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SG 12

La portée heuristique du non-accès au terrain : créativités méthodologiques et renouveaux théoriques 

The heuristic potential of restricted access to the field: methodological creativity and theoretical renewal

Section du Groupe de recherche (Non) accès au terrain (NATER)

Responsables scientifiques :

Ekaterina Gloriozova (Université libre de Bruxelles / CEVIPOL) Ekatarina.Gloriozova@ulb.be
Sahar Aurore Saeidnia (Ifpo Beyrouth) s.saeidnia@ifporient.org

 

Diverses sont les raisons pour lesquelles les chercheurs.euses sont confrontées au non-accès au terrain. La recherche de longue durée sur un terrain implique souvent des expériences d’ouverture et fermeture des accès, qui sont toujours à ressaisir dans une granularité fine. L’enquête dans des contextes dits sensibles exige, quant à elle, de renégocier régulièrement la place du chercheur.euse sur le terrain ainsi que, plus largement, les termes de la relation d’enquête (Bensa & Fassin, 2008).

Notre section de groupe vise à explorer la manière dont ces diverses contraintes d’accès au terrain (bureaucratiques, éthiques, sécuritaires, politiques, etc.) peuvent amener les chercheurs.euses à redéfinir leur objet de recherche, à étudier des aspects de cet objet jusqu’à-là ignorés, à faire preuve de créativité méthodologique ou encore à faire émerger de nouveaux concepts adaptés qui répondent à ces contraintes. Nous proposons de discuter collectivement de ces difficultés et du recadrage de l’enquête qu’elles impliquent. La connaissance antérieure des terrains permet par exemple de prolonger l’analyse en multipliant les lieux d’observation. De même, les formations sur l’enquête « en ligne » (ethnographie digitale, entretiens en lignes, web scrapping), les séminaires sur les lieux de l’enquête « à distance » (tel l’ERC OFF-SITE dirigé par Chowra Makaremi) ou encore les ateliers sur l’articulation des pratiques artistiques et scientifiques sont autant de pistes investies par les chercheurs confrontés à ces entraves d’accès (Tunçalp & Lê, 2014 ; Pastinelli, 2011).

À partir de terrains variés investis par de jeunes chercheur.es, cette session se centrera sur les effets des contextes de fermeture de terrain due à des situations de conflit armé, de rupture démocratique ou de crises politiques sur la conduite de la recherche. En plus des réajustements méthodologiques et théoriques, ces situations perturbent la temporalité de la recherche qui obéit souvent à des contraintes strictes de calendrier. Ces difficultés sont amplifiées en l’absence de poste permanent, lorsque les contrats et carrières dépendent de l’achèvement d’une recherche (post-)doctorale dans un laps de temps imparti. Par ailleurs, cette session sera attentive aux bouleversements émotionnels (tristesse, sidération, sentiment d’impuissance, abattement) vécus par les chercheur.es face aux ruptures politiques qui affectent leurs terrains et dont les effets sur la recherche sont encore peu étudiés. Enfin, la réflexion portera sur les nouvelles questions éthiques qui transforment le rapport au terrain et son accès. Ces composantes du non-accès au terrain seront abordées moins comme des obstacles de plus à contourner que comme des éléments centraux qui guident, façonnent voire renouvellent la méthodologie de l’enquête, l’objet de la recherche et les questions posées.

 

Researchers face challenges related to restricted access to the field for many reasons. Long-term fieldwork often involves experiences of access being both granted and denied, necessitating a nuanced understanding Engaging in research within so-called sensitive contexts requires regular renegotiation of the researcher’s position within the field and, more broadly, of the fieldwork relationship (Bensa & Fassin, 2008). 

This session aims to explore how the various constraints on field access (including bureaucratic, ethical, financial, security, political, etc.) prompt researchers to redefine their research object. It leads to the study of previously overlooked aspects, methodological creativity or the construction of new conceptual frameworks. We intend to collectively discuss these challenges and how they reframe the research endeavors. For example, prior knowledge of the field enables expanding the analysis by exploring multiple observation site. Moreover, researchers confronted with these challenges have explored avenues such as training programs on « online » research (digital ethnography, online interviews, web scraping), sessions on « remote » research sites (like the ERC OFF-SITE directed by Chowra Makaremi), or workshops integrating artistic and scientific practices (Tunçalp & Lê, 2014; Pastinelli, 2011).

Drawing on a variety of fieldworks carried out by emerging researchers, this session will focus on the effects of field closure resulting from armed conflicts, democratic breakdowns, or political crises. Beyond methodological and theoretical adjustments, these situations disrupt the research schedules, particularly when contractual obligations and career prospects hinge on completing (post)doctoral research within specific timelines.  Additionally, this session will highlight the emotional upheavals (sadness, dismay, feelings of powerlessness, or despondency) experienced by researchers in the face of political crises impacting their fields, an aspect that has received limited study regarding its effects on research. Finally, we will look at the new ethical issues that are transforming researchers’ relationships with their fields. Rather than being perceived as additional obstacles, these issues will be approached as central considerations shaping and revitalizing research objectives, inquiries, and methodologies.

 

REFERENCES

Bensa A. & Fassin D. (dir.), 2008, Les politiques de l’enquête. Épreuves ethnographiques, Paris, La Découverte

Pastinelli M. (2011), « Pour en finir avec l’ethnographie du virtuel ! Des enjeux méthodologiques de l’enquête de terrain en ligne », Anthropologie et Sociétés, 35/1-2, 35–52.

Tunçalp, D. & Lê, L. P. (2014), « (Re)Locating boundaries: a systematic review of online ethnography », Journal of Organizational Ethnography, 3/1, 59-79.

Présidentes et discutantes de séance :
Laura Ruiz de Elvira et Sahar Aurore Saeidnia

Juliette Duclos-Valois (EHESS-CéSor /ANR IMAGIN-E, CETOBaC), Terrain sans frontières et organisation mondiale du terrain

Anne Glyants (ENS de Lyon, Centre Max Weber), L’approche interprétative en terrains difficiles: retours sur les expériences d’enquête en Russie avant et après le 24.02.2022

Clément Deshayes (IRD, Prodig), Répression, révolution, covid et guerre civile au Soudan (2019-2023). Comment adapter les pratiques et temporalités individuelles et collectives de recherche face à l’enchaînement des fermetures/ouvertures d’un terrain ?

DESHAYES Clément deshayes.clement@gmail.com

DUCLOIS-VALOIS Juliette juliette.duclos@ehess.fr

GLYANTS Anna anna.aparte@gmail.com

RUIZ DE ELVIRA Laura laura.ruiz-de-elvira@ird.fr

SAEIDNIA Sahar Aurore s.saeidnia@ifporient.org

GLORIOZOVA Ekaterina  Ekatarina.Gloriozova@ulb.be