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ST 73

La science politique face au défi conceptuel des nouvelles formes d’entreprises politiques

(Re)conceptualizing new forms of political parties and movements ?

 

Section thématique portée par le Groupe AFSP « Engagements politiques »

Responsables scientifiques :

Rémi Lefebvre (Université de Lille, CERAPS) remi.lefebvre@univ-lille.fr
Frédéric Sawicki (Université Paris 1, CESSP) frederic.sawicki@gmail.com

Au cours de la décennie écoulée, de nouvelles entreprises politiques ont émergé dans plusieurs démocraties libérales avec la prétention de remettre en cause les manières traditionnelles de faire parti. Podemos, voire Ciudadanos en Espagne, le Tea Party aux Etats-Unis, le Movimiento Regeneración Nacional (MORENA) au Mexique, Cinque Stelle en Italie, La France Insoumise, La République en Marche ou Génération-s en France…, se distinguent ainsi par des formes renouvelées de mobilisation et de structuration, obligeant les politistes à repenser ou, a minima, à réajuster leurs catégories d’analyse du phénomène partisan. Quoique de positionnements idéologiques divers et souvent opposés, ces organisations présentent quelques caractéristiques communes (Sawicki, 2018). Elles rejettent non seulement le qualificatif mais les formes habituelles de l’organisation et de l’action partisanes au profit du qualificatif et de la forme « mouvement ». Leurs protagonistes refusent de mettre en avant un corps de doctrine bien identifié, ils récusent bien souvent le clivage gauche-droite et affichent une forme de pragmatisme idéologique et programmatique. Leur structuration est lâche et souvent informelle. L’adhésion se fait souvent à distance et se révèle labile et intermittente. Elle est dématérialisée grâce à des plateformes numériques qui constituent souvent l’ossature de l’organisation. Les formes classiques de démocratie interne (courants et congrès) sont rejetées tout comme une structuration territoriale qui s’arrimerait aux formes classiques de localisme partisan. En Marche et La France Insoumise partagent ainsi une commune défiance à l’égard des sensibilités organisés et des « notables » locaux (Lefebvre, 2018). La participation est directe à travers des votes en ligne qui déterritorialisent pour partie l’engagement. Leur fonctionnellement est marqué par un équilibre, variable selon les organisations, d’horizontalité participative et de très forte centralisation décisionnelle autour d’un leader qui incarne fortement l’organisation. Contre le formalisme, elles valorisent l’efficacité, l’adaptabilité voire une légitimité d’inspiration nettement managériale. Ces nouvelles entreprises politiques sont-elles souples, organisées en réseaux informels, faiblement institutionnalisées et très personnifiées parce qu’elles sont nouvelles ou annoncent-elles l’ouverture d’une nouvelle ère où les « partis », si l’appellation subsiste, sont voués à être intermittents à raison notamment des changements dans le mode de relation entre les citoyens et la politique découlant de la révolution numérique ? Une grande incertitude pèse sur leur devenir et le scénario d’une institutionnalisation ou d’une normalisation de ces organisations encore jeunes est probable.

La section thématique propose moins d’analyser ces nouvelles organisations pour elles-mêmes, à travers des approches monographiques, que de discuter des meilleurs outils conceptuels pour les penser. Sans céder au fétichisme typologiste (Offerlé, 2018), à quelle catégorie ou idéaltype d’entreprise politique peut-on rattacher ces organisations ? Est-on face à des « partis-mouvements », des « partis-plateforme », un nouvel avatar des « partis entreprises », voire dans certains cas à des « partis-comités » évoquant les premiers temps du suffrage universel ? Ces diverses labellisations méritent d’être stabilisées, affinées, mieux circonscrites. En quoi ces sociations perturbent-elles ou peuvent-elles enrichir les diverses approches de la sociologie des partis (approche sociétale, organisationnelle, institutionnelle, entrepreneuriale…) ? Ne constituent-elles pas la dernière traduction d’un phénomène de professionnalisation des partis à mieux spécifier  ou, à l’inverse, sont-elles le contre-coup du processus de cartellisation diagnostiqué par Richard Katz et Peter Mair ? Le modèle du multi-speed membership mis en évidence par Susan Scarrow est-il heuristique ou est-on confronté à des Parties without partisans ? etc.

Nous proposons aux intervenants de présenter les outils, notions, traditions de recherche avec lesquels ils abordent empiriquement leur terrain ou de reconsidérer leur étude de cas à l’aune de la comparaison. Les communications ne feront pas l’objet d’une présentation par auteur mais une discussion d’ensemble les mobilisant à travers des questions sera proposée, plus à même de discuter de ces défis conceptuels.

 

Over the past decade, new political movements or parties have emerged in many liberal democracies claiming to challenge traditional political parties. Podemos and maybe Ciudadanos in Spain, the Tea Party in the United States, the Movimiento Regeneración Nacional (MORENA) in Mexico, Cinque Stelle in Italy, La France Insoumise and La République en Marche in France, claim to renew the forms of mobilization and organization associated with traditional parties. It forces scholars to rethink or to readjust their categories of analysis of the partisan phenomenon. Beyond their ideological differences, these organizations share some common features (Sawicki, 2018). They reject not only the category but the usual forms of partisan organization and action in favour of the qualifier and the form « movement ». Their leaders refuse to put forward a well-identified body of doctrine, often reject the left-right divide and display a form of pragmatism. Their organisation is loose and often informal. Membership is often remote and is intermittent. Membership is dematerialized through digital platforms that often form the backbone of the organization. The classical forms of internal democracy (factions and congresses) are rejected as well as a territorial structure. En Marche and La France Insoumise for instance share a common mistrust of organized factions and local « notables » (Lefebvre, 2018). Participation is direct through online voting that partly deterritorializes membership. Their function is marked by a mix, varying from one organization to another, of participatory horizontality and very strong centralization of decision-making around a leader who strongly embodies the organization. Against formalism, they value efficiency, adaptability and even a clearly managerial legitimacy. Are these new political enterprises flexible, organized in informal networks, weakly institutionalized and highly personified because they are new or do they herald the beginning of a new era in which « parties », if the name remains, will be intermittent, particularly because of changes in the way citizens relate to politics as a result of the digital revolution? There is great uncertainty about their future and the scenario of institutionalisation or standardisation of these still young organisations could not be denied.

Rather than analyzing these new organisations for themselves, through monographic approaches, this panel proposes to discuss the best conceptual tools to think about them. Without giving in to typological fetishism (Offerlé, 2018), to which category or idealtype of political enterprise can these organizations be linked? Are we facing « party-movements », « platform parties », a new avatar of « enterprise parties », or even in some cases electoral committees as in the early days of universal suffrage? These various labels deserve to be stabilized, refined and better circumscribed. How do these « political enterprises » disturb or enrich the various approaches of party theory (societal, organizational, institutional, entrepreneurial, etc.) ? Don’t they embody the latest avatar of a phenomenon of professionalization of parties or are they on the contrary the reverse of the cartelization process diagnosed by Richard Katz and Peter Mair ? Is the multi-speed membership model highlighted by Susan Scarrow heuristic or are we confronted with non-partisan parties?

We propose the speakers to present the tools, concepts, research traditions… in which they embed their empirical analysis. The papers will not be presented by the authors but an overall discussion mobilizing them through questions will be proposed, allowing for a proper collective discussion of these conceptual challenges.

 

REFERENCES

Conti (N.), Tronconi (F.), « Le Mouvement Cinq Étoiles. Organisation, idéologie et performances électorales d’un nouveau protagoniste de la politique italienne », Pôle Sud, 45, 2016.

Dalton (R. J.), Wattenberg (M. P.) (eds), Parties Without Partisans: Political Change in Advanced Industrial DemocraciesOxford – New York, Oxford University Press, 2000.

Douzou (M.), Le conservatisme américain en mouvement. Enquête sur le Tea Party en Pennsylvanie, Thèse pour le docto- rat d’études anglophones, Université Lumière Lyon 2, 2017.

Lefebvre (R.), « Vers un nouveau modèle partisan ?
Entre déclassement des partis de gouvernement et avènement des partis-mouvements », Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux, 16, 2018

Nez (H.), Podemos. De l’indignation aux élections, Paris, Les Petits matins, 2015,

Rayner (H.), « Le Mouvement 5 étoiles en Italie : un populisme assumé », Questions internationales, 83, 2017.

Sawicki (F.), « Les partis politiques sont-ils voués à disparaître ? » in Daniel Gaxie, Willy Pelletier, dir., Que faire des partis politiques, Editions du Croquant, 2018.

Scarrow (S.), Beyond Party Members : Changing Approaches to Partisan Mobilization, Oxford, Oxford University Press, 2015.

Introduction générale : Rémi Lefebvre et Frédéric Sawicki

Axe 1 /Quels modèles théoriques pour penser les nouvelles entreprises politiques ?

Discutant : Rémi Lefebvre

Manuel Cervera-Marzal (LabexMEd, Aix-Marseille, DICE), Le “populisme de gauche”, défi analytique pour la science politique ? Sociologie comparée de la France insoumise et de Podemos »

Fabien Escalona (Université de Grenoble / Cevipol ULB), Solutions transformistes et assauts barbares contre les systèmes partisans cartellisés : aux deux sources des « partis-mouvements

Héloïse Nez (Université de Tours, UMR CITERES), La catégorie de « parti-mouvement » est-elle utile pour analyser les nouvelles formes d’entreprises politiques ?

Arthur Renault (ARENES, Université de Rennes 1 / Institut d’Études Politiques de Rennes), Faire parti à l’ère et à l’aune du numérique. Le « politics hacking » du parti pirate français

Axe 2 / Penser les partis en interaction avec les groupes sociaux et politiques

Discutant : Frédéric Sawicki

Clément Claret (Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po), Influencer plutôt que remplacer ? Ce que Momentum et sa relation au parti travailliste disent des nouvelles formes d’entreprise politique

Marion Douzou (Université de Paris 1, CESSP), La nébuleuse Tea Party: un défi aux normes politiques et scientifiques

André Marenco (Département de Science Politique, Université Fédérale du Rio Grande do Sul, Brésil) et José Vicente Tavares Dos Santos (Institut Latino-Américain d’Études Avancées, Université Fédérale du Rio Grande do Sul, Brésil), Quand les militaires reviennent par les ballots et non par les bullets : La place des militaires et policiers au sein du Parti social libéral brésilien en 2018

Valentin Soubise (Université Paris 1, CESSP), Valorisation symbolique du travail de care au sein du militantisme insoumis dans les quartiers populaires

CERVERA-MARZAL Manuel manuelcerveramarzal@gmail.com

CLARET Clément clement.claret@sciencespo.fr

DOUZOU Marion marion.douzou@gmail.com

ESCALONA Fabien fabien.escalona@gmail.com

LEFEBVRE Rémi remi.lefebvre@univ-lille.fr

MARENCO André amarencoufrgs@gmail.com

NEZ Héloïse heloise.nez@gmail.com

RENAULT Arthur arthur.renault@ymail.com

SAWICKI Frédéric frederic.sawicki@univ-paris1.fr

SOUBISE Valentin valentin.soubise@hotmail.fr

TAVARES DOS SANTOS José Vicente josevtavares@gmail.com