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ST 46

Renouvellement générationnel et transformations politiques

Generational replacement and the transformation of politics

 

Responsables scientifiques :

Anja Durovic (CEE/LIEPP, Sciences Po) anja.durovic@sciencespo.fr
Vincent Tiberj (Centre Emile Durkheim, Sciences Po Bordeaux) v.tiberj@sciencespobordeaux.fr

Pendant longtemps le renouvellement générationnel a été une dimension oubliée de l’analyse du rapport des citoyens à la politique. Les modèles sociologiques se sont d’abord et essentiellement intéressés aux classes sociales, à la religion ou encore au patrimoine (Gougou et Mayer, 2017). Ce n’est que plus récemment que la question du genre et de l’ethnicité ont été intégrées dans l’équation du vote et du rapport au politique (Durand et Mayer, 2017 ; Hamidi et Jardin, 2017). Or, les dynamiques des cohortes sont essentielles en ce qu’elles pèsent sur le rapport à la politique, les alignements électoraux ou les systèmes de valeurs.

Plusieurs travaux ont depuis montré l’importance de travailler sur des cohortes en politique, se séparant ainsi de l’approche par les générations politiques développées par Mannheim, des approches par le cycle de vie ou de la théorie d’Inglehart (1977, 1990) sur le postmatérialisme (cf. Neundorf et Niemi, 2014). Certains mettent en avant des changements dans le rapport à la citoyenneté (Dalton, 2008) avec la montée de la « génération de l’engagement » au détriment de celles qui incarnaient une « citoyenneté de devoir ». D’autres mettent en avant le glissement dans les cohortes récentes vers une « citoyenneté distante », faite d’une méfiance informée face aux élites politiques et donc d’un refus de s’en remettre à elles (Tiberj, 2017). Plusieurs travaux récents montrent les évolutions générationnelles des modes de participation en politique notamment en termes de participation politique conventionnelle (Grasso, 2016), y compris sur l’évolution des inégalités de genre face à la participation (Durovic, 2017). D’autres recherches se sont penchées sur l’impact des générations en termes d’abstention (par exemple Blais et Rubenson, 2013) ou de votes (sur le Brexit par exemple Inglehart et Norris, 2018 ; ou lors des présidentielles en France, Tiberj, 2017).

Cette section thématique entend être un lieu qui permettra de faire un point sur l’influence des générations en politique et sur les modèles explicatifs de ces effets.

Les effets de cohortes sont-ce des effets de socialisation ou bien des effets de recompositions sociales ? Si les ouvriers nés dans les années 1970 se distinguent politiquement de leurs homologues qui ont connu les trente glorieuses (Gougou, 2012), est-ce parce que leurs conditions sociales ou leurs valeurs ont évolué, parce que le marché du travail s’est précarisé ou bien parce que leur rapport à la politique a évolué ? Les différences politiques entre cohortes sont-elles le produit d’inégalités socioéconomiques entre générations (Chauvel, 1998, 2013) ou de nouvelles dynamiques inégalitaires (Peugny, 2013) ? Dans quelles mesures les changements induits par le renouvellement générationnel sont-ils dépendants des contextes nationaux ou bien suivent-ils des évolutions qui les dépassent ? En Grande-Bretagne il a été repéré un « effet Thatcher » auprès des électeurs qui ont grandi sous ses gouvernements ; ceux-ci auraient développé des attitudes favorables au libéralisme économique (Grasso et al. 2017). Ne faut-il pas éviter de réifier les générations et ne doit-on pas au contraire mener des analyses plus fines en leur sein pour distinguer les groupes sociaux qui les constituent ?

Pour répondre à ces questions la section thématique s’ancre sur trois axes :

Axe 1 : Les générations de la participation politique. Cet axe vise à mieux comprendre si, comment et pourquoi les générations se distinguent par leur engagement à la vie politique et leurs répertoires d’action (institutionnels, non-institutionnels et / ou sur internet.

Axe 2 : Vote et générations. Nous discuterons du poids des cohortes sur le choix électoral, notamment en regard des autres caractéristiques sociales (comme la classe sociale, le genre etc.).

Axe 3 : Attitudes, valeurs, et générations. Plusieurs travaux se sont posés la question du vieillissement et de ses effets sur les valeurs. Cet axe vise à stimuler la discussion autour de la relation entre âge, cohortes et valeurs.

 

For a long time, generational replacement has been a forgotten dimension in the analysis of citizens’ relationships with politics. Explanatory models were first and foremost interested in social class, religion or wealth (Gougou and Mayer, 2017). It is only recently that questions of gender and ethnicity have been integrated in the equation of voting behaviour and in explanations of citizens’ relationships with politics (Durand and Mayer, 2017; Hamidi and Jardin, 2017). However, analysing cohort dynamics is crucial since cohort change may have major impacts on citizens’ relationships with politics, electoral alignments, and value orientations.

Several studies have since shown the significance of working on birth cohorts and by taking on another approach than that of Mannheim’s “political generations”, life-cycle approaches or Ingelhart’s (1977, 1990) value-change theory (cf. Neundorf and Niemi, 2014). Some scholars emphasized the changes in the understanding of citizenship (Dalton, 2008), namely the increase of a generation of “engaged citizenship” versus the decline of a generation which represented a “duty-based citizenship”. Others highlight the shift among more recent cohorts towards a “distant citizenship” based on informed mistrust towards political elites and thus a rejection of relying on them (Tiberj, 2017). Recent scholarship also sheds light on the generational evolution of modes of political participation, especially in the case of conventional forms of participation (Grasso, 2016), including the evolution of participatory gender inequalities among successive birth cohorts (Durovic, 2017). Other research has focused on the impact of generational replacement on non-participation (e.g. Blais and Rubenson, 2013) or on voting behaviour (on the case of Brexit see for example Inglehart and Norris, 2018; see on the case of French Presidential Elections Tiberj, 2017).

This thematic section aims to create place of discussion that provides an overview and update on the influence of generations in politics and on the explanatory models of these effects.  

Are these cohort effects basically socialization effects or are they simply compositional differences in other social factors? If the blue-collar workers born in the 1970s distinguish themselves politically from their older counterparts who knew « The Glorious Thirty » (Gougou, 2012), is this due to their changing social conditions or to their changing value orientations? Or do they distinguish themselves from their older counterparts because of the growth of precarious employment in the labour market rather than because of the evolution of their relationship with politics? Are political differences between cohorts the product of socio-economic inequalities between generations (Chauvel, 1998, 2013) or of more recent unequal dynamics (Peugny, 2013)? To what extent are changes due to generational replacement dependent on national contexts? Some recent research on Great Britain finds a “Thatcher-effect” among voters who grew up during her period of government; they seem to have developed attitudes more in favour of economic liberalism (Grasso et al. 2017).

Finally, would it not be better to avoid to reify generations and rather focus on analyses which are more fine-grained in their nature in order to explore the variance among social groups belonging the same generation.

To answer these questions the thematic section builds upon three research topics:

1st topic: Generations and political participation. This panel tries to better understand if, how and why generations distinguish themselves by their engagement in politics and their political action repertoires (institutional or non-institutional participation and/or online participation).

2nd topic: Vote and generations. This panels discusses cohort effects in voting behaviour but does so especially with regard to the interaction of cohort effects with other social variables (like social class, gender etc.).

3rd topic: Attitudes, values and generations. Several studies focused on the question of aging and its effects on value orientation. This panel aims to stimulate discussions around the relationship of age, cohorts and values.

 

REFERENCES

Chauvel, L . 1998. Le destin des générations. PUF : Paris.

Chauvel, L. 2013. « Spécificité et permanence des effets de cohorte : le modèle APCD appliqué aux inégalités de générations, France/États-Unis, 1985-2010 ». Revue Française de Sociologie 54(4) : 665- 705.

Dalton, R.J. 2008. Citizenship norms and the expansion of political participation. Political Studies 56(1) : 76–98.

Durand M. et Mayer N. 2017. “Genre, sexualité et vote.” Dans : Y. Déloye et N. Mayer (dir.),

Analyses électorales, Paris, Bruylant : 265-317.

Durovic, A. 2017. ”A longitudinal analysis of gendered patterns in political action in France: a generational story?” French Politics 15(4) : 418-442.

Gougou, F. 2012. « Comprendre les mutations du vote des ouvriers : vote de classe, transformation des clivages et changement électoral en France et en Allemagne depuis 1945 », thèse de doctorat en science politique, Paris, Institut d’Etudes de Paris.

Gougou, F. et Mayer, N. 2012. « The Class Basis of Extreme Right Voting in France : Generational Replacement and the Rise of New Cultural Issues (1984-2007). » Dans: J. Rydgren (dir.), Class Politics and the Radical Right, Abingdon: Routledge: 156-172.

Grasso, M. T. 2016. Generations, political participation and social change in Western Europe. London: Routledge.

Grasso, Maria Teresa, Stephen Farrall, Colin Hay, Emily Gray and Will Jennings. 2017. « Thatcher’s Children, Blair’s Babies, Political Socialization and Trickle-down Value Change: An Age, Period and Cohort Analysis. » British Journal of Political Science, Online First : 1-20.

Hamidi et Antoine Jardin. 2017. « Vote et ethnicité », dans Déloye Yves et Mayer Nonna (dir.), Analyses électorales, Paris, Bruylant : 319-359.

Inglehart, R. 1977. The silent revolution: Changing values and political styles among Western publics. Princeton: Princeton University Press.

Inglehart, R. 1990. Culture shift in advanced industrial society. Princeton: Princeton University Press.

Neundorf, A. and R. G. Niemi. 2014. “Beyond political socialization: new approaches to age,

period, cohort analysis.” Electoral Studies 33: 1-6.

Peugny, C. 2013. Le destin au berceau. Inégalités et reproduction sociale. Paris : Éditions du Seuil.

Tiberj, V. 2017. Les citoyens qui viennent. Comment le renouvellement générationnel transforme la politique en France. Paris : PUF.

Axe 1 / Générations et participation politique

Chair : Anja Durovic (CEE/LIEPP, Sciences Po)
Discussion : Anja Durovic et Vincent Tiberj (CED, Sciences Po Bordeaux)

Matteo Cavallaro (Université Paris 13), Mathilde Renault-Tinacci (CERLIS, Université Sorbonne Paris Cité), Massimo Angelo Zanetti (Université Vallée d’Aoste), La participation associative au prisme des générations : une perspective comparative européenne.

Quentin Guateri (Université de Montréal et Université de Paris 8 Vincennes-Saint-Denis), Jeunes ni en étude, ni en emploi. Un rapport au politique spécifique ?

Filip Kostelka (University of Essex) et André Blais (Université de Montréal), Crisis of Representative Democracy? Changing Patterns in Electoral Participation

Axe 2 / Vote et générations

Chair : Anja Durovic (CEE/LIEPP, Sciences Po)
Discussion : Anja Durovic et Vincent Tiberj (CED, Sciences Po Bordeaux)

Pierre Blavier (CNRS, CLERSE), La dimension générationnelle du changement politique : l’Espagne de la grande récession du bipartisme au quadripartisme.

Tristan Guerra (PACTE, Sciences Po Grenoble), A Generational Rift in Values? Is Values (de)polarization Driven by Generational Replacement in France ?

Axe 3 / Attitudes, valeurs et générations

Chair : Vincent Tiberj (CED, Sciences Po Bordeaux)
Discussion : Anja Durovic (CEE/LIEPP, Sciences Po) et Vincent Tiberj

Pierre Bréchon (PACTE, Sciences Po Grenoble), Libéralisme des mœurs et intolérance à l’égard des incivilités : effet d’âge et effet de générations

Frédéric Gonthier (PACTE, Sciences Po Grenoble), Tous altruistes. Analyse d’une convergence générationnelle et de ses ressorts sociopolitiques

Fabien Jobard (CNRS, Cesdip), Vieillir, est-ce punir ?

Soetkin Verhaegen (Stockholm University), Claire Dupuy (PACTE, Sciences Po

Grenoble), Virginie Van Ingelgom (FNRS, UCLouvain), Attitudes about regionalization in federal Belgium. The role of direct and indirect policy feedback effects across cohorts.

BLAIS André andre.blais@umontreal.ca

BLAVIER Pierre pierre.blavier@univ-lille.fr

BRECHON Pierre pierre.brechon@sciencespo-grenoble.fr

CAVALLARO Matteo matteo.cavallaro@sciencespo.fr

DUPUY Claire claire.dupuy@sciencespo-grenoble.fr

DUROVIC Anja anja.durovic@sciencespo.fr

GONTHIER Frédéric frederic.gonthier@iepg.fr

GUATIERI Quentin quentin.guatieri@umontreal.ca

GUERRA Tristan tristan.guerra@sciencespo-grenoble.fr

JOBARD Fabien: fabjob@cesdip.fr

KOSTELKA Filip filip.kostelka@gmail.com

TIBERJ Vincent v.tiberj@sciencespobordeaux.fr

RENAULT-TINACCI Mathilde mathilde.renault-tinacci@jeunesse-sports.gouv.fr

VAN INGELGOM Virginie virginie.vaningelgom@uclouvain.be

VERHAEGEN Soetkin soetkin.verhaegen@statsvet.su.se

ZANETTI Massimo Angelo m.zanetti@univda.it