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ST 45

Micro-macro. Enjeux méthodologiques des analyses à plusieurs niveaux

Micro-macro. Methodological issues of combining levels of analysis

 

Responsables scientifiques :

Claire Dupuy (Sciences Po Grenoble – Pacte) claire.dupuy@sciencespo-grenoble.fr
Camille Hamidi (Université de Lyon/Triangle) camillehamidi@hotmail.com

Les niveaux auxquels mener l’analyse soulèvent des questions classiques dans la construction des recherches de sciences sociales. L’articulation des niveaux, en particulier, a suscité un ensemble de réflexions que cette proposition de section thématique souhaite remettre sur le métier. Il est clairement établi que l’explanandum (ce qu’une recherche souhaite expliquer), l’explanans (les explications), les unités d’analyse et la collecte de données peuvent être situés à différents niveaux. On pense par exemple à la distinction et aux combinaisons établies par Sawicki entre le micro/macrologique, pour penser le niveau de l’analyse, et le micro/macroscopique, pour spécifier le type et le niveau de la méthode mise en œuvre (2000) ; ou aux erreurs classiques d’inférence que sont l’erreur atomistique et l’erreur écologique. Les enjeux méthodologiques des analyses à plusieurs niveaux sont essentiels et cette section thématique se propose de les revisiter. En effet, si la plupart des grandes œuvres théoriques contemporaines cherchent à penser simultanément les niveaux micro et macro (que l’on pense aux travaux de Bourdieu, Giddens ou Boltanski par exemple), leur mise en œuvre empirique continue de soulever de nombreux défis.

De fait, plusieurs recherches récentes incitent à renouveler ces questionnements. En remettant en cause le nationalisme méthodologique (Wimmer, Glick, Schiller, 2002), les sociologues de l’international ont assez tôt cherché à préciser la façon dont les niveaux nationaux et transnationaux s’articulent, dans les allégeances individuelles, les flux financiers ou de personnes, pour prendre l’exemple des questions migratoires (Portes, 2003 ; Levitt, Jaworsky, 2007). Les travaux s’inspirant de l’anthropologie politique s’interrogent également largement sur ces questions, sous un angle plus spécifiquement méthodologique, autour des débats sur l’ethnographie multi-située (Marcus, 1995). Plus récemment, des travaux quantitatifs en sociologie politique ont introduit les générations dans l’étude des comportements politiques individuels, incluant ainsi dans leurs analyses les contextes historiques de socialisation politique des individus, marqués par des valeurs, des idées et des institutions distinctes (cf. Tiberj, 2017; Grasso et al, 2017 ; voir également sur le rôle précis des politiques publiques Campbell, 2012 ; Mettler & Soss, 2004). L’articulation du macrologique et du micrologique est alors posée frontalement. De la même façon, l’analyse des politiques publiques est confrontée à cette question avec la prise en compte de « la globalisation » ou des idées néolibérales pour rendre compte des changements de politique dans certains secteurs et à certaines échelles territoriales (e.g. Maroy et al, 2017 ; Hay & Rosamond, 2002; Schmidt & Thatcher, 2013). Les travaux de sociologie politique plus qualitatifs sont également à nouveau confrontés à ces questions classiques (Briquet, Sawicki, 1989 ; Fine, 2010). Ainsi, dans l’analyse des processus de catégorisations ethniques par exemple, la plupart des études se sont intéressées soit aux pratiques de catégorisation officielles, souvent étatiques, (Simon, Martiniello, 2005), soit à l’étude des pratiques profanes et ordinaires (Brubaker, Loveman, Stamatov, 2004 ; Avanza Laferté, 2005). L’articulation entre les deux, plus rare, a pu tendre à proposer soit d’ambitieuses comparaisons internationales risquant d’uniformiser à l’excès chaque cas national (Lamont, Thévenot, 2000), soit des approches monographiques qui pouvaient perdre de vue le niveau macro. Récemment, des tentatives se font jour pour proposer des analyses ethnographiques comparées tenant ensemble ces deux niveaux (Voisin, 2017 ; Haapajärvi, 2018).

Le contexte nous paraît donc propice pour reposer aujourd’hui cette question de l’articulation empirique des différents niveaux d’analyse. Plus précisément, deux séries d’interrogations sont au cœur de cette proposition de section thématique :

1/ Comment travailler le caractère indéfini et évolutif des niveaux d’observation et d’analyse d’une part ?

2/ Comment identifier, tant sur les plans théorique que méthodologique, les mécanismes qui articulent différents niveaux d’analyse ?

 

Issues pertaining to levels of analysis are certainly amongst the most recurrent questions of research design in social sciences. This panel focuses on one of these issues, that of the combination of levels of analysis. The existing scholarly literature provides insights to draw from. It is already well established that the explanandum (what a research aims to account for), the explanans (the explanations), the unit of analysis and collected data can be located at different levels (see for instance Sawicki’s distinction between the level of analysis and the level and method of data collection, 2000). Pitfalls of combining levels of analysis are also well-known, such as the ecological and atomistic fallacies. Issues associated to the combination of levels of analysis are therefore key and yet, they are still somehow underexplored from a methodological, empirical and theoretical perspective. This panel proposes to put them to the fore.

Recent strands of research support this agenda and suggest ways forward. In international relations, some studies have criticized what they call methodological nationalism (Wimmer, Glick Schiller, 2002). In migration studies for instance, their analyses of individual sense of belonging, remittances and migration flux have emphasized how the national and transnational levels are combined (Portes, 2003 ; Levitt, Jaworsky, 2007). From a merely methodological angle, political anthropology also contributed to the debate with its focus on multi-sited ethnography (Marcus, 1995). In yet another body of scholarship, quantitative studies in comparative politics have started to include political generations in their account of individual political behaviors, thereby stressing the role of historically changing contexts of political socialization and their distinctive values, ideas and institutions (cf. Tiberj, 2017; Grasso et al, 2017; see also on the role of public policies Campbell, 2012 ; Mettler & Soss, 2004). In these cases, the issue of the articulation of macro and micro levels stands at the centre. Similarly, comparative public policy has also dealt with the issue in studies of globalization and research on neoliberal ideas and their impact on policies in various policy sectors and at different levels of government (e.g. Maroy et al, 2017 ; Hay & Rosamond, 2002; Schmidt & Thatcher, 2013). Nowadays, qualitative studies in political sociology are also facing these classical issues (Briquet, Sawicki, 1989 ; Fine, 2010). The study of processes of ethnic categorizations are illustrative. Most works focus either on official categorizations, mostly produced by central states (Simon, Martiniello, 2006), or on ordinary practices of categorization (Brubaker, Loveman, Stamatov, 2004; Avanza Laferté, 2005). Studies that attempt to think both levels at once are scarce. They tend either to offer wide international comparisons, which can be over-unifying of each national case (Lamont, Thévenot, 2000), or monographic studies, which can loose sight of the macro level. But recently, some scholars have attempted to draw comparative ethnographic analyses, in order to grasp both levels (Voisin, 2017; Haapajärvi, 2018).

Recent scholarship thereby opens insightful avenues to further elaborate on the issue of combining levels of analysis. Two lines of inquiry will more specifically be explored in the panel:

  • How to deal with the fact that the level of observation and analysis is undetermined and changing?
  • From a methodological and theoretical perspective, what are the mechanisms articulating the micro and macro levels of analysis?

 

REFERENCES

Avanza M., Laferté G., 2005, « Dépasser la « construction des identités » ? Identification, image sociale, appartenance », Genèses, 61, pp. 154-167

Briquet J-L, Sawicki F., 1898, « L’analyse localisée du politique », Politix, 2 (7-8), pp. 6-16

Brubaker R., Loveman M., Stamatov P., 2004, « Ethnicity as Cognition », Theory and Society, 33, pp. 31-64

Campbell, A. L., 2012, « Policy Makes Mass Politics », Annual Review of Political Science, 15, pp. 333‑351

Grasso, M. T., Farrall, S., Gray, E., Hay, C., & Jennings, W., 2017, «  Thatcher’s Children, Blair’s Babies, Political Socialization and Trickle-down Value Change: An Age, Period and Cohort Analysis », British Journal of Political Science, pp. 1‑20

Hay, C., & Rosamond, B., 2002, «  Globalization, European Integration and the Discursive Construction of Economic Imperatives », Journal of European Public Policy, 9(2), pp. 147‑167

Lamont M., Thévenot L. (dir.), 2000, Rethinking Comparative Cultural Sociology, Repertoires of Evaluation in France and the US, Cambridge, Cambridge University Press.

Levitt P., Jaworsky N., 2007, « Transnational Migration Studies: Past Developments and Future Trends », Annual Review of Sociology, 33, pp. 129-156

Marcus G., 1995, « Ethnography In/Of the World System: The Emergence of Multi-Sited Ethnography », Annual Review of Anthropology, 24, pp. 95-117

Maroy, C., Pons, X., & Dupuy, C., 2017, « Vernacular Globalisations Accountability in Education Policy in France and Quebec », Journal of Education Policy, 32(1), pp. 100‑122

Mettler, S., & Soss, J., 2004, « The Consequences of Public Policy for Democratic Citizenship. Bridging Policy Studies and Mass Politics », Perspectives on Politics, 2(1), 55‑73

Portes A., (2003), « Theoretical Convergences and Empirical Evidence in the Study of Immigrant Transnationalism », International Migration Review, 37 (3), pp. 874-892

Sawicki F., 2000, « Les politistes et le microscope », in Bachir (Myriam), dir., Les méthodes au concret, Paris, PUF, pp. 143-164

Schmidt, V. A., & Thatcher, M. (eds), 2013, Resilient Liberalism in Europe’s Political Economy, Cambridge, Cambridge University Press

Simon P., Martiniello M., 2005, « Les enjeux de la catégorisation. Rapports de domination et luttes autour de la représentation dans les sociétés post-migratoires », Revue européenne des migrations internationales, 21-2, pp. 7-17

Tarrow S., McAdam D., 2005, « Scale Shift in Transnational Contention » in Della Porta D., Tarrow S., eds, Transnational Protest and Global Activism, Lanham, Rowman & Littlefield

Tiberj, V., 2017, Les citoyens qui viennent. Comment le renouvellement générationnel transforme la politique en France, Paris, Presses Universitaires de France

Wimmer A., Glick Schiller N., 2002, « Methodological Nationalism and Beyond: Nation-State Building, Migration and the Social Sciences », Global Networks, 2 (4), pp. 301–334

Axe 1 / L’articulation Micro. Macro à partir d’outils analytiques

Présidente de séance : Camille Hamidi (Université de Lyon/Triangle)
Discutante : Claire Dupuy (Sciences Po Grenoble – Pacte)

Vincent Lebrou (Université de Strasbourg), Du local à Bruxelles : le champ bourdieusien comme outil d’analyse de la mise en œuvre

Paul Lehner (ISP, Université de Paris Nanterre), Cécile Mathou (Université de Montréal), Clément Pin (LIEPP, Sciences Po Paris), Agnès van Zanten (OSC-LIEPP, Sciences Po Paris), L’articulation micro-macro au prisme du cadrage dans l’action publique. Le cas des politiques d’orientation vers l’enseignement supérieur

Pierre Wokuri (Sciences Po Rennes, Arène), L’épreuve de la comparaison, la comparaison à l’épreuve : confronter cas nationaux et observations locales pour analyser les projets coopératifs d’énergie renouvelable au Danemark, en France et au Royaume-Uni

Axe 2 / L’articulation Micro. Macro par les sites d’observation

Présidente de séance : Claire Dupuy (Sciences Po Grenoble – Pacte)
Discutante : Camille Hamidi (Université de Lyon/Triangle)

Boris Auttencourt (EHESS, CESSP), Une approche multi-niveaux de la visibilité intellectuelle : institutions, producteurs, publics

Marine Bourgeois (Triangle, Université Jean Monnet de Saint-Etienne), Articuler les niveaux d’analyse pour hiérarchiser les explications. Réflexions à partir d’une enquête ethnographique sur la gestion du logement social en France

Camille Escudé (Sciences Po Paris, CERI), Analyses à plusieurs niveaux et jeux d’échelles dans l’étude de la gouvernance régionale arctique

ATTENCOURT Boris borisattencourt@gmail.com

BOURGEOIS Marine marine.bourgeois@sciencespo.fr

DUPUY Claire claire.dupuy@sciencespo-grenoble.fr

ESCUDE Camille camille.escude@sciencespo.fr

HAMIDI Camille camillehamidi@hotmail.com

LEBROU Vincent vincent.lebrou@misha.fr

LEHNER Paul lehnerpaul@outlook.fr

MATHOU Cécile cecile.mathou@gmail.com

PIN Clément clement.pin@sciencespo.fr

VAN ZANTEN Agnès agnes.vanzanten@sciencespo.fr

WOKURI Pierre pierrewokuri@hotmail.com