le portail de la science politique française
Responsables scientifiques :
Raphael Cos (LAET / ENTPE – CERAPS / Université de Lille) rafael.cos@univ-lille.fr
Eve Fouilleux (LISIS / Université Gustave Eiffel et MOISA / Cirad) eve.fouilleux@cirad.fr
Guillaume Gourgues (Université Lyon 2, TRIANGLE) guillaume.gourgues@univ-lyon2.fr
Section thématique organisée par le groupe Institutions, Action Publique et Gouvernement de l’AFSP.
La ST organisée par le Groupe IAPG propose d’explorer le rôle des acteurs privés dans la production de l’action publique et les stratégies qu’ils mettent en œuvre dans ce domaine. Elle suit le parti-pris selon lequel la sociologie de l’action publique a tout à gagner à l’analyse des différentes formes d’« action privée » qui concourent à la fabrique des politiques publiques, en s’interrogeant sur la fabrique du « gardiennage » du bien public par les acteurs privés. Ce questionnement s’ancre dans l’actualité – la crise sanitaire ayant (re)mis sur l’agenda médiatique l’intervention directe des acteurs privés dans la prise en charge de biens publics – mais fait aussi écho à des transformations au plus long cours. D’une part, un ensemble de domaines historiquement pris en charge par l’Etat se redéploie en suivant de nouvelles lignes de partage entre le public et le privé – que l’on pense ici à la production de la monnaie, confiée hier aux banques privées sous le patronage de la Banque centrale, revendiquée et disputée aujourd’hui par Facebook et les opérateurs du bitcoin ; à la production de l’espace urbain et à la place croissante des fonds d’investissement en immobilier comme Blackstone ; à la production de données et de statistiques, comme dans le cas des normes comptables des entreprises, désormais confiées à l’organisme privé IASB ; à la sécurité publique et à l’émergence de dispositifs privés type Voisins vigilants, etc. D’autre part, cette logique est aussi repérable dans le cas de « secteurs » en voie de constitution, où la régulation publique n’existe pas a priori – on pense ici au domaine de la cybersécurité, où des firmes telles que Microsoft se positionnent comme des entrepreneurs juridiques, susceptibles de disputer aux bureaucraties diplomatiques et militaires leur monopole de l’édiction des règles et des modalités de régulation des conflits dans le domaine cyber ; aux initiatives de régulation sociale et environnementale des chaines de valeur mondiales de matières premières et de produits manufacturés sous la férule de banques d’investissement, grandes entreprises et ONG internationales ; ou encore aux marchés de droits de pollution.
L’objectif de cette ST consiste à interroger les redéploiements sectoriels du partage public-privé, sur les plans à la fois empiriques et théoriques. Elle s’inscrit dans les débats autour des deux catégorisations classiques du « pouvoir » des firmes privées, comme pouvoir instrumental – les firmes s’organisent stratégiquement de façon à faire prévaloir leurs intérêts particuliers – ; et comme pouvoir structurel, c’est-à-dire logé dans la nature même de leurs activités. L’objectif d’ensemble est d’avancer vers une investigation les « trous noirs du pouvoir », où les acteurs privés entreprennent d’infléchir, au contact des acteurs publics, les règles instituées de l’action publique. Elle s’inspire également des recherches récentes qui entreprennent une sociologie de la production de l’ignorance, de sa fabrique dans les forums de politiques publiques, ou qui examinent les ressorts de l’inaction publique. Si le recours aux instruments de marché comme recette d’action publique est désormais bien renseigné, nous proposons aussi de nous interroger sur les velléités « gouvernementales » des acteurs privés et leurs tentatives diverses de contrôle des espaces de débat des politiques publiques, pour chercher à déterminer jusqu’où les firmes peuvent être considérées comme des « lawmakers » ou des « policy makers », en lieu et place des autorités publiques.
La section sera divisée en deux axes principaux. Un premier axe propose d’aborder la question des stratégies mises en œuvre par les acteurs privés pour peser de manière effective sur les choix publics dans une variété de secteurs et d’échelles : les travaux réunis dans cet axe questionnent l’existence et les conditions de réussite de ces stratégies, en interrogeant notamment la manière dont les acteurs publics les favorisent, les enrôlent où leur résistent. Un deuxième axe propose de saisir la manière dont les acteurs privés s’emploient à entraver la construction des problèmes publics. Que ce soit pour protéger des rentes, des profits ou leur propre position au sein des secteurs d’action publique, les acteurs privés s’emploient de différentes manières à éviter l’émergence de problèmes pourtant autour et au sein des institutions publiques.
The ST organised by the IAPG group proposes to explore the role of private actors within policymaking process and the strategies they implement in this field. We argue that the sociology of public policies has everything to gain by analysing the different forms of ‘private action’ that contribute to their production, by examining the ‘control’ of public goods by private actors. This questioning is rooted in current events – the pandemic crisis has (re)placed on the media agenda the direct intervention of private actors in the government of public goods – but also echoes longer-term transformations. On the one hand, a number of historically state-owned policies are being redeployed along renewed partitions between public and private sectors. For instance, one could mention the production of money which was yesterday entrusted to private banks under the patronage of Central Banks, and which is today claimed and disputed by Facebook and the Bitcoin operators; the growing role of real estate investment funds such as Blackstone in shaping urban space; the production of data and statistics, as in the case of corporate accounting standards, now entrusted to the private body IASB; public security and the emergence of private mechanisms). On the other hand, in new ‘sectors’ and policy issues, public regulation does not exist a priori – for instance, cybersecurity, where firms such as Microsoft claim to be legal entrepreneurs and dispute the monopoly of diplomatic and military bureaucracies on regulating conflicts in the cyber domain; social and environmental regulation initiatives in global commodity and manufacturing value chains under the leadership of investment banks, large corporations and international NGOs; pollution rights markets.
The objective of this ST is to question the redeployments of public-private sharing in various policies, both empirically and theoretically. It takes part of the debates about the two classical categorisations of the ‘power’ of private firms, as “instrumental power” – firms strategically organise themselves so as to ensure that their particular interests prevail – and as “structural power”, i.e. sited in the very nature of their activities. Our overall objective is to fuel an investigation of the ‘black holes of power’, where private actors undertake to bend the established rules of public action through contact with public actors. It is also inspired by recent research that undertakes a sociology of the “production of ignorance”, its manufacture in public policy forums, or that examines the reasons for public inaction. While the use of market instruments as a recipe for public action is now well documented, we also propose to examine the ‘governmental’ ambitions of private actors. We will notably discuss their various attempts to control public policy debates, in order to determine the extent to which firms can be considered as ‘lawmakers’ or ‘policy makers’, in place of public authorities.
The ST will be divided into two main topics. The first topic proposes to address the question of the strategies implemented by private actors for effectively influencing public choices in a variety of sectors and scales. The works gathered in this topic question the existence and the success of these strategies, by analysing the way public actors favour them, use them or resist them. A second topic proposes to understand the way in which private actors work to hinder the construction of public problems. Whether it is to protect rents, profits or their own position within public making process, private actors work in different ways to avoid the emergence of problems around and within public institutions.
Axe 1 / Les « stratégies » des acteurs privés dans la définition de l’action publique
Cyril Benoît (CEE, Sciences Po, CNRS), Dépendances aux acteurs privés et pouvoir institutionnel dans l’assurance santé en Belgique et en France
Rafael Cos (LAET, ENTPE), Sarah Kolopp (CESSP, Université Paris 1), Des banquiers « aux ordres » ? Sauver la finance en France lors de la crise de 2008
Soazig Dollet (CEE, Sciences Po), La Plateforme d’Accueil et d’Intégration des Réfugiés en Gironde, un instrument d’action publique initié et mis en œuvre par un acteur non-étatique
Alice Mazeaud (LIENSS, La Rochelle Université), L’assurance CatNat : des assureurs au cœur de l’État-social écologique
Jean-Baptiste Devaux (Science Po Lyon, TRIANGLE), Pour la finance, au nom des Start-up. Construire une politique publique sans son public : les politiques de soutien à l’innovation destinées aux « PME de croissance »
Axe 2 / La « non émergence » des problèmes publics
Thibault Boughedada (Université Lille 2 – CERAPS), Le bureaucrate, le géomètre et le cartographe. Externalisation et résistance à la fabrique d’un cadastre au Bénin
Keyvan Ghorbanzadeh (CESSP, Université Paris I), De la fabrique d’un non problème à la communauté de politiques publiques. Retour sur l’autorégulation publicitaire en France
Tonya Tartour (CERMES3/IFRIS), Les industries pharmaceutiques comme entrepreneur de politiques publiques ? Comment les traitements neuroleptiques retard participent à la déshopitalisation des personnes schizophrènes
Amélie Wood (CIRAD-ES-UMR MOISA/UGE-UMR LISIS), Le rôle des industriels de l’agro-alimentaire dans la formulation des politiques nutritionnelles au Sénégal, le cas des bouillons
Pierre Wokuri (CEE, Sciences Po), La diffusion et la promotion de l’idée de transparence : renforcement ou affaiblissement du pouvoir des firmes multinationales ? Analyse à partir du cas des activités pétrolières en Ouganda
BENOIT Cyril cyril.benoit1@sciencespo.fr
BOUGHEDADA Thibault thibaultbgdd@gmail.com
COS Raphael Cos rafael.cos@univ-lille.fr
DEVAUX Jean-Baptiste jeanbaptiste.devaux@sciencespo-lyon.fr
DOLLET Soazig soazig.dollet@sciencespo.fr
FOUILLEUX Eve eve.fouilleux@cirad.fr
GHORBANZADEH Keyvan keyvan.ghorbanzadeh@gmail.com
GOURGUES Guillaume guillaume.gourgues@univ-lyon2.fr
KOLOPP Sarah sarah.kolopp@univ-paris1.fr
MAZEAUD Alice alice.mazeaud01@univ-lr.fr
TARTOUR Tonya tonya.tartour@sciencespo.fr
WOKURI Pierre pierre.wokuri@sciencespo.fr
WOOD Amélie Wood amelie.wood@cirad.fr