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ST 50

La démocratie face à la non-participation : Approches pour une sociologie politique du désintérêt des citoyens envers les nouvelles formes de participation

Democracy facing non-participation: Approaches to a political sociology of citizens’ disinterest in new forms of participation

 

Responsables scientifiques :

Vincent Jacquet (Université de Namur) vincent.jacquet@unamur.be
Jessica Sainty (Avignon Université, LBNC) jessica.sainty@univ-avignon.fr

 

L’impératif participatif est aujourd’hui supporté par une galaxie hétérogène d’acteurs et s’incarne dans des dispositifs aux objectifs manifestes très différents (Elstub and Escobar, 2019). Mais bien souvent, ces expériences butent sur un même élément : la réponse négative de nombreux citoyens face à l’invitation à participer, voire l’absence complète d’intérêt pour ces dispositifs (Jacquet, 2020). Ce phénomène est un problème redouté par les initiateurs de budgets participatifs, d’assemblées délibératives tirées au sort, mais aussi de collectifs de contestations ou d’auto-organisation. Malgré les efforts de mobilisation, la crainte que personne ne vienne, ou que les publics participants ne correspondent pas à ceux que l’on avait imaginés, est incontournable et réelle.

En raison de la difficulté méthodologique que cela représente, la non-participation a souvent été traitée en creux. D’une part, certaines études dressent le profil des absents sur la base de celui des présents, en observant la surreprésentation des catégories sociales les plus éduquées ou l’absence des plus précaires  (Griffin et al., 2015, Petit, 2014), même si certains travaux montrent des résultats contrastés (Neblo et al., 2010). D’autres recherches se sont également penchées, de façon plus exploratoire, sur les préférences que les citoyens pourraient avoir pour d’autres systèmes politiques que ceux dans lesquels ils vivent. Mobilisant des questionnaires auprès d’échantillons nationaux (Webb, 2013, Coffé and Michels, 2014, Bengtsson and Christensen, 2016), combinés à des entretiens (Bedock and Pilet, 2021), ou des focus groups (Gourgues et al., 2021), ces études montrent une pluralité des aspirations citoyennes et des soutiens variés aux réformes démocratiques. Ainsi, et contrairement à ce que prétendaient Hibbing et Theiss-Morse dans Stealth Democracy (2002), il n’y a pas de préférence univoque pour un modèle de décision publique. Ces études soulignent néanmoins, pour la plupart, la prégnance de l’idée de division du travail politique dans les visions populaires de la démocratie.

Au-delà de ces tendances lourdes inégalitaires et des préférences démocratiques assez abstraites, la non‑participation – en-dehors de l’abstention électorale – est cependant rarement analysée de façon frontale (Jacquet, 2020, Mazeaud and Talpin, 2010, Sainty, 2016). Celle-ci questionne pourtant de façon fondamentale les multiples injonctions à participer actuelles, notamment au travers des tentatives de renouvellement de la démocratie représentative par l’introduction de dispositifs participatifs. À quoi bon promouvoir une participation plus active et égalitaire des citoyens si ceux-ci n’y aspirent pas ? Quel sens donner à cette non-participation et comment l’expliquer ? Est-il possible de distinguer aspiration à la délégation, résignation, aliénation ou refus militant ? Que signifie cette non-participation au regard de la mise en tension des régimes représentatifs et de leur possible dépassement ?

La session thématique rassemble des propositions qui analysent les sources, les formes et les conséquences de l’absence d’engagement dans les dispositifs de participation publique.

 

The participatory imperative is supported by a heterogeneous galaxy of actors and is embodied in multiple devices with different manifest objectives (Elstub and Escobar, 2019). But very often, these experiments face the same difficulty: the negative response of citizens to the invitation to participate as well as the very low interest in these devices (Jacquet, 2020). This phenomenon is a problem feared by the initiators of participatory budgets, deliberative assemblies and protest groups. Despite mobilisation efforts, the fear that no one will come, or that the participating publics will not correspond to those imagined, is unavoidable and real.

Because of the methodological difficulties, non-participation has often been treated indirectly. On the one hand, some studies analyses who are the non-participants based on participants’ profile. Findings indicate the over-representation of the most educated social categories and the absence of the most precarious publics (Griffin et al., 2015, Petit, 2014), although some work shows contrasting results (Neblo et al., 2010). Other research has also invested, in a more exploratory way, in the preferences that citizens might have for political systems other than the one in which they live. Using questionnaires with representative samples of the population (Webb, 2013, Coffé and Michels, 2014, Bengtsson and Christensen, 2016), combined with interviews (Bedock and Pilet, 2021), or focus groups (Gourgues et al., 2021), these studies show plural citizen aspirations and varied support for democratic reforms. Thus, contrary to what Hibbing and Theiss-Morse claimed in Stealth Democracy (2002), there is no univocal preference for a particular model of public decision-making. Nevertheless, most of these studies emphasise the importance of the idea of the division of political labour in popular visions of democracy.

Beyond these unequal general trends and fairly abstract democratic preferences, non-participation – apart from electoral abstention – is rarely analysed for itself (Mazeaud and Talpin, 2010, Sainty, 2016). Yet it fundamentally questions the many current injunctions to participate, particularly through attempts to renew representative democracy by introducing participatory mechanisms. What is the point of promoting a more active and egalitarian participation if citizens do not aspire to it? What meaning can be given to this non-participation and how can it be explained? Is it possible to separate aspiration to delegation, resignation, alienation and militant refusal? What does this non-participation mean in terms of the possibility of overcoming representative regimes?

This thematic session will bring together papers analysing the sources, forms and consequences of the absence of engagement in participatory mechanisms.

 

Références / References

Bedock, C. & Pilet, J.-B. (2021) Convergence et incompatibilités dans les préférences des citoyens quant à l’organisation de la démocratie en France. IN Damay, L. & Jacquet, V. (Eds.) Les transformations de la légitimité démocratique. Louvain-la-Neuve, Académia-L’Harmattan.

Bengtsson, Å. & Christensen, H. (2016) Ideals and Actions: Do Citizens’ Patterns of Political Participation Correspond to their Conceptions of Democracy? Government and Opposition, 51, 234-260.

Coffé, H. & Michels, A. (2014) Education and support for representative, direct and stealth democracy. Electoral Studies, 35, 1-11.

Elstub, S. & Escobar, O. (2019) Handbook of Democratic Innovation and Governance, Cheltenham, Edward Elgar Publishing.

Gourgues, G., Mazeaud, A., Nez, H., Sainty, J. & Talpin, J. (2021) Les Français veulent-ils plus de démocratie ? Analyse qualitative du rapport des citoyens à la politique. Sociologie, 12, 1-19.

Griffin, J., Abdel-Monem, T., Tomkins, A., Richardson, A. & Jorgensen, S. (2015) Understanding Participant Representativeness in Deliberative Events: A Case Study Comparing Probability and Non-Probability Recruitment Strategies. Journal of Public Deliberation, 11, 1-26.

Jacquet, V. (2020) Comprendre la non-participation. Les citoyens face aux dispositifs délibératifs tirés au sort, Bruxelles, Peter Lang.

Mazeaud, A. & Talpin, J. (2010) Participer pour quoi faire? Esquisse d’une sociologie de l’engagement dans les budgets participatifs. Sociologie, 1, 357-374.

Neblo, M. A., Esterling, K. M., Kennedy, R. P., Lazer, D. M. J. & Sokhey, A. E. (2010) Who Wants To Deliberate—And Why? American Political Science Review, 104, 566-583.

Petit, G. (2014) Participations ordinaires et extraordinaires. Des appropriations différenciées d’une offre institutionnelle de participation municipale. Participations, 10, 85-120.

Sainty, J. (2016) Comprendre le désintérêt des citoyens pour la participation : un chantier à venir ? Participations, 16, 267-283.

Webb, P. (2013) Who is willing to participate? Dissatisfied democrats, stealth democrats and populists in the United Kingdom. European Journal of Political Research, 52, 747-772.

Axe 1 / Désintérêt et non-participation des citoyens

Président.e de séance : à définir
Discutant.e.s : Jessica Sainty et Vincent Jacquet

Vincent Jacquet (Université de Namur) et Jessica Sainty (Avignon Université, LBNC), La non-participation : ressorts et impensés des dispositifs de participation publique

Boris Metsagho Mekontcho (Université de Dschang-Cameroun), Comprendre le désintérêt des citoyens Camerounais pour les dispositifs participatifs à l’ère de la décentralisation

Julien O’Miel (Université de Lille, CERAPS), Ressorts et effets de l’inexistence d’une demande sociale de participation. Activistes et élu·e·s face à une offre de débat public

Rosa Kindt (Political Science Department, Institute for Management Research, Radboud University Nijmegen), Quality of participation and legitimacy perceptions of populist citizens

Axe 2 / Les dispositifs participatifs à l’épreuve de la « non demande » sociale de participation

Président.e de séance : à définir
Discutant.e.s : Jessica Sainty et Vincent Jacquet

Margaux De Barros (Université libre de Bruxelles), Limiter ou refuser l’engagement militant ? La pluralité des modes de participation au sein de Reclaim The City au Cap

Benjamin Leclercq (Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, UMR LAVUE, CRH), Les HLM : la non-participation des locataires à l’épreuve de la marchandisation de l’ingénierie participative

Elodie Bordat-Chauvin (Université Paris 8, CRESPPA-CRESPPA-LabTop), La non-participation culturelle des habitant·es des classes populaires en Seine-Saint-Denis

Marion Lang (Université Jean Monnet Saint-Etienne, Triangle), Les logiques de participation des classes populaires. Une enquête à Barcelone et Marseille

BORDAT-CHAUVIN Elodie Elodie.bordat-chauvin@univ-paris8.fr

DE BARROS Margaux margaux.de.barros@ulb.be

JACQUET Vincent vincent.jacquet@unamur.be

KINDT Rosa rosa.kindt@ru.nl

LANG Marion marion.lang@univ-st-etienne.fr

LECLERCQ Benjamin benjaminleclercq34@gmail.com

METSAGHO MEKONTCHO Boris metsaghomekontcho@gmail.com

O’MIEL Julien julien.omiel@gmail.com

SAINTY Jessica jessica.sainty@univ-avignon.fr