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ST02

Quelle ethnographie pour quelle science politique ?

How Ethnography and Political Science overlap? Methodological and Epistemological Issues of Political Ethnography

Section thématique présentée par le groupe de projet EthnoPol de l’Association Française de Science Politique

Responsables scientifiques
Martina Avanza (Crapul, Université de Lausanne) martina.avanza@unil.ch
Sarah Mazouz (INED) sarah.mazouz@ined.fr
Romain Pudal (CURAPP-ESS, CNRS) romain.pudal@free.fr

Comme groupe de projet de l’AFSP, EthnoPol a pour ambition de construire un espace de réflexions partagées sur la méthode ethnographique. Comment la définir ? Quel type de preuve apporte-t-elle ? Quelles montées en généralité autorise-t-elle et à quelles conditions ? Quelle épistémologie implique-t-elle ? Quels apports empiriques et théoriques en attendre pour la science politique ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles nous nous sommes attelé.e.s dans le cadre de ce groupe.
L’ambition de ce panel est par conséquent d’interroger les apports spécifiques de l’ethnographie à la science politique. Les communications retenues devront indiquer de façon détaillée la méthode d’enquête adoptée et ses conditions précises de réalisation. En effet, nombre de travaux se réclamant de l’ethnographie restent beaucoup trop flous sur ces aspects du travail qui dépassent de loin de « simples » problèmes méthodologiques. Or, l’un des objectifs de ce panel est de réfléchir collectivement aux critères permettant de parler ou non d’ethnographie afin de montrer ce qu’a de spécifique cette méthode d’enquête par rapport aux enquêtes de terrain « plus classiques ». L’enjeu est ainsi d’estimer la plus value empirique et/ou théorique de l’ethnographie. Sans vouloir édicter des règles de l’enquête ethnographique, il nous apparaît important, au terme des deux années d’existence d’EthnoPol, d’élaborer une réflexion circonstanciée et collective sur cette question.
Les communications attendues dans le cadre du Groupe de projet EthnoPol pour le congrès de l’AFSP 2017 devront donc s’attacher à montrer comment l’enquête ethnographique a permis de renouveler la compréhension d’objets canoniques de la science politique – parti, militantisme, politisation, opinion, idéologie, populisme, droitisation, radicalisation, citoyenneté, état, représentation politique, nationalisme…–En indiquant précisément comment l’enquête a été menée, selon quelles modalités empiriques, les intervenant-e-s retenu-e-s devront aussi s’attacher à clarifier les apports de l’ethnographie à la discipline. Chaque communication partira donc de l’enquête ethnographique menée par l’auteur et présentera clairement les choix méthodologiques faits, mais ne s’y résumera pas, le but étant de remettre chaque enquête dans le contexte plus vaste des débats disciplinaires.
La double section thématique sera constituée de deux parties.
La première partie sera consacrée, classiquement, aux communications et à leur discussion de la part de discutant-e-s attitré-e-s et de l’assistance en général. Le format standardisé demandé dans l’appel à communications (chacun doit se centrer sur un objet, spécifier comment il l’a abordé ethnographiquement, remettre ses conclusions dans les débats disciplinaires) devrait faciliter les échanges, y compris entre spécialistes de sous-champs différents.
La deuxième partie, moins longue, sera consacrée à l’enjeu de définition de l’ethnographie politique. Animée par les trois coordinateurs d’EthnoPol avec la participation de l’ensemble des communicant-e-s, il s’agira, pour être en phase avec l’épistémologie de l’ethnographie, d’adopter une démarche inductive : au lieu de prédéfinir ce qu’est une enquête en ethnographie politique, il s’agira de faire un bilan des pratiques de chaque intervenant à la ST thématique. Pouvons-nous trouver des critères partagés qui définiraient ce qu’est l’ethnographie en science politique à partir de sa pratique effective ? Si une telle convergence se révélait impossible : quels sont les clivages observables ? Voire les conflits de définition ? Que nous disent-ils de la pratique ethnographique en science politique ?

How to define ethnography? What kind of proof does it provide us with? How and in which conditions does the use of this method allow the results to be generalized? What kind of epistemology does it entail? What are the empirical and theoretical inputs that this method could bring to political science? These are the issues that the AFSP Project Group EthnoPol considers as central.
Thus, in this panel, we would like to address ethnography as a practice and as an epistemology. It is to have a collective discussion and reflection on it as a method for political science.
This panel welcomes, therefore, papers that precisely examine the conditions in which their grounding-fieldwork has been lead. We are extremely interested in papers that analyze the methodological choices that have been taken during the fieldwork. We also invite proposals of contribution to show how ethnography helped them to renew the analysis of classical topics in political science such as political parties, activism, politicization, radicalization, citizenship, state, political representation or nationalism. In order to examine collectively the defining criteria of ethnography and show its specificities when compared with other kinds of qualitative inquiries, the participants should put their presented research in perspective with the key debates in political science.
The panel will be organized as follows:
The first session will be dedicated to the presentations and their discussion. In order to make the discussion easier, we kindly ask the participants:
• First, to focus on one topic and show how the ethnographical fieldwork has been carried out.
• Then, to highlight the methodological choices
• Eventually, to explore the epistemological issues, raised by the presented research in relation with the debates that take place in political science.
The second session will deal with the definition of political ethnography. The discussion will draw on the experience of each panelist. We will thus lean on an inductive approach to figure out whether there are shared criteria that allow us to define ethnography in political science. We also would like to consider the possible divisions and even the forms of dissensions about the definition of this approach as a meaningful way to grasp what ethnographical practice is in political science.

REFERENCES

Auyero Javier, Joseph Lauren et Mahler Matthew (dir.), New Perspectives in Political Ethnography, New York, Springer, 2007.
Avanza Martina, « Comment faire de l’ethnographie quand on n’aime pas ses indigènes ? Une enquête au sein d’un mouvement xénophobe », in Didier Fassin et Alban Bensa (dir.), Les Politiques de l’enquête, Paris, La Découverte, 2008, pp. 41-58.
Beaud Stéphane, Weber Florence, Guide de l’enquête de terrain. Paris, La Découverte, 2003.
Bouron Samuel, Drouard Maïa (dir.), « Les beaux quartiers de l’extrême droite », Agone, n° 54, 2014.
Braconnier Céline, « Ce que le terrain peut faire à l’analyse des votes », Politix, n. 4, 2012, p. 99-112.
Braconnier Céline, Une autre sociologie du vote. Les électeurs dans leurs contextes : bilan critique et perspectives, LEJEP, Lextenso-Editions, 2010, préface de Patrick Lehingue.
Cefaï Daniel (dir.), L’Enquête de terrain, Paris, La Découverte, 2003.
Critique Internationale, dossier « Anthropologie des organisations internationales », n.° 54, 2012.
Dubois Vincent, « Ethnographier l’action publique. Les transformations de l’Etat social au prisme de l’enquête de terrain », Gouvernement et action publique, n.1, 2012, pp. 83-101.
Fassin Didier, Bensa Alban (dir.), Les Politiques de l’enquête. Épreuves ethnographiques, Paris, La Découverte, 2008.
Hamidi Camille, « L’ethnicité en politique. Eléments sur le rapport au politique des jeunes issus de l’immigration dans les quartiers populaires », in Sophie Béroud, Boris Gobille, et al. (dir.) Engagements, rébellions et genre dans les quartiers populaires en Europe (1968-2005), Paris, Archives contemporaines, 2011.
Hauchecorne Mathieu “Faire du Terrain en pensée politique”, Politix, n°100, 2012, p. p. 149-165.
Hauchecorne Mathieu, Bélorgey Nicolas, Chateigner Frédéric, Pénissat Étienne, dossier “Théories en milieu militant”, Sociétés contemporaines, n° 81, 2011.
Mariot Nicolas, « Pourquoi il n’existe pas d’ethnographie de la citoyenneté ? », Politix, n° 23, 2010, p. 161-188.
Mazouz Sarah, « Faire des différences. Ce que l’ethnographie nous apprend sur l’articulation des modes pluriels d’assignation », Raisons politiques, n° 58, 2015, p. 75-89.
Neveu Catherine, « ‘‘E pur si muove ! ’’ Ou comment saisir empiriquement les processus de citoyenneté », Politix, n° 103, 2013, p. 205-222.
Politix, dossier « Ancrages politiques », n° 92, 2010.
Pudal Romain, « “La politique à la caserne” » Approche ethnographique des rapports à la politique en milieu pompier », Revue française de science politique, 2011/5 Vol. 61, p. 917-944.
Pudal Romain, Retour de flammes, Paris, La Découverte, 2016.
Revue internationale de politique comparée, dossier « Enquêter dans les partis politiques », n. 4, 2010.
Schatz Edward (dir.), Political Ethnography : What Immersion Contributes to the Study of Power, Chicago, CUP, 2009.
Siméant Johanna, « Localiser le terrain de l’international », Politix, n.° 100, 2012, p. 149-165.
Collectif SPEL (dir.), Les Sens du vote. Une enquête sociologique (France, 2011-2014), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2016.
Tilly Charles, « Political Ethnography as Art and Science », Qualitative Sociology, n° 29, 2006, p. 409–412

SESSION 1

Martina Avanza (Crapul, Université de Lausanne), Sarah Mazouz (INED), Romain Pudal (CURAPP-ESS, CNRS), Introduction

Doris Buu Sao (IEP de Paris, CERI), Travail, famille, ethnie. La pluralité des motifs d’engagement au prisme du quotidien extra-protestataire.

Marie Laure Geoffray (IHEAL –Paris 3), Les enjeux de l’ethnographie politique en contexte autoritaire

Choukri Hmed (Université Paris Dauphine-IRISSO), Pourquoi et comment ethnographier une crise politique ? Leçons tunisiennes à propos d’un oxymoron

Adèle Momméja (Université Paris Ouest Nanterre La Défense-Sophiapol), Les apports de l’ethnographie dans l’analyse des carrières militantes. L’exemple des anciens participants aux mobilisations des enfants d’immigrés au début des années 1980

Christelle Gris (CESSP-Paris 1), Dépasser des impensés théoriques à partir d’une enquête ethnographique. Le cas du soutien des conjointes d’élus à la carrière élective

Yasmine Bouagga (CNRS, Triangle), Romain Lecler (ENS), Yohann Morival (CSO), Ethnographier l’international par ses professionnels

Discutant.e.s :
Martina Avanza (Crapul, Université de Lausanne), Sarah Mazouz (INED), Romain Pudal (CURAPP-ESS, CNRS)

SESSION 2

Eric Darras (LASSP-IEP de Toulouse), L’ethnographie des relations professionnels de la politique-professionnels de l’information en perspective

Catherine Neveu (IIAC, CNRS-EHESS), Ethnographie ou anthropologie de la citoyenneté ? Une contribution « indisciplinée » à un débat disciplinaire

Jean-Marie Pillon (Université Paris-Dauphine-IRISSO) et Luc Sigalo Santos (Université Paris 8 – Saint-Denis CRESPPA), De l’ANPE à Pôle emploi. Comment l’ethnographie permet d’analyser l’État en Recomposition.

Vincent Dubois (Université de Strasbourg-IEP SAGE), L’ethnographe et l’action publique

Discutant.e :
Dvora Yanow (Professor, Wageningen University)

Doris Buu Sao (IEP de Paris, CERI

Travail, famille, ethnie. La pluralité des motifs d’engagement à la lumière du quotidien extra-protestataire
Face aux mobilisations qui mettent en scène l’opposition de populations dites « indigènes » à des projets d’extraction des ressources naturelles en Amérique latine, bien des analyses laissent dans l’ombre ce qui se joue localement – comme s’il allait de soi que les populations représentées par les leaders « indigènes » rejoignent ces mobilisations. À rebours des approches surplombantes, la démarche ethnographique, mise en œuvre aux abords d’une concession pétrolière de l’Amazonie péruvienne, éclaire le caractère pluriel et contradictoire des motifs de participation aux mobilisations. Ils s’ancrent dans des sociabilités quotidiennes, des pratiques « trop banales » voire illégitimes qui sont occultées sur la scène protestataire. Ces motifs se nourrissent, d’une part, de l’aspiration des habitants à accéder à l’emploi sur le site industriel et à leur identification croissante à la catégorie hybride de « travailleurs indigènes ». D’autre part, le soutien variable à l’entreprise contestataire prend appui dans une politique factionnelle faite de relations de parenté, de rapports différenciés à la religion évangélique et de tensions interethniques. Ces dynamiques contreviennent aux discours contestataires ; elles permettent pourtant de saisir les mécanismes d’engagement et leurs effets sur les formes de l’action contestataire. Elles invitent finalement à penser ensemble les pratiques protestataires, l’ancrage local du rapport au politique et les modalités de production du consentement.

Labour, family, ethnicity. The plurality of commitment’s motives in light of extra-protest daily life
When dealing with mobilizations that enact “indigenous” populations’ opposition to projects of natural resources’ extraction in Latin America, analysts seldom consider what happens locally – as if it was obvious that the populations represented by “indigenous” leaders should join these mobilizations. In contrast, an ethnographic approach, applied to the surroundings of an oil concession in Peruvian Amazon, sheds light on the plural and contradictory dimension of motives to participate in mobilizations. These motives embed in daily sociabilities, in “too banal” and sometimes illegitimate practices therefore concealed on the scene of protest. On the one hand, these motivations are influenced by inhabitants’ aspiration to work in the industrial installations and to their growing identification to the hybrid category of “indigenous workers”. On the other hand, the uneven support to the critique enterprise of the indigenous organisation is linked to factional politics made of kinship, differentiated attitudes to evangelical religion, and of interethnic tensions. These dynamics contravene protest discourses; but they help us grasp the mechanisms of commitment and their effects on the forms of protest. Finally, they invite us to think together protest practices, local embedment of relations to politics and modalities of consent production.

Marie Laure Geoffray (IHEAL –Paris 3)

Les enjeux de l’ethnographie politique en contexte autoritaire
Je propose dans cette communication de revenir sur les enquêtes ethnographiques de terrain effectuées à Cuba sur la contestation pendant ma thèse de doctorat (2015-2010) et mon post-doctorat (2010-2012) avec deux objectifs.
Tout d’abord, il s’agira d’interroger les apports et les limites de la méthode ethnographique pour étudier la contestation en contexte autoritaire. L’enquête ethnographique peut s’avérer particulièrement fructueuse dans ces contextes, car elle donne accès à des pratiques plus informelles et routinières de contestation et permet de saisir l’existence de formes de superposition et d’enchevêtrement entre pratiques de conformité (sociale/politique) et de contestation, donc de sortir d’une étude binaire qui réifierait un Etat répressif d’un côté et une « société civile » vertueuse de l’autre. Mais ce type d’enquête n’est pas sans limites. D’une part, il n’est pas toujours possible de conduire une enquête en immersion sur la longue durée (contexte autoritaire, problèmes de visas et d’autorisation) et les temporalités de l’enquête ne correspondent pas toujours aux temporalités de la contestation (terrain lointain, contraintes du quotidien de l’enquêtrice). D’autre part, enquêter avec une méthode ethnographique peut conduire à surévaluer la contrainte politique pour une enquêtrice socialisée dans un contexte démocratique (enquête par dépaysement – nécessité d’une réflexivité pratiquée dans un cadre collectif ?) et pose la question de la montée en généralité à partir de la production d’un savoir fortement situé. Enfin, ce type d’enquête est coûteux en termes émotionnels (sentiment de peur et de paranoïa) et pose des questions éthiques de manière particulièrement vive (protection des sources, rapport à des enquêté.e.s soumis à des menaces, à de la répression ou à des arrestations arbitraires).
Dans une seconde partie, nous nous interrogerons sur ce qui est politique dans l’ethnographie politique. Pour Edward Schatz (2009), il s’agit d’une approche méthodologique différente de l’exercice du pouvoir. Le politique dans l’ethnographie serait donc son objet ? Parler d’ethnographie politique ne revient-il donc pas à importer les modalités du débat anglo-saxon (autour de la légitimité de la méthode pour étudier le politique) dans un débat français posé de manière relativement distincte ? La légitimité de la méthode est acquise, en revanche l’enjeu est d’une part de stabiliser une définition relativement stricte et largement partagée de la méthode (ou bien accepte-t-on de parler d’ethnographieS ?), et d’autre part de discuter la frontière entre une anthropologie politique et une science politique de plus en plus proches par leurs pratiques méthodologiques sans pour autant toujours partager les mêmes références, débats et questionnements théoriques et épistémologiques.

What is at stake when doing political ethnography in an authoritarian context ?
In this presentation, I will reflect on some elements of the ethnographic fieldworks I conducted while doing my PhD and post-doctoral research on protest in Cuba. My objective is two-fold.
I will first discuss the relevance as well as the limits of an ethnographic fieldwork to study protest in an authoritarian context. Such a type of fieldwork is indeed especially fruitful in those contexts, as it gives access to more informal and routine contention practices and gives insights into the dynamics of entanglement of (social and political) conformity on the one hand and protest on the other hand. It thus allows us to go beyond a binary analysis, which would reify both the state, considered only as far as its repressive activities, and protesters, seen as part of a necessarily virtuous civil society. But there are limits to ethnographic fieldwork. First, it is not always possible to remain on the field for long periods of time (due to visa and authorization problems) and the temporality of fieldwork does not always coincide with the temporality of protest. Secondly, working with an ethnographic take at fieldwork can lead the researcher, who was socialized to the political norms of a democratic context, to overestimate the weight of political constraints (which enhances the need for a collective framework in which to develop reflexivity) and questions the possibility to generalize when the knowledge produced is strongly situated. Finally, this type of fieldwork is costly in terms of emotion (fear and paranoia) and makes it especially important to deal with ethical issues (source protection, interviewees submitted to threats, repression and arbitrary arrests).
I will then reflect on what is political in political ethnography. For Edward Schatz (2009), it means looking in a different way at how power is exercised. Doing political ethnography thus means doing ethnography of politics, making politics the object of study of the ethnographer. This is an Anglo-Saxon way of framing the debate, since it deals with the question of legitimacy of the ethnographic method in political science. Should we import such a framing since the issue is framed in a different way in France, where ethnography as a method has been thoroughly embraced in the field of political science, and where the problem lies more with the necessity to craft a rigorous but largely shared definition of ethnography, in order to stabilize its uses (or should we accept a plural definition of the method and talk about ethnographieS)? What about the frontiers between political anthropology and ethnographic political science since they now share methods without always sharing references, debates and theoretical and epistemological questionings?

Choukri Hmed (Université Paris Dauphine-IRISSO)

Pourquoi et comment ethnographier une crise politique ? Leçons tunisiennes à propos d’un oxymoron (2011-2016)
Si la sociologie des révolutions reste encore peu institutionnalisée en France au profit des approches historiques et économiques, l’ethnographie des phénomènes révolutionnaires reste quant à elle encore à l’état de balbutiements. Le « printemps arabe » a offert de ce point de vue l’occasion de renouveler, à divers degrés, les modèles théoriques et les méthodes d’investigation de ce que les politistes francophones préfèrent appeler des « crises politiques ». A partir d’une enquête ethnographique menée de 2011 à 2016 une sur les situations et les issues révolutionnaires tunisiennes, auprès d’agents sociaux et de groupes occupant des positions différentes à la fois dans l’espace social et dans le processus politique et dans différentes régions de Tunisie, on souhaite revenir dans cette communication sur les profits, les coûts et les limites de l’entreprise quelque peu oxymorique d’observation des processus de crise politique.
On montrera que l’observation des crises politiques suppose de dépasser un certain nombre d’apories propres à la sociologie des mouvement sociaux d’un côté et à la sociologie des crises politiques de l’autre, et que la seule ethnographie ne suffit pas à y remédier. Il s’agit premièrement de ne pas se laisser piéger par l’enquête auprès des seuls alliés et de reconstituer, presque classiquement, « l’espace des points de vue », et notamment ceux des contre-révolutionnaires et des apathiques, en les ancrant dans la structure sociale plus large. Il importe, ensuite, d’être attentif à la dimension diachronique, en multipliant les entretiens et les observations avec des mêmes agents sociaux ou des mêmes collectifs à des moments différents, afin de mieux mesurer les effets mobilisateurs et démobilisateurs du contexte politique, social et économique, extrêmement fluctuant et générateur d’incertitude radicale. Enfin, on propose d’ancrer les propositions ethnographiques dans l’espace géographique : cette dimension, souvent oubliée des politistes, est centrale dans les phénomènes de désobjectivation des institutions mais également dans le processus de mobilisation contre le gouvernement et le pouvoir d’État.

Why and how doing ethnography of political crises? Insights from Tunisia (2011-2016)
In France, sociological and ethnographical approaches of revolutions has remained largely underdeveloped in favor of historical and economic perspectives. Yet the « Arab Spring » has offered scholars an opportunity to renew, to varying degrees, the theoretical models and methods of investigation of what francophone political scientists call « political crises. » Based on an ethnographic fieldwork carried out in Tunisia from 2011 to 2016 which aimed at exploring the revolutionary situations and outcomes by investigating individuals and groups who participated or not to protest events, the paper aims to underscore the profits, costs and limits of an ethnography of political crisis processes.
It will show that the observation of political crises requests to solve a certain number of aporias proper to the sociology of social movements on the one hand and the sociology of political crises on the other, and that ethnography alone is not suitable enough to remediate. First, the political scientist must not circumscribe the survey to his allies alone rather he has to reconstruct, almost classically, the « space of viewpoints », including those of counter-revolutionaries and apathetic people, by anchoring them in the wider social structure. Moreover, it is important to pay attention to the diachronic dimension of the process. Multiplying interviews and observations with the same individuals or the same groups at different times allows to better measure the mobilizing and demobilizing effects of the political, social and economic context, which is extremely fluctuating and generates radical uncertainty. Finally, the paper proposes to anchor ethnographic data within the geographical space: exploring this dimension, too often forgotten by political scientists, is crucial to understand institutions breakdown but also the mobilization process against government and state power.

Adèle Momméja (Université Paris Ouest Nanterre La Défense-Sophiapol)

Les apports de l’ethnographie dans l’analyse des carrières militantes. L’exemple des anciens participants aux marches de 1983 et 1984.
Cette communication met en évidence les apports de l’enquête ethnographique pour étudier les conséquences biographiques d’un mouvement social. À partir de l’exemple du devenir des anciens participants au mouvement social des jeunes d’origine immigrée au début des années 1980, nous montrons comment l’enquête ethnographique permet d’accéder à des dimensions des carrières militantes que les méthodes classiques de l’enquête auprès des « anciens » (entretiens, questionnaires) ne permettent pas d’appréhender.
Notre enquête, entamée en 2011 par des entretiens biographiques enregistrés s’est progressivement transformée en ethnographie des réseaux affinitaires qui se sont formés il y a plus de trente ans dans les mobilisations collectives et ont survécu à leur épuisement. L’instauration d’une relation d’enquête durable a permis d’accéder à des résultats que l’enquête par entretiens n’avait pas permis d’appréhender, comme celui de la difficulté à faire le deuil de ces mobilisations qui ont libéré des possibles et soulevé des espoirs parmi cette génération d’enfants de travailleurs immigrés portugais et maghrébins.
La multiplication des interactions informelles avec les enquêtés dans des espaces non assimilés à l’enquête sociologique ont permis d’accéder à certaines séquences biographiques positives (rencontres amoureuses dans le cours de l’action protestataire) ou négatives (périodes de chômages après l’engagement) qui avaient été tues au cours des entretiens parce que considérées comme politiquement non significatives, trop intimes, ou contraires à l’image que les enquêtés voulaient donner d’eux-mêmes dans le cadre formalisé d’un entretien en face à face.
Cette communication montre, à partir de l’exemple empirique du devenir d’un réseau affinitaire « d’anciens » d’un mouvement social, comment l’ethnographie permet d’accéder à la mémoire privée des mobilisations. Elle vise plus largement à exposer les apports méthodologiques du croisement de la science politique et de l’ethnographie dans l’étude du déploiement dans le temps des carrières militantes et des rétributions différenciées de l’engagement en fonction des origines ethniques et sociales des militants.

The contribution of ethnography to analyzing activists’ careers. The case of former participants in 1983 and 1984 Marches for equality.
This presentation aims to emphasize the contribution of ethnographical research method to studying the biographical consequences of activism. Scholars have predominantly used questionnaires and interviews to study activists’ careers. Using the case of former participants to the second-generation social movement in the early eighties, we analyze how ethnography gives access to new aspects of activists’ careers that cannot be seized by traditional research methods.
When it was launched in 2011, the survey was first conducted through recorded in-depths interviews. It has gradually turned into an ethnographical research among activists’ networks that emerged thirty years ago in the social movement and survived its decline. The longtime research relationship with former activist led to new aspects that had remained unseen in previous interviews; such as the difficulty to recover from the end of protests that provided opportunities and nurtured hopes among Portuguese and North African second generation.
Informal and non-sociological interactions with former activists became more and more frequent. They led to biographical information that had previously been kept quiet because considered politically irrelevant, too much personal or contradictory with the self-image respondents wanted to promote during formal face-to-face interviews.
From an empirical case of a former activists’ network, this presentation shows how ethnography can shed light on the private memory of mobilizations. In a broader perspective, it also emphasizes the methodological contribution to crossing political science and ethnography for the diachronic study of activists’ career. In particular, it analyses the unequal distribution of rewards depending on activists’ class and race.

Christelle Gris (CESSP-Paris 1)

Dépasser des impensés théoriques à partir d’une enquête ethnographique. Le cas du soutien des conjointes d’élus à la carrière élective.
Comment une enquête ethnographique peut-elle amener à dépasser des impensés théoriques ? C’est ce que cette communication propose d’illustrer à partir d’une recherche doctorale, en partie ethnographique, menée sur la contribution des conjointes d’élus à la carrière élective.
Dans ce cas, les données ethnographiques ont d’abord permis de discuter un postulat, adopté implicitement dans de nombreux travaux sur le métier politique, selon lequel la professionnalisation politique s’accompagnerait d’une coupure nette entre vie publique et vie privée des hommes politiques. Or, non seulement cette dichotomie n’est pas si claire pour les enquêtés, mais surtout c’est le phénomène inverse qui est observé sur le terrain, à savoir une imbrication croissante de la sphère publique et de la sphère privée au cours du processus de professionnalisation politique.
Ensuite, tandis que la question du soutien de la famille reste un sujet réservé aux carrières des femmes, en science politique comme en sociologie du travail, les données ethnographiques révèlent que ce soutien est pourtant loin d’être anecdotique dans la construction des carrières politiques des hommes.

How to move beyond theorical unthought using Ethnography? The contribution made by politicians’ life partners to an electoral career: A Case Study.
How to move beyond theorical unthought using Ethnography? This paper is based on a thesis research I conducted on the contribution made by politicians’ life partners to an electoral career.
Ethnographical fieldwork helped to discuss the assumption on which French political science is based most of the time: political professionalization leads to a strict separation between public life and private life. The results of this fieldwork proved the contrary: the boundaries between public and private spheres are becoming increasingly blurred during the political professionalization process.
Moreover, the ethnographical fieldwork demonstrated that while it is still considered in political science and French sociology that all issues regarding family are still reserved to women, family support remains an essential component in men’s political careers.

Yasmine Bouagga (CNRS, Triangle), Romain Lecler (ENS), Yohann Morival (CSO)

Ethnographier l’international par ses professionnels
La définition de ce qui constitue l’international est souvent limitée à des organisations ou des experts spécifiquement étiquetés comme « internationaux ». Cette communication entend montrer comment le recours à l’ethnographie permet de déconstruire cette définition, en insistant sur des activités et des acteurs dont on ne préjuge ni de la localisation ni du statut.
Les études de l’international par ses professionnels consacrés existent, mais elles rendent peu compte des diversités d’appropriation de l’international ou des usages fluctuants du référent national. Par ailleurs, les ethnographies de l’international se sont focalisées sur les organisations internationales. Nous identifions, plutôt que des organisations, des lieux sur lesquels une multiplicité d’acteurs peut intervenir. Et, plutôt qu’un statut international, des pratiques qui ne sont pas toujours identifiées comme telles mais qui participent à traverser ou déplacer les frontières.
C’est pourquoi nous proposons d’observer de manière empirique comment se produit l’international dans le travail et ses situations : comment se forment les groupes professionnels, les carrières individuelles ; quelles sont les formes de division du travail, de spécialisation ou d’assignation ; quelles représentation de l’international comme contrainte ou ressource sont produites. La déconstruction du terme d’international au moyen d’une ethnographie de ses pratiques professionnelles permet alors d’élaborer de nouvelles typologies.

Doing the ethnography of the international through its professionals
The definition of what constitutes the international is often limited to organisations or experts specifically labeled as international. This papers intends to show how the use of ethnography can help deconstruct this definition by insisting on activities and actors whose location or status are not presupposed in advance.
Studies of the international through its dedicated professionals do exist, but they hardly account for the diverse appropriations of the international, or the variable uses of the national referent. Moreover, ethnographies of the international have focused on international organisations. We identify, rather than organisations, places where multiple actors can step in. And, rather than an international status, practices that are not always identified as such but participate in crossing or displacing borders.
This is why we suggest to empirically observe how the international is produced through different work practices and situations : how are professional groups or individual careers built ;   what are the forms of division of labor, specialisation or assignment ; what representations of the international as a constraint or a ressource are produced. The deconstruction of the notion of the international through the ethnography of its professional practices thus enables the formulation of new typologies.

Eric Darras (LASSP-IEP de Toulouse)

Que se passe-t-il devant et derrière le poste ? Vers l’ethnographie des relations professionnels des médias-professionnels de la politique
Des générations d’étudiants en science politique et ailleurs ont appris que Nixon a perdu l’élection présidentielle de 1960 parce qu’il aurait été trahi par son maquillage lors du grand débat télévisé. Pourtant nous ne savons à peu près rien en réalité de la séance de maquillage pas plus que des interprétations faites des images en direct par les téléspectateurs. On ne dispose en effet que de très rares observations ethnographiques des plateaux d’émissions politiques comme des téléspectateurs devant leurs postes de télévision. L’analyse sémiologique demeure hégémonique. L’étude des images vues par le « chercheur » devant son téléviseur, éventuellement avec magnétoscope et chronomètre semble suffire à l’analyse non seulement des discours et images, des phénomènes et institutions étudiées (une « performance » d’acteur politique, un journal télévisé, un magazine politique, une allocution…) mais encore de leurs conditions de productions comme de leurs effets. Nous nous interrogerons d’une part les raisons de ce désintérêt pour l’ethnographie, avant d’autre part d’envisager les avantages comparatifs de la méthode et ses limites, en s’appuyant notamment sur nos expériences de terrain et la tradition des enquêtes anglo-étatsuniennes.

“What happens in front and behind the TV set ? Towards an ethnography of the relationship between journalists and politicians”
Generations of students in media studies as in political science have learned that Nixon lost the presidential election in 1960 because his makeup betrayed him but no one knows anything about the making up and no one seriously knows what the viewers did with the images they were watching. Ethnographies of the relationship between journalists and their sources are still rather rare, such as ethnographic studies of audiences. Especially in France. First we will try to list and understand the possible reasons of this media scholars lack of interest for ethnographic studies. Then, despite huge methodological difficulties that have to be clarified, we will advocate the need for ethnographies of media professionals at work such as media consumption for a better understanding of the power of news.

Catherine Neveu (IIAC, CNRS-EHESS)

Ethnographie ou anthropologie de la citoyenneté ? Une contribution « indisciplinée » à un débat disciplinaire.
L’anthropologie politique des processus de citoyenneté a permis ces dernières années de profondément renouveler la compréhension de cet objet canonique de la science politique. Il s’agira dans cette communication de souligner que bien au-delà d’une question de méthode (le recours à l’ethnographie), dont il s’agirait de décrire avec précision les conditions de mise en œuvre afin d’en mesurer les apports, ce renouvellement découle de l’adoption d’une posture épistémologique spécifique, et proprement anthropologique. Pour ce faire, on retracera les grandes lignes de la construction de cette anthropologie politique des processus de citoyenneté, pour souligner que si les enjeux méthodologiques ont leur importance, ils ne furent en aucun cas la source première de ce renouvellement.
Comme le soulignent de nombreux auteur.es des sciences sociales du politique, aucune méthode de recherche, et l’ethnographie ne fait pas exception, ne peut être séparée des questions théoriques l’ayant impulsée et de celles qu’elle génère, la méthode n’existant pas indépendamment de l’objet étudié ni a priori. Il s’agira donc en quelque sorte dans cette communication « d’inverser » le questionnement proposé par les organisateur.es, afin de saisir, à partir du cas de l’anthropologie des processus de citoyenneté, à quelles conditions théoriques et épistémologiques une ethnographie de ceux-ci est envisageable. Autrement dit, est-ce la méthode en tant que telle qui produit des effets de connaissance et de renouvellement, ou la posture épistémologique qui sous-tend son usage ? La question vaut d’autant plus d’être posée que c’est également cette manière de penser les liens entre méthode et conceptualité qui permet d’envisager la possibilité que des enquêtes ethnographiques contribuent à la production d’analyses généralisables, telles que celles produites depuis longtemps par l’anthropologie, et notamment l’anthropologie (du) politique.
La présentation, brève, du processus de construction d’une approche anthropologique de(s) citoyenneté(s) à partir de la cumulativité d’une diversité d’enquêtes empiriques permettra d’alimenter cette discussion. Cette communication devrait contribuer à en alimenter la réflexion collective en se centrant sur un objet (les processus de citoyenneté), en spécifiant les conditions de possibilité de son ethnographie (sans que celle-ci ne soit l’unique méthode mobilisée) et sa contribution aux « débats disciplinaires », tout en soulignant les apports d’une approche justement relativement « indisciplinée » de cet objet.

Ethnography or anthropology of citizenship ? An undisciplined contribution to a disciplinary discussion
In the recent period, the political anthropology of citizenship processes has allowed for an in-depth renewal of the understanding of this canonical object of political science. The aim of this paper will be to underline the extent to which, far from a purely methodological issue, which conditions of implementation should be precisely described, such a renewal flows from a specific, properly anthropological, epistemological position. The general construction lines of a political anthropology of citizenship processes will thus be presented, in order to grasp how, if methodological issues were important, they were not the primary source of such a renewal.
As as been underlined by numerous authors in the field of social sciences of politics, no method research (and ethnography is no exception) can be detached from the theoretical issues that sustain them and that they create, since method does not exist independently from the studied object, or a priori. The aim of this paper will thus be to “reverse” the question suggested by the session’s organizers in order to grasp, through the case of the anthropology of citizenship processes, under what theoretical and epistemological conditions such processes can be ethnographically studied. To put it differently: is it the method as such that produces effects of knowledge and renewal? Or the epistemological position sustaining its uses? It is all the more necessary to raise this question that it is also this way to envision the links between method and conceptualisation that allows the possibility for ethnographic studies to contribute to the production of generalized analysis such as those produced over time by political anthropology.
A (brief) presentation of the process through which an anthropological approach to citizenship processes has been built through the cumulativity of a variety of empirical research will contribute to the discussion. This paper could thus contribute to the collective discussion by centring itself on an object (citizenship processes), specifying the conditions of possibility of its ethnography (without it being the sole mobilized method) and its contribution to “disciplinary” debates, precisely by underlining the benefits gained from a relatively “undisciplined” approach of this object.

Jean-Marie Pillon (Université Paris-Dauphine-IRISSO) et Luc Sigalo Santos (Université Paris 8 – Saint-Denis CRESPPA)

De l’ANPE à Pôle emploi. Comment l’ethnographie permet d’analyser l’État social en recomposition.
En tant que méthode de recueil et d’analyse de données sur un milieu d’interconnaissance infiltré sur la longue durée, l’ethnographie permet de saisir de façon critique et nuancée les enjeux de la transformation des structures de l’État et de son action. C’est ce que montre cette communication à propos du cas de Pôle emploi, institution née fin décembre 2008 du rapprochement de l’ANPE et des Assedic. À partir de deux enquêtes par observation et entretiens sur les agences interprofessionnelles et spectacle de l’opérateur public de placement et d’indemnisation, les deux auteurs exposent comment l’immersion durable dans un monde social circonscrit permet d’en saisir finement les routines en contexte de réorganisation.
Une première étape de la réflexion consistera à interroger la position évolutive de l’ethnographe dans un tel contexte de fusion institutionnelle. Celle-ci étant jugée particulièrement sensible à tous les échelons de l’action publique, les différentes séquences de l’enquête (négociation de l’accès au terrain, évolution de la place de l’enquêteur dans les collectifs de travail, sortie du terrain) s’en sont trouvées compliquées. Si ce contexte peut déstabiliser la place de l’ethnographe, il permet dans le même temps de percevoir de façon nette les enjeux qui président à la recomposition d’une telle administration d’État. En effet, la labilité conjoncturelle des hiérarchies institutionnelles offre à l’enquêteur une certaine liberté de circulation, qui permet de saisir les différentes dimensions des rapports de force à l’œuvre (recomposition des identités professionnelles, redéfinition du rapport aux usagers, redistribution des rapports de force institutionnels). Plus généralement, en mettant l’accent sur l’historicité des matériaux collectés, les auteurs entendent contribuer à une réflexion sur l’articulation des différentes temporalités – de l’enquête ethnographique, de la réforme de l’État.

From the “National employment agency” to “Pôle emploi”. How ethnography makes it possible to grasp Welfare State’s reorganizations.
As a field method, ethnography captures critical and nuanced issues of the transformation of State’s structures and action. This is what this presentation seeks to show about the case of Pôle emploi, a one-stop-shop created in December 2008 by the merger of the French job centers and benefit agencies. Based on two field surveys, covering respectively regular and entertainment-specialized agencies, the two authors describe to what extent long immersion in a closed social world enables oneself to grasp the routines emerging during a period of reengineering.
A first milestone consists in questioning the ethnographer’s position in such a context. Since the latter is regarded as touchy at all levels of the public intervention, the different steps of the survey (negotiation of field access, evolutions of the interviewer’s position in work groups, exit from the field) have found themselves complicated. Although this context may destabilize the ethnographer’s position, it also allows oneself to perceive much more clearly the issues governing the reconstruction of such a public administration. Indeed, the transient lability of institutional hierarchies gives the observer a certain freedom of movement, enabling him to identify the various dimensions of the balance of power (evolution of professional roles, redefinition of the relationship to users, redistribution of institutional power relations) and their progressive secularization. By emphasizing the historicity of the materials collected, the authors intend more broadly to shed new light on the articulation of different temporalities – the ethnographic method and the Welfare Stat reforms.

Vincent Dubois (Université de Strasbourg-IEP SAGE)

L’ethnographe et l’action publique
Cette communication propose un panorama des différentes manières dont les ethnographes ont abordé les politiques publiques, dans le but de poser les jalons d’une contribution de l’ethnographie à l’analyse critique de l’action publique. Car avant d’ethnographier l’action publique, anthropologues et ethnologues ont mis leur connaissance au services des gouvernants, notamment avec l’anthropologie coloniale. Cette ethnographie pour l’action publique est aujourd’hui très peu présente en France mais demeure très active notamment aux Etats-Unis, dans la perspective d’une anthropologie appliquée. Le tournant critique de l’anthropologie a conduit à « changer de côté », pour le dire comme Becker. Mais se faire les porte-parole des dominés dans le but d’infléchir les politiques ne conduit pas davantage à faire de ces politiques elles-mêmes l’objet central de l’analyse. Après cette mise en perspective des rapports que les ethnographes entretiennent avec l’action publique, on spécifiera les différents objets d’une ethnographie de l’action publique. On pourra lors établir les conditions dans lesquelles une telle ethnographie peut contribuer à l’analyse critique de l’action publique.

The ethnographer and public policy
This presentation proposes an overview of the various ways ethnographers deal with public policy, in order to set the bases for the contribution of ethnography to critical policy analysis. Before ethnographying public policy, anthropologists and ethnographers have offered their knowledge to those in power, as they did with colonial anthropology. Contrary to France, this ethnography for public policy is lively in the USA, where it is part of the tradition of applied anthropology. After the critical turn in anthropology, ethnographers “changed side”, to use Becker’s words. However, becoming the spokepersons of the disenfranchised in order to change policy does not mean constructing policy-making itself as a research filed. After this perspective on the various relationships between ethnography and public policy, I will specify the objects of ethnography of public policy. This will enable me to reflect on the conditions under which such ethnography can contribute to critical policy analysis.

Mercredi 12 juillet 2017 9h00-13h00
Mercredi 12 juillet 2017 14h00-18h00

AVANZA Martina martina.avanza@unil.ch
BOUAGGA Yasmine yasmine.bouagga@gmail.com
BUU-SAO Doris doris.buusao@sciencespo.fr
DARRAS Eric eric.darras@sciencespo-toulosue.fr
DUBOIS Vincent vincent.dubois@misha.fr
GEOFFRAY Marie-Laure marie-laure.geoffray@sorbonne-nouvelle.fr
GRIS Christelle christelle.gris@gmail.com
HMED Choukri choukrihmed@gmail.com
LECLER Romain leclerromain@gmail.com
MAZOUZ Sarah sarimazouz@gmail.com
MOMMEJA Adèle adele.mommeja@gmail.com
MORIVAL Yohann y.morival@gmail.com
NEVEU Catherine catherine.neveu@ehess.fr
PILLON Jean-Marie jean-marie.pillon@dauphine.fr
PUDAL Romain romain.pudal@free.fr
SIGALO SANTOS Luc sigalosantos@unistra.fr
YANOW Dvora dvora.yanow@wur.nl