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ST 04

Genèses et évolutions du champ politique

Genesis and Evolution of the Political Field

 

Responsables scientifiques :

Alfredo Joignant (Université Diego Portales-COES, Chili) alfredo.joignant@mail.udp.cl
Daniel Gaxie (Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne) daniel.gaxie@univ-paris1.fr
Marcos Ancelovici (Université du Québec à Montréal – UQAM) ancelovici.marcos@uqam.ca

Si l’on entend par « champ politique » la formation d’un espace désencastré et différencié d’autres sphères sociales, force est de reconnaître que l’on sait peu de choses de ses origines concrètes ainsi que des temporalités qui ont présidé à sa formation, ce qui contraste avec la connaissance scientifique disponible de ses transformations plus récentes. Afin de comprendre la formation du champ politique, il est important de ne pas perdre de vue que dans son histoire convergent huit processus différents :

1)        le désencastrement d’un espace politique par rapport à d’autres sphères ou champs sociaux;

2)        les premières objectivations de positions au sein de cet espace désencastré (ministères, députations, etc.);

3)        des ensembles de positions une fois qu’ont été établies des régions étatiques, sous la forme par exemple des trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire, dont la séparation et coordination renvoient à leur tour à une histoire spécifique dans le cadre de la formation de l’Etat nation et parlementaire);

4)        des hiérarchies de positions dans chacune de ces régions séparées et différenciées de l’Etat;

5)        la mise en scène de ces positions étatiques dans des cérémonies officielles, au terme desquelles s’établissent et consacrent (au moyen des protocoles d’Etat) des rapports hiérarchiques entre des positions, ce qui se traduit non pas dans des rapports hiérarchiques entre agents individuels, mais plutôt entre des classes d’agents dont l’importance ne s’explique pas par leurs propriétés individuelles;

6)        des définitions et représentations des qualités requises pour accéder à une position dans le champ politique, surtout s’il s’agit de positions centrales, surplombantes et dominantes ;

7)        L’élargissement du droit de vote ;

8)        La formation de proto partis parlementaires, puis de partis politiques.

C’est au terme de cet ensemble de processus historiques que s’établit une logique de fonctionnement du champ politique, et donc de son autonomie fonctionnelle. Comment analyser la genèse du champ politique ? De quelles manières se sont constituées ses premières positions ? Comment appréhender le temps zéro du champ sans succomber à l’illusion des origines absolues ? Que peuvent nous enseigner sur la genèse du champ politique les processus de rétablissement de cet espace une fois terminées des guerres civiles ou des dictatures ?

À n’en point douter, le champ politique est le résultat d’un ensemble d’histoires longues. Il n’empêche que depuis une vingtaine d’années, on observe des transformations profondes de son fonctionnement, aussi bien dans les pays développés que dans les nations du sud global. C’est ainsi que l’on constate l’apparition de nouveaux acteurs du jeu politique qui défient l’organisation symbolique du champ sous la forme de l’axe gauche-droite, un rejet des partis politiques dits « traditionnels », ainsi qu’une autonomisation du fonctionnement du champ politique qui se traduit par des formes massives de défection, d’exit et d’abandon du militantisme et de la participation électorale. Le corollaire de ces formes de désaffection est un processus de professionnalisation de la politique qui est de plus en plus défié par des partis, des mouvements et des leaderships « populistes ».

Dans un article célèbre publié en 1981, Pierre Bourdieu montrait comment les agents qui dominaient le champ politique adoptaient une posture collective cherchant à avorter toute entreprise de subversion de l’ordre du champ, de sa logique de fonctionnement et ses conventions. 37 ans plus tard, les entreprises de subversion se sont multipliées et, dans bien de champs nationaux, sont parvenues à déclasser les forces politiques qui étaient autrefois dominantes. L’effet n’est pas seulement formel. Derrière le déclassement de partis politiques traditionnels, on retrouve tout un ensemble de transformations de la façon de jouer les jeux du champ politique, ainsi que de ses enjeux. Mais en même temps, l’inertie du champ politique est bien réelle, comme en témoigne l’apprentissage de pratiques politiques à la fois critiquées et adoptées par des nouveaux joueurs, y compris par ceux qui rejetaient les compromissions et collusions des joueurs traditionnels (à cet égard, le cas de Syriza en Grèce est tout à fait révélateur).

Les organisateurs de cette section thématique espèrent accueillir des communications faisant état des recherches empiriques, sans exclure des communications théoriques et méthodologiques originales, portant aussi bien sur les logiques de formation du champ politique que sur les transformations des façons d’accéder à cet espace et de jouer le jeu politique. Pour ce faire, nous prévoyons deux créneaux horaires de deux heures chacun et visons six communications (trois par créneau horaire) : le premier créneau sur les genèses du champ politique, et le second sur les transformations qui affectent cet espace.

Nous envisageons une publication sous la forme d’un ouvrage collectif ou d’un numéro spécial d’une revue, idéalement en anglais.

 

If by “political field” we mean the formation of a space disembedded and differentiated from other social spheres, then we must acknowledge that we actually know very little about its concrete origins as well as about the temporalities that have structured its formation. This situation stands in stark contrast to the stock of available scientific knowledge regarding the political field’s more recent transformations.

In order to understand the formation of the political field, it is important to bear in mind that eight different processes converge in its history:

1)        The disembeddedness of a political space with respect to other spheres or social fields;

2)        The first objectivations of positions within this disembedded space (ministries, deputies, etc.);

3)        Sets of positions after state regions have been constituted, on the basis, for example, of three powers (executive, legislative and judicial, which distinction and coordination refer in turn to a specific history in the context of the formation of the nation-state and the parliament);

4)        Hierarchies of positions in each of these distinct and differentiated regions of the state;

5)        The staging of these statist positions in official ceremonies, at the end of which hierarchical relations between them are established and consecrated (through state protocols); this translates into hierarchical relations not so much between individuals as between classes of agents whose importance cannot be explained by their individual properties;

6)        The definition and representation of the required qualities to access a position in the political field, above all if it is about central, overarching, and dominant positions;

7)        The extension of the right to vote;

8)        The formation of proto parliamentary parties, and then of political parties.

It is at the end of these historical processes that the functioning logic and functional autonomy of the political field were established. How can we analyze the genesis of the political field? How were constituted the first positions? How can we approach the point zero of the field without yielding to the illusion of absolute origins? What can the processes of restauration of this space after a civil war or a dictatorship teach us about the genesis of the political field?

The political field is undoubtedly the result of a set of long histories. However, in the last twenty years we can witness profound transformations of its functioning in developed countries as well as in the Global South. For example, new actors have entered the political game and challenged its symbolic organization based of the Left-Right axis. We can also see the rejection of “traditional” political parties as well as an autonomization of the political field that translates into massive forms of defection, exit, and abandonment of party activism and electoral participation. The corollary of these forms of disaffection is a process of professionalization of politics, which is increasingly challenged by so-called “populist” parties, movements, and leaders.

In a famous article published in 1981, Pierre Bourdieu showed how dominant agents in the political field adopted a collective posture seeking to thwart any endeavor of subversion of the state of the field and its functioning logic and conventions. 37 years later, endeavors of subversion have multiplied and, in many national fields, have managed to surpass political forces that used to be dominant. The effect is not only formal. Behind this fall of traditional parties, we find a set of changes in the stakes and the ways in which the games of the political field are played out. At the same time, however, the inertia of the political field is real, as indicates the fact that new players—including those that rejected compromises and alliances with traditional players—learn and adopt the political practices that they used to denounce. The case of Syriza in Greece is particularly telling in this respect.

The organizers of this thematic section hope to welcome papers that present empirical research—although we are open to theoretical and methodological contributions—focusing on the logics of formation of the political field or on the transformation of the ways of accessing this space and playing the political game. We plan two panels of two hours each and aim at six papers (three by panel). The first panel will address the genesis of the political field whereas the second will look at the transformations affecting it.

We contemplate to turn the panels into a publication, in the form of either an edited volume or a special issue in a journal (ideally in English).

 

REFERENCES

Marcos Ancelovici, « Esquisse d’une théorie de la contestation : Bourdieu et le modèle du processus politique », Sociologie et sociétés, vol.41, 2, 2009, p.39-61.

Pierre Bourdieu, « La représentation politique. Éléments pour une théorie du champ politique », Actes de la recherche en sciences sociales, 36-37, 1981, p.3-24.

Delphine Dulong, La construction du champ politique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.

Daniel Gaxie, La démocratie représentative, Paris, Montchrestien, 1996.

Alfredo Joignant, Acting Politics. A Critical Sociology of the Political Field, Londres et New York, Routledge, 2019.

Axe 1 / Genèses du champ politique

Président : Alfredo Joignant (Université Diego Portales-COES, Chili)
Discutant : Daniel Gaxie (Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Axel Barenboim (Université Paris Nanterre / Sophiapol), Du champ socialiste transnational aux champs politiques nationaux : contraintes légales, répression et exil dans le conflit entre internationalistes anarchistes et socialistes (1877-1881)

Christophe Le Digol (Université Paris Nanterre / ISP), Faire l’archéologie du champ politique. Processus, cycles et logiques d’autonomisation

Julien Boelaert (Université de Lille / CERAPS), Comment représenter l’espace social. Méthodes et concepts pour enrichir l’analyse topographique

Axe 2 / Évolutions du champ politique

Président : Alfredo Joignant (Université Diego Portales-COES, Chili)
Discutant : Marcos Ancelovici (Université du Québec à Montréal, Canada)

Étienne Ollion (CNRS / Université de Strasbourg, SAGE), Dans la file d’attente de la politique. Parcours et pratiques de la politique en France

Maricel Rodríguez Blanco (EHESS / CESPRA), Les reconfigurations du champ politique au prisme des élites intermédiaires issues des mouvements sociaux : l’entrée en politique des dirigeants piqueteros en Argentine

Anne Bellon (Université Paris 1 / CESSP) et Thomas Collas (FRS-FNRS / Université Catholique de Louvain), « Entourages politiques et autonomie du champ : Une approche à partir des carrières des personnels de cabinets ministériels »

Cyril Melot (Université Paris 8 / CRESPPA-LABTOP), L’entrée des socialistes français dans le champ politique républicain : deux actes manqués ? (1879-1890)

ANCELOVICI Marcos ancelovici.marcos@uqam.ca

BARENBOIM Axel axel.barenboim@gmail.com

BELLON Anne annebellon2@gmail.com

BOELAERT Julien julien.boelaert@univ-lille.fr

COLLAS Thomas thomas.collas@gmail.com

GAXIE Daniel daniel.gaxie@univ-paris1.fr

JOIGNANT Alfredo alfredo.joignant@mail.udp.cl

LE DIGOL Christophe christophe.ledigol@parisnanterre.fr

MELOT Cyril cyril.melotyacoubi@gmail.com

OLLION Étienne ollion@unistra.fr

RODRIGUEZ BLANCO Maricel maricel.rblanco@gmail.com