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ST 18

Les élites et l’argent

Elites and Money

 

Responsables scientifiques :

Charles Bosvieux-Onyekwelu (Centre Maurice Halbwachs, EHESS) charles.bosvieux-onyekwelu@ehess.fr
Ana Perrin-Heredia (CURAPP-ESS – CNRS) aperrinheredia@gmail.com

Croisant sociologie des élites et sociologie économique, cette section thématique vise à contribuer aux recherches interrogeant le lien entre rapport à l’argent – dans ses usages et ses représentations – et appartenance de classe, en se focalisant plus spécifiquement sur la façon dont ce lien opère au sein des segments du haut de l’échelle sociale. Les deux responsables souhaitent ainsi centrer plus précisément l’analyse autour de l’existence d’un rapport sui generis des élites (ou des classes dominantes, voire supérieures : les concepts utilisés pour décrire les plus doté·e·s du monde social seront aussi objet de discussion) à l’argent. Ainsi, certains travaux ont, par exemple, documenté l’idée selon laquelle il existe une spécificité du comportement des classes dominantes dans le rapport à la règle de droit (Denord et Lagneau-Ymonet 2016 ; Barrault-Stella et Spire 2017) : en va-t-il de même pour leur rapport à l’argent ? Parallèlement, d’autres travaux ont émis l’hypothèse d’un rapport spécifique des classes populaires à l’argent (Bourdieu 1977a ; Perrin-Heredia 2010) : qu’en est-il pour les classes supérieures ? À la jonction de ces différents travaux et en adoptant un point de vue qui soit tout sauf classblind, l’objectif des organisateur·rice·s est de se servir des usages et des représentations associés à l’argent pour interroger la notion d’élites ou de classes supérieures, et réciproquement : si rapport sui generis des classes dominantes à l’argent il y a, celui-ci peut-il aider à définir une appartenance de classe, à délimiter les frontières entre ces classes, voire à mettre en lumière leurs différences (dans les habitudes de dépenses par exemple) et ce qui contribue à les structurer ? En ce sens, ces questions visent aussi à se demander comment, ou dans quelle mesure, le rapport à l’argent est susceptible de participer de la définition d’une position de pouvoir et, inversement, comment, ou dans quelle mesure, une position de pouvoir est propre à impliquer un certain rapport à l’argent.

Dans l’orientation donnée à la section thématique, les deux responsables n’ont pas souhaité adopter de définition préétablie de ce qu’il faut entendre par « élite », classes dominantes ou supérieures, considérant que ces notions et leurs usages méritent d’être eux-mêmes objet si ce n’est d’étude, du moins de réflexivité. Pour ce qui est du terme « élite », on partira néanmoins d’une acception « millsienne » du terme, désignant ainsi « des individus auxquels leur position professionnelle confère du pouvoir sur d’autres individus » (Denord 2012, p. XVIII). On s’intéressera donc à la diversité des registres dans lesquels la catégorie « élite » peut être mobilisée avec pertinence : élites professionnelles, élites salariales, élites intellectuelles, élites sportives et artistiques, etc. Pour autant, d’autres définitions, complémentaires ou concurrentes, visant à qualifier les agents les plus dotés de l’espace social, pourront être mobilisées et discutées. Dans ce cadre, il s’agira non seulement de se demander si l’on peut observer, entre ces différents groupes, des similarités dans la manière dont ils pensent, dépensent et accumulent leur argent, mais aussi de s’interroger sur la façon dont ce rapport à l’argent est susceptible d’influer sur la convertibilité des différentes formes (économique, culturel, social) de capital. En effet, dans la mesure où la notion d’élite implique l’exercice d’une forme de pouvoir, il est essentiel de se demander comment (dans quelle mesure et sous quelles conditions) des pratiques et des représentations spécifiques en matière d’économie rapprochent du champ du pouvoir ou, à tout le moins, contribuent à légitimer ceux et celles qui les adoptent, participant ce faisant de leur désignation en tant qu’élites. Autrement dit, les questions de recherche demeurent ouvertes si l’on considère qu’elles rassemblent aussi bien des réflexions autour de la manière dont l’argent peut créer du lien entre différents espaces de pouvoir que des interrogations relatives à l’existence de groupes sociaux richement dotés en patrimoine de toute sorte mais néanmoins exclus, ou à distance, de l’élite au pouvoir.

 

A combination of the sociology of elites and economic sociology, the panel aims to foster scholarship that calls into question the link between the relationship with money – in both usages and representations – and class belonging. It focuses more specifically on how this link operates among the upper segments of social stratification. Both convenors are willing to put at centre stage the existence of a specific relationship of elites (of the ruling class, or even of the upper class: the concepts used to refer to the most advantaged in the social world will be open for debate) with money. The existing literature on elites has highlighted that there is a specificity of the upper class’ attitude towards legal rules (Denord and Lagneau-Ymonet 2016; Barrault-Stella and Spire 2017): are the findings likewise when it comes to their relationship with money? Equally, other works (Bourdieu 1977a; Perrin-Heredia 2010) have hypothesised a specific relationship of the working class to money: how about the upper class? By binding these two trends of research together, the organisers’ goal is to rely on usages and representations associated with money to investigate the notion of elites or upper class, and vice versa: if the truth is that the ruling class has a sui generis relationship with money, can this relationship contribute to defining a class belonging, setting the boundaries of these classes or even illuminating their differences (for example in their spending patterns) and helping structure them? In that respect, the purpose of those questions is to ask how, or to what extent, the relationship with money is likely to play a part in the definition of a power position. Conversely, it is also to wonder if a position of power is liable to imply a certain relationship with money.

The convenors have not geared the panel towards a preconceived understanding of the notion of “elite”, ruling or upper class. They believe that these concepts and their usages are worth at least studying, if not addressing with reflexivity. As for the term “élite”, Mills’ definition, which refers to individuals who, due to their professional position, have power over other individuals, will be used as a provisional starting point (Denord 2012, p. XVIII). A variety of situations where the category of “elite” can be relevantly applied will then be examined, which includes but is not limited to: professional elites, top-earning elites, academic elites, sport and art elites. Yet we will be happy to discuss and envisage other complementary or contending definitions to qualify the most privileged. In line with this framework, the point will be to wonder if one can observe similarities in the way these groups think about, spend and accumulate money. It will also to investigate how this relationship with money can have an impact on the convertibility of the different types (economic, cultural, social) of capital. Indeed, as the notion of elite entails exerting a form of power, it is crucial to ask how (to what extent and under what conditions) specific practices and representations in economic matters are likely to approach the field of power, or, to a lesser extent, serve to legitimise those who endorse them and thus result in their characterisation as elites. All in all, these are open research questions, especially if we look at them as pointing to reflections on how money can create connections between different areas of power as well as to inquiries about the existence of social groups heavily endowed with wealth of all sorts, yet excluded or distant from the power elite.

 

REFERENCES

Barrault-Stella, Lorenzo, et Alexis Spire. 2017. « Introduction ». Sociétés contemporaines, no 108: 5‑14. https://doi.org/10.3917/soco.108.0005.

Bosvieux-Onyekwelu, Charles. 2016. D’une sociodicée à un savoir d’État : le service public, une tentative de mise en forme du monde social par le droit (1873-1940). Thèse pour le doctorat en sociologie, Université Paris-Saclay. https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01611548.

Bosvieux-Onyekwelu, Charles. 2018. « Le service public au Conseil d’État : comment un grand corps se professionnalise en captant une idée (1872-1940) ». Sociologie du travail, vol. 60, n°4 [à paraître]

Bourdieu, Pierre. 1977a. Algérie 60 : structures économiques et structures temporelles. Ed. de Minuit. Paris.

Bourdieu, Pierre. 1977b. « Questions de politique ». Actes de la recherche en sciences sociales 16 (1): 55‑89. https://doi.org/10.3406/arss.1977.2568.

Denord, François. 2012. « Préface à L’élite au pouvoir ». In L’élite au pouvoir, par Charles Wright Mills, Nouvelle éd. L’ordre des choses. Marseille: Agone.

Denord, François, et Paul Lagneau-Ymonet. 2016. Le concert des puissants. 1 vol. Paris: Raisons d’agir éditions.

Elias, Norbert. 1985. La société de cour. Édité par Roger Chartier. Champs 144. Paris: Flammarion.

Herlin-Giret, Camille. 2018. « En quête de richesse ». Genèses, no 111 (juillet): 137‑55. https://doi.org/10.3917/gen.111.0137.

Perrin-Heredia, Ana. 2010. Logiques économiques et comptes domestiques en milieux populaires. Ethnographie économique d’une “zone urbaine sensible”. Thèse pour le doctorat en sciences sociales, Université de Reims Champagne-Ardenne.

Axe 1/ Consommation et styles de vie des élites dans leur rapport à l’argent

Introduction : Ana Perrin-Heredia (CURAPP-ESS – CNRS)

Lorraine Bozouls (OSC – Sciences Po & Università degli studi di Milano-Bicocca), La place du capital économique dans le travail du style de vie : le cas des classes supérieures du privé
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Alizée Delpierre (CSO – Sciences Po), Acheter le temps et le dévouement du personnel de maison : les usages de l’argent des élites dans la domesticité élitaire
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Anne Monier (CRESPPA – Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis), Le rôle différencié de la philanthropie pour les élites françaises et américaines : un défi pour la philanthropie transnationale

Discutante : Camille Herlin-Giret (CERAPS – CNRS)

Axe 2 / Élites, argent et champ du pouvoir

Introduction : Charles Bosvieux-Onyekwelu (CMH – EHESS)

Olivier Alexandre (LIP6 & CEMS-IMM – CNRS), Les “influenceurs” de l’économie numérique : entrepreneuriat de réseaux et encastrement politique
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Sophie Louey (CURAPP-ESS – UPJV), “Il faut payer pour gagner” : capital économique et capital symbolique d’une élite locale patronale
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Lamine Savané (CEPEL – Université de Montpellier), Le poids de l’argent dans les élections au Mali : pouvoir et richesse ou les représentations de l’imaginaire populaire
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Discutant : Didier Demazière (CSO – CNRS)

ALEXANDRE Olivier olivier.alexandre@ehess.fr

BOSVIEUX-ONYEKWELU Charles charles.bosvieux-onyekwelu@ehess.fr

BOZOULS Lorraine lorraine.bozouls@sciencespo.fr

DELPIERRE Alizée alizee.delpierre@sciencespo.fr

DEMAZIÈRE Didier d.demaziere@cso.cnrs.fr

HERLIN-GIRET Camille camilleherlingiret@gmail.com

LOUEY Sophie sophie.louey@u-picardie.fr

MONIER Anne anne.monier@ens-lsh.org

PERRIN-HEREDIA Ana aperrinheredia@gmail.com

SAVANÉ Lamine lamine.savane@yahoo.fr