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ST 34

Une démocratie sur le fil. Les ressources humaines du processus électoral

Democracy on the edge. The human resources of the electoral process

Responsables scientifiques :  

Sébastien Vignon (Université de Picardie Jules-Verne, CURAPP-ESS) sebastien.vignon@u-picardie.fr
Laurent Le Gall (Université de Brest, CRBC) llegall2@univ-brest.fr

 

Tandis que la « crise de la démocratie » (la difficulté de trouver des assesseurs en serait une énième déclinaison) ne cesse d’être auscultée au risque de devenir une catégorie en soi, il s’agit de revenir sur une partie de la « tuyauterie démocratique » sans laquelle les « respirations » électorales ne seraient pas possibles. L’exploration du travail des « petites mains de la démocratie » invite à s’intéresser autant à l’arrière-cour d’un espace concret du suffrage (le bureau de vote), dont la routinisation occulte la chaîne de l’institution qui en garantit l’existence, qu’à documenter ce que l’on oublie un peu trop aisément : nul ordre politique ne saurait tenir sans une gamme d’investissements et de compétences qui en authentifient le bien-fondé. Division du travail depuis la production des circulaires jusqu’à la mise en place du bureau de vote, endossage de rôles par des agents qui sont tenus de faire fonctionner au mieux une ingénierie de l’élection, acquisition et développement de savoirs techniques qui reposent aussi sur une croyance dans le « bienfait démocratique » (il s’agit d’être à la hauteur de l’élection comme quand des acteurs entrent en scène)… : pari est fait, à la suite de ce qu’avaient proposé Romain Bertrand et ses collègues (Cultures of Voting. The Hidden History of the Secret Ballot, 2006), que les communications ouvriront des pistes et apporteront une moisson de réflexions aux fins de donner un peu plus d’épaisseur à ce qui fait « la journée d’un scrutateur ».

La section thématique vise à réunir des contributions originales portant sur des situations diversifiées (analyses comparées, analyses localisées) empiriquement étayées, aux perspectives théoriques et méthodologiques variées (ethnographie, approches statistiques, socio-histoire, etc.). Elle entend contribuer à une réflexion sur la matérialité de l’élection qui ne saurait se confondre avec sa seule technicité. Il se trouve en effet, pour qui a mis les pieds dans le Service élections d’une municipalité ou a tenu un bureau de vote, que l’organisation préalable qui préside à l’impeccabilité du « moment électoral » renvoie tout autant à une « orchestration sans chef d’orchestre », pour paraphraser Pierre Bourdieu, tant les rôles sont nombreux et cadrés, qu’à ce que notre « démocratie de la participation[1] » demeure aussi : une « démocratie sur le fil ». Par là même, nous suggérons de privilégier les interrogations concernant ce qui fait que la démocratie électorale tient debout en se bardant de procédures et d’instruments (une enquête sur les utilisations des codes électoraux serait pour le moins bienvenue) appelés à pallier ses fragilités en pariant, entre autres, sur les impératifs de la certification des résultats – songeons ici à la fonction des observateurs électoraux ou encore au renouvellement des modes de contestation avec l’émergence des machines à voter. Si l’on part de cette évidence qu’à l’instar de la création de l’œuvre d’art, dont Howard Becker a montré qu’elle répondait à toutes sortes d’activités et d’interactions, le vote est un acte individuel produit collectivement, alors on admettra qu’il y a matière, dans l’observatoire privilégié que constitue la « tuyauterie démocratique », à remettre sur le métier ce que le petit théâtre de l’élection raconte : les investissements moraux et sociaux qui y sont à l’œuvre, les rétributions minimes qui concourent au « travail bien fait », les formes de reconnaissance qui engagent à poursuivre et contribuent à la pérennité d’un ordre démocratique en ses routines.

La section thématique se veut profondément exploratoire puisque les travaux la concernant demeurent, à l’heure actuelle, éparpillés et somme toute rares. Elle espère être un jalon dans le travail d’approfondissement de ce qui, concrètement, fait de la démocratie électorale un espace social à nul autre pareil.

 

While the ‘crisis of democracy’ (the difficulty of finding assessors is yet another example) is constantly being examined, at the risk of becoming a category in itself, the aim is to take a look at part of the ‘democratic plumbing’ without which electoral ‘breathing space’ would not be possible. Exploring the work of the ‘small hands of democracy’ invites us to look as much at the backyard of a concrete space of suffrage (the polling station), whose routinisation obscures the chain of the institution that guarantees its existence, as at documenting what we forget a little too easily: no political order can stand without a range of investments and skills that authenticate its validity. The division of labour from the production of circulars to the setting up of the polling station, the assumption of roles by agents who are required to make election engineering work to the best of their ability, the acquisition and development of technical knowledge that is also based on a belief in the « democratic good » (the aim is to be as good at the election as when the actors take to the stage)… : following on from Romain Bertrand and his colleagues’ proposal (Cultures of Voting. The Hidden History of the Secret Ballot, 2006), it is hoped that the papers will open up new avenues and provide a wealth of food for thought in order to give a little more substance to what makes up ‘the day of a scrutineer’.

The thematic section aims to bring together original contributions dealing with a variety of situations (comparative analyses, localised analyses), empirically supported, with varied theoretical and methodological perspectives (ethnography, statistical approaches, socio-history, etc.). Its aim is to contribute to a reflection on the materiality of elections, which should not be confused with their mere technicality. Indeed, anyone who has ever worked in a local authority elections department or manned a polling station will know that the prior organisation required to ensure that the ‘electoral moment’ is impeccable is as much a matter of ‘orchestration without a conductor’, to paraphrase Pierre Bourdieu, given the large number of roles involved, as it is of what our ‘participatory democracy’ remains: a ‘democracy on the edge’. By the same token, we suggest that priority be given to examining how electoral democracy is held together by the procedures and instruments (an investigation into the use of electoral codes would be welcome, to say the least) designed to compensate for its fragility, betting, among other things, on the imperatives of certifying results – think here of the role of electoral observers or the renewal of methods of contestation with the emergence of voting machines. If we start from the obvious premise that, just like the creation of a work of art, which Howard Becker has shown to be the result of all kinds of activities and interactions, voting is an individual act produced collectively, then we can admit that there is much to be said for the privileged observatory that is the ‘democratic plumbing’, to go back over what the little theatre of elections has to say: the moral and social investments that go into it, the minimal rewards that come with ‘a job well done’, the forms of recognition that encourage people to carry on and contribute to the durability of a democratic order in its routines.

This thematic section is intended to be deeply exploratory, since the work in this area is currently scattered and, on the whole, rare. It hopes to be a milestone in the work of exploring in greater depth what, in concrete terms, makes electoral democracy a social space like no other.

 

[1]Près de 84 % des inscrits ont voté au moins à une reprise au cours de la séquence des présidentielles/législatives de 2022.

Session 1

Introduction : Laurent Le Gall (Université de Brest, CRBC) et Sébastien Vignon (Université de Picardie Jules-Verne, CURAPP-ESS)

Christophe Voilliot (Université Paris-Nanterre, Sophiapol (EA 3932), Les aléas de la distribution des bulletins de vote dans les élections locales en France (XIXe – XXe siècles)

Laurent Le Gall (Université de Brest, CRBC) et Sébastien Vignon (Université de Picardie Jules-Verne, CURAPP-ESS), Les ‘petites mains’ des bureaux de vote. Sociographie des assesseurs aux élections du printemps 2022 dans deux villes françaises

Audrey Freyermuth (Sciences Po Aix, MESOPOLHIS), Former des ‘’assesseurs vigilants’’. ‘’Novices’’ et professionnels de la politique dans la lutte contre la fraude électorale lors des élections municipales à Marseille en 2020

Session 2

Armande Koffi-Kra (Université de Laval), Organiser les élections dans le cadre d’une mission de paix des Nations Unies : contexte d’intervention et opérationnalisation en période de crise

Amine Ben Mami (Mesopolhis, IREMAM, Centre Maurice Halbwachs), Des recettes néolibérales pour le processus électoral ? Instance indépendante et professionnalisation des observateurs au service d’une « dépolitisation » des élections en Tunisie post-2011

Clément Desrumaux (Université Lyon 2, Triangle) et Alioscha Massein (MSH Lyon Saint-Etienne), « Observateur c’est pas un métier. Sauf que tout le monde considère que ça l’est ». Devenir professionnels dans les missions d’observation électorale

BEN MAMI Amine r-amine.benmami@hotmail.fr

DESRUMAUX Clément Clement.Desrumaux@univ-lyon2.fr

FREYERMUTH Audrey audrey.freyermuth@hotmail.fr

KOFFI-KRA Armande armandekra@gmail.com

LE GALL Laurent llegall2@univ-brest.fr

MASSEIN Alioscha  alioscha.massein@msh-lse.fr

VIGNON Sébastien sebastien.vignon@u-picardie.fr

VOILLIOT Christophe voilliot@parisnanterre.fr