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La France est-elle encore une démocratie ? Déconsolidation et renouveau démocratiques

Is France Still a Democracy ? Deconsolidation and Democratic Renewal

Responsables scientifiques :

Frédéric Gonthier (Sciences Po Grenoble Université Grenoble Alpes, PACTE-CNRS) frederic.gonthier@iepg.fr
Angela Tacea (Sciences Po Grenoble Université Grenoble Alpes, PACTE-CNRS) angela.tacea@iepg.fr

La thématique de la crise de la représentation est presque aussi vieille que la démocratie représentative elle-même. Cette semi-plénière vise à faire dialoguer la thèse actuellement dominante de la déconsolidation démocratique avec des thèses concurrentes et critiques. Il s’agit ainsi de s’appuyer sur le décalage grandissant entre ce qu’un régime politique peut offrir et ce à quoi des citoyens peuvent aspirer pour réouvrir la question de la variété des modèles démocratiques possibles

La question de la crise de la représentation est presque aussi vieille que la démocratie représentative elle-même. Si cette question émerge régulièrement dans le débat académique à la faveur des pics de conflictualité sociale ou des constats alarmistes sur l’érosion de la confiance politique, elle a actuellement pris une acuité particulière. A telle enseigne que parallèlement à la mise en place de démocraties illibérales, les thèses anticipant la disparition de la démocratie se sont multipliées ces dix dernières années, sous des étiquettes aussi flottantes que celles de la ‘déconsolidation’, de la ‘récession’ ou du ‘recul’ (backsliding) démocratiques

Ces thèses ont été critiquées, de même que l’argument sous-jacent selon lequel le recul de la démocratie serait d’abord imputable à un recul du soutien aux principes démocratiques, visible par exemple dans le désengagement grandissant des citoyens de la vie politique conventionnelle (abstention, recul des identifications partisanes, montée des identités politiques négatives…) ou dans la poussée des valeurs conservatrices, notamment parmi certaines fractions de la jeunesse. Des diagnostics alternatifs se sont ainsi faits entendre, mettant davantage l’accent sur la moindre qualité de l’offre politique et la faible capacité des élites à répondre aux aspirations démocratiques, ou encore sur les possibles défaillances des institutions en termes de compétence, d’intégrité ou d’impartialité. Le soutien parfois fort à des modèles démocratiques donnant plus de pouvoir de décision au peuple, aux experts ou aux leaders forts, se nourrirait de ces défaillances.

Qu’en est-il en France aujourd’hui ? Les données comparatives livrent un éclairage nuancé. D’un côté, la France reste bien placée dans les palmarès internationaux sur la qualité de la gouvernance démocratique. Et selon les enquêtes d’opinion, comparativement au reste de l’Europe continentale, l’attachement des Françaises et des Français aux grands principes de la démocratie libérale demeure solide, au même titre que l’importance accordée à la démocratie sociale.

Mais d’un autre côté, des facteurs comme la montée de la participation politique intermittente, la défiance croissante vis-à-vis des institutions politiques, la percée de la droite radicale et plus largement des partis challengers qui se positionnent en entrepreneurs sur la question de la réforme des institutions, semblent attester d’une profonde crise du modèle démocratique, si ce n’est de l’émergence d’un enjeu démocratique dans la compétition politique. Mieux, les palmarès internationaux montrent une France plutôt en retrait sur les dimensions participatives et délibératives de la démocratie. Ce que corroborent tout à la fois les littératures spécialisées sur la centralité du renouveau démocratique dans les revendications des mouvements sociaux récents ; sur la neutralisation des effets décisionnels qui accompagne l’institutionnalisation des dispositifs participatifs ; sur le rapport instrumental teinté de résistance qu’entretiennent les élites aux innovations démocratiques ; ainsi que sur les freins constitutionnels plus spécifiques à la France et qui se lisent typiquement dans les usages autoritaires des outils du parlementarisme rationalisé.

Cette semi-plénière vise à réaliser un état des lieux de la ‘crise de la démocratie représentative’ en France, en faisant dialoguer la thèse de la déconsolidation démocratique avec des thèses concurrentes et critiques. Au-delà, la semi-plénière a pour objectif de mieux comprendre comment le hiatus grandissant entre ce à quoi des citoyens aspirent et ce qu’un régime politique peut leur offrir ravive les tensions principielles entre souveraineté politique, représentation et libéralisme politique, et comment ce hiatus contribue à réouvrir la stimulante question de la variété des modèles démocratiques possibles.

 

The issue of the crisis of representation is nearly as old as representative democracy itself. While this issue regularly surfaces in academic debates, particularly during peaks of social conflict or during alarmist discussions about the erosion of political trust, it has currently gained increased attention. This becomes evident in the simultaneous rise of illiberal democracies and the proliferation of theses predicting the demise of democracy, phenomenon often labeled with changing terms such as ‘deconsolidation,’ ‘recession,’ or ‘democratic backsliding.’

These theses have not been without critique, along with the underlying argument attributing the decline of democracy to a diminishing support for democratic principles. The latter is observable in the growing disengagement of citizens from conventional politics (e.g. low turnout or abstention, declining party affiliations, and the rise of negative political identities), or the surge in conservative values, particularly among certain segments of the youth. Alternative analyses have emerged, placing a stronger emphasis on the subpar quality of political offerings and the inadequate responsiveness of elites to democratic aspirations. Scholars also focus on potential shortcomings within institutions in terms of competence, integrity, or impartiality. The support for democratic models that grant more decision-making power to the people, experts, or strong leaders is seen as stemming from these identified deficiencies.

What is the current situation in France? Comparative data offer a nuanced perspective. On one hand, France maintains a favorable position in international rankings assessing the quality of democratic governance. Opinion surveys suggest that, in comparison to the rest of the continental Europe, the attachment of French citizens to the core principles of liberal democracy remains robust, as does the importance placed on social democracy.

Conversely, factors such as the rise of intermittent political participation, growing distrust in political institutions, the rise of the radical right, and the emergence of challenger parties positioning themselves as entrepreneurs advocating for institutional reform, all seem to signify a profound crisis within the democratic model, of not an outright emergence of a democratic issue in the realm of political competition. Moreover, international rankings indicate that France is somewhat lagging behind in terms of the participatory and deliberative democracy. This observation is supported by specialized literature highlighting the centrality of democratic renewal in recent social movements, the neutralization of decision-making effects accompanying the institutionalization of participatory mechanisms, the instrumental and resistant relationship that elites have with democratic innovations, and constitutional constraints unique to France, often manifested in the authoritarian use of tools of rationalized parliamentary systems.

This semi-plenary session aims to present an overview of the ‘crisis of representative democracy’ in France, engaging in dialogue with the thesis of democratic deconsolidation, along with other competing and critical theses. Beyond this, the semi-plenary session seeks to gain a deeper understanding of how the growing gap between citizens’ aspirations and what a political regime can deliver rekindles fundamental tensions between political sovereignty, representation, and political liberalism. Additionally, it explores how this gap contributes to the reopening of the stimulating question regarding the variety of possible democratic models.

Camille Bedock (CNRS au Centre Emile Durkheim, Sciences Po Grenoble)
Thème de l’intervention : innovations démocratiques/réformes institutionnelles et opinion politique.

Loïc Blondiaux (Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Centre européen de sociologie et de science politique)
Thème de l’intervention : démocratie participative et résistances institutionnelles

Nonna Mayer (CNRS, Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po)
Thème de l’intervention : mouvements sociaux et opinion publique.

Kalypso Nicolaïdis (à confirmer) (Chair in Global Affairs, School of Transnational Governance, EUI)
Thème de l’intervention : mise en perspective du cas français à partir de l’échelle de gouvernance européenne

Eric Thiers (CEVIPOF, Sciences Po)
Thème de l’intervention : citoyenneté, théorie de la démocratie et représentation politique.

Pierre-Etienne Vandamme (Université de Louvain-KU Leuven)
Thème de l’intervention : théorie démocratique, innovations démocratiques et justice sociale.

BEDOCK Camille c.bedock@sciencespobordeaux.fr

BLONDIAUX Loïc blondiauxloic@gmail.com

GONTHIER Frédéric frederic.gonthier@iepg.fr

MAYER Nonna nonna.mayer@sciencespo.fr

NICOLAÏDIS Kalypso Kalypso.Nicolaidis@eui.eu

TACEA Angela angela.tacea@iepg.fr

THIERS Eric eric.thiers@elysee.fr

VANDAMME Pierre-Etienne pierre-etienne.vandamme@uclouvain.be