certain of their departments. But ministries are rarely analyzed as an organizational form in themselves, taken as a whole and over long or medium timeframes. The ministry has long been a forgotten scale, even if many disparate works exist, for example on the restructuring of Whitehall in Great Britain, or if recent works quantitatively explore the evolution of ministerial portfolios or units.

However, little is known about the overall issues at stake involved in their restructuring, their degree of change and continuity in time, the ways in which the directorates and agencies that make them up are linked, the historical trajectory of their remaking, their evolutions and their roles.

By taking ministries seriously as our object, we invite participants to consider them as social entities, whose construction remains to be questioned. All the more so as the reconfiguration of the boundaries and division of labor of political and administrative architectures gained momentum with the institutionalization of administrative reform policies from the 1980s onwards. Reorganizations have become a technique of government in their own right. Subject to frequent dismantling and reorganizations, what consistency and coherence do ministries have in time, and what are their components? How can we think about the processes that structure the life trajectories of ministries?

For this session, we propose two axes of presentation and discussion of the papers:

– The first theme focuses on the historical evolution of ministries over time through a series of dimensions: the changing political creation of ministerial portfolios; the study of their trajectory and lifespan and their effects on the directorates and agencies that make them up; the major organizational events that affect the structures of a ministry (creations ex nihilo, mergers, splits, dismantling); the political conditions of their restructurings and the conflicts that run through them; the effects produced by these changes on public policies and on the way reorganizations affect them or translate their reorientations.

– The second theme focuses on the way in which the historical process of developing autonomous agencies – more or less « remote » from ministries depending on their status (public establishments of various types in France) – has affected the overall ministerial form, and led to transformations in the division of work, power and expertise between political actors, ministry departments and agencies. Have central administrations been dispossessed of their responsibilities by the agencies, and to what extent has their role evolved towards steering remote entities?

– This section is also an invitation to reflect on ways of theorizing the evolution of ministerial entities (field theory, principal/agent theory, strategic analysis, network analysis, etc.). Reflections comparing the organizational forms of ministries in France by sector, or opening up to international comparisons, will be welcome.

 

REFERENCES

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Session 1 / Faire et défaire les ministères dans la durée : les mutations d’une forme organisationnelle
Président.e : Brigitte Gaïti (CESSP, Université Paris 1)
Discutants : Philippe Bezes (Sciences Po, CEE, CNRS) et Scott Viallet-Thevenin (Université de Potsdam)

Willy Beauvallet (Lyon 2, Triangle), Aurélie Roger (Université des Antilles, LC2S), Le ministère de l’outre-mer : création et transformations d’une administration incertaine

Jean-Baptiste Devaux (Sciences Po Grenoble, PACTE), Façonner un ministère à la main des ministres. Le travail politique de réforme du ministère de l’Industrie (années 1960-1990)

Ahmed Fouad El Haddad (Sciences Po Bordeaux, CED), Un portefeuille ministériel sur Mesure ? Répartition des juridictions entre départements ministériels en contexte autoritaire

Thomas Hélie (INSP, Université de Reims), Marion Mauchaussée (Université Catholique de Lille), Frédéric Poulard (Université Paris Cité), L’action publique fragmentaire. Les ministères de la Culture et de la Transition écologique à l’épreuve de l’agencification

Tanguy Levoyer (Université Paris Dauphine, IRISSO), D’un éphémère ministère très politique à des changements bureaucratiques durables : création et recompositions du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale au fil des alternances (2007-2014)

Christine Musselin (Sciences Po, CSO, CNRS), L’enseignement supérieur et la recherche : le chat de Cheshire des gouvernements ? (1980-2020)

Session 2 / Dynamiques intraministérielles et agencification : quelles redistributions de la division du travail et du pouvoir ? Président.e : Christine Musselin (Sciences Po, CSO, CNRS)
Discutants : Philippe Bezes (Sciences Po, CEE, CNRS) et Scott Viallet-Thevenin (Université de Potsdam)

Jérôme Aust (Sciences Po, CSO), Un ministère (re)défini par ses agences. La Direction générale de la recherche face à la création des agences de financement (1988-2010)

Louis Baudrin (Sciences Po, CERI), Quai d’Orsay ou “château de sable” ? L’annexion discrète de Campus France par le ministère des Affaires Etrangères (2006-2015)

Pablo Cussac (Sciences Po, CEE et ENS), Externaliser les capacités évaluatives : dépossession ministérielle et monopolisation experte au Mexique et au Chili

Renaud Gay (Université Rennes 2 – UMR Arènes) et Marielle Poussou-Plesse (Université de Bourgogne, LIR3S), Le pouvoir renversé de l’agence. Les recompositions d’une administration du numérique au ministère de la Santé à l’aune des politiques de partage des données de santé (années 2000 – années 2020)

Violette Larrieu (ENSTA Bretagne, Foap & CEPEL), La trajectoire de la Direction Générale de l’Armement (années 1960 – années 2020) : révélateur des transformations du ministère des Armées

AUST Jérôme  jerome.aust@sciencespo.fr

BAUDRIN Louis louis.baudrin@sciencespo.fr

BEAUVALLET Willy Willy.Beauvallet@univ-lyon2.fr

BEZES Philippe philippe.bezes@sciencespo.fr

CUSSAC Pablo pablo.cussac@sciencespo.fr

DEVAUX Jean-Baptiste jeanbaptiste.devaux@iepg.fr

EL HADDAD Ahmed Fouad elhaddadahmedfouad@gmail.com

GAÏTI Brigitte brigitte.gaiti@univ-paris1.fr

GAY Renaud gayrenaud@gmail.com

HÉLIE Thomas thomas.helie@univ-reims.fr

LARRIEU Violette violette.larrieu@ensta-bretagne.fr

LEVOYER Tanguy tanguy.levoyer@dauphine.psl.eu

MAUCHAUSSÉE Marion marion.mauchaussee@univ-catholille.fr

MUSSELIN Christine christine.musselin@sciencespo.fr

POULARD Frédéric frederic.poulard@u-paris.fr

POUSSOU-PLESSE Marielle Marielle.Poussou@u-bourgogne.fr

ROGER Aurélie aurelie.roger@univ-antilles.fr

VIALLET-THEVENIN Scott scott.viallet-thevenin@m4x.org