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ST 31

Politiques de l’Anthropocène : mises en cause et responsabilités dans les dégradations environnementales

The politics of the Anthropocene:  blame and responsibilities in environmental degradations

 

Responsables scientifiques :

Annabelle Demy (IRSET / INSERM – Arènes / CNRS) annabelle.demy@univ-rennes1.fr
Benoit Giry (Sciences Po Rennes – Arènes / CNRS) benoit.giry@sciencespo-rennes.fr

 

L’Anthropocène désigne, depuis la fin des années 1990, une époque géologique marquée par le poids écologique des activités humaines. Initialement réduit à une dénomination stratigraphique controversée, le terme s’est progressivement imposé dans les recherches scientifiques, les tracts militants et les débats parlementaires pour désigner l’emprise générale des activités humaines sur le « système-Terre » ; les bouleversements climatiques, les strates sédimentaires saturées des excreta de l’activité technique de l’humanité (atomes de carbones dégradés, plastiques, résidus de pesticides, etc. ; Waters et al., 2016), la disparition massive des espèces animales et végétales (Barnosky et al., 2011), le développement de maladies environnementales (Whitmee et al., 2015), témoignent aujourd’hui, chacun à leur manière, de l’Anthropocène, i.e. du caractère délétère des activités humaines.

La valeur politique de cette construction du problème public environnemental repose sur la capacité d’ « entrepreneurs de la cause anthropique » à mettre en évidence l’existence de chaines causales entre différentes dégradations environnementales et une série diversifiée d’activités humaines. Elle suppose donc un important travail de production, de mise en circulation et de valorisation de savoirs causaux. Leur double caractère causal et anthropique confère à ces savoirs des propriétés politiques particulières : ils peuvent favoriser l’invention d’instruments de politiques publiques (Capano & Howlett, 2021) comme être convertis en accusations politiques ou juridiques (Rudiak-Gould, 2015).

En dépit de leur intérêt, ces « activités étiologiques » n’ont retenu l’attention que de quelques travaux fondateurs (Stone, 1989 ; Barthe, 2010) n’abordant pas la question environnementale. Quatre questions restent donc en suspens : (1) comment et pourquoi des chercheurs, des militants, des organes de presse, des responsables politiques, mettent-ils en relation des activités humaines et des dégradations environnementales ? (2) Quels sont les acteurs et les organisations intervenant dans la stabilisation de ces chaines causales pour en garantir la validité ? (3) Comment ces savoirs circulent-ils, comment sont-ils rendu accessibles ? (4) Sous quelles conditions ce travail social est-il sanctionné par une reconnaissance politique et, éventuellement, converti en politiques publiques concrètes, en actions en justice ou en mobilisations collectives ?

En prenant en charge ces quatre axes de questionnement, la ST Politiques de l’Anthropocène propose d’aborder, sous un angle singulier, une tradition analytique ancienne portant sur le rôle de la production des savoirs dans les processus politiques (Blume, 1974 ; Frickel & Moore, 2006 ; Bérard & Roger, 2015). Elle invitera à une réflexion sur les activités étiologiques sur trois scènes privilégiées : les sciences, les mouvements sociaux et les instances politiques (locales, nationales ou internationales). Les propositions pourront mobiliser les apports de la sociologie politique des sciences, de la sociologie des mobilisations et des mouvements sociaux et de la sociologie de l’action publique.

  

Since the end of the 1990s, the Anthropocene has referred to a geological epoch marked by the ecological impact of human activities. Initially reduced to a controversial stratigraphic denomination, the term has progressively imposed itself in scientific research, militant tracts and parliamentary debates to designate the general hold of human activities on the “Earth-system”; climatic upheavals, sedimentary strata saturated with the excreta of humanity’s technical activity (degraded carbon atoms, plastics, pesticide residues, etc.; Waters et al, 2016), the massive disappearance of animal and plant species (Barnosky et al., 2011), the development of environmental diseases (Whitmee et al., 2015), all bear witness today, each in their own way, to the Anthropocene, i.e. the noxious nature of human activities.

The political value of this construction of the environmental public problem relies on the capacity of “anthropic cause entrepreneurs” to highlight the existence of causal chains between various environmental degradations and a diverse series of human activities. It therefore implies an important work of production, circulation and valorization of causal knowledge. Its dual causal and anthropic character gives this knowledge particular political properties: it can foster the invention of public policy instruments (Capano & Howlett, 2021) as well as be converted into political blames or legal charges (Rudiak-Gould, 2015).

Despite their interest, these “etiological activities” have only received attention in a few seminal works (Stone, 1989; Barthe, 2010) that do not address the environmental question. Four questions thus remain: (1) how and why do researchers, activists, and policy makers relate human activities to environmental degradation? (2) Which actors and organizations intervene in the stabilization of these causal chains to guarantee their validity? (3) How does this knowledge circulate and how is it made accessible? (4) Under what conditions is this social work sanctioned by a political recognition and, eventually, converted into concrete public policies, legal actions or collective mobilisations?

By taking up these four lines of questioning, the ST “politics of the Anthropocene” will approach, from a singular perspective, an old analytical tradition concerning the role of knowledge production in political processes (Blume, 1974; Frickel & Moore, 2006; Bérard & Roger, 2015). It will invite reflection on “etiological activities” in three privileged arenas: the sciences, social movements and political bodies (local, national or international). The proposals will be able to mobilize contributions from the political sociology of science, the sociology of mobilizations and social movements, and the sociology of public action.

 

Références / References

Barnosky, A., Matzke, N., Tomiya, S. et al., 2011. « Has the Earth’s sixth mass extinction already arrived? ». Nature 471, 51–57.

Barthe, Y., 2010. « Cause politique et “politique des causes”. La mobilisation des vétérans des essais nucléaires français ». Politix 91 (3), 77-102.

Bérard, Y., Roger, A., 2015. « Ronds-points théoriques et passages à niveau analytiques. La sociologie politique peut-elle rencontrer la sociologie des sciences ? » Politix 111 (3), 9-26.

Blume, S. S., 1974. Toward a Political Sociology of Science. Free Press, New-York.

Capano, G., Howlett, M., 2021. « Causal logics and mechanisms in policy design: How and why adopting a mechanistic perspective can improve policy design ». Public Policy and Administration 36 (2), 141-162.

Frickel, S., Moore, K. (eds.), 2006. The New Political Sociology of Science. Institutions, Networks, and Power. University of Wisconsin Press, Madison.

Rudiak-Gould, P., 2015. « The Social Life of Blame in the Anthropocene ». Environment and Society: Advances in Research 6, 48-65.

Stone, D. A., 1989. « Causal Stories and the Formation of Policy Agendas ». Political Science Quarterly 104 (2), 281-300.

Waters, C. N. et al., 2016. « The Anthropocene is functionally and stratigraphically distinct from the Holocene ». Science 351 (6269), 137-148.

Whitmee, S., Haynes, A., Beyrer, C. et al., 2015. « Safeguarding human health in the Anthropocene epoch: report of The Rockefeller Foundation–Lancet Commission on planetary health ». The Lancet 386 (10007), 1973-2028.

Axe 1 / Cadrages internationaux…

Présidente de séance : Annabelle Demy
Discutant : Damien Schrijen & Jean-Pierre Le Bourhis

Kari de Pryck (Institue for Advanced Sustainability Science – IASS et Sciences Po Paris), Une crise globale sans responsables ? Pratiques de (dé)responsabilisation dans les rapports du GIEC

Hélène Guillemot (Centre Alexandre Koyré / CNRS), Relations entre sciences et politique dans le problème climatique
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Krystel Wanneau (Université libre de Bruxelles / Université Laval), Les activités étiologiques du PNUE face aux pollutions des conflits armés : une vaste machine scientifique et juridique
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Magali Bourblanc (CIRAD, UMR G-EAU, Université de Montpellier), Les savoirs scientifiques outillés dans la fabrique des politiques de l’eau. De la mise en problème à la mise en politiques publiques
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Axe 2 /… inscriptions locales.

Président de séance : Benoit Giry
Discutant : Antoine Police & Renaud Hourcade

Nicolas Benvegnu (Medialab, Sciences Po Paris), Quelle science pour sortir de l’Anthropocène ? La disparition de l’outarde canepetière et la transformation de la recherche dans la Zone Atelier Plaine et Val de Sèvre

Claire Dedieu & Emmanuel Martinais (ENTPE, Université de Lyon), Rendre visible les récits causaux profanes. L’impact du dialogue science, société, politique sur la gestion territoriale des risques naturels.
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Jessica Pourraz (Ceped, Université Gustave Eiffel, Institut Francilien Recherche Innovation en Société, LabEx SITES), Rendre (in)visibles les effets de la pollution de l’air sur la santé à Accra et Delhi: la difficile construction d’un problème de santé environnementale au Sud
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Claire Duboscq (Centre de Recherches Internationales – CERI, Sciences Po), Des fleuves en personne. Ethnographier la fabrique colombienne du droit de la nature
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Jules Villa (Medialab, Sciences Po Paris), Regards sur un monde malade : luttes environnementales et luttes sociales dans l’Est de la RDC
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BENVEGNU Nicolas nicolas.benvegnu@sciencespo.fr

BOURBLANC Magalie magalie.bourblanc@cirad.fr

DE PRYCK Kari Kari.DePryck@iass-potsdam.de

DEDIEU Claire claire.dedieu@wanadoo.fr

DEMY Annabelle annabelle.demy@univ-rennes1.fr

DUBOSCQ Claire claire.duboscq@sciencespo.fr

GIRY Benoit benoit.giry@sciencespo-rennes.fr

GUILLEMOT Hélène helene.guillemot@cnrs.fr

HOURCADE Renaud renaud.hourcade@cnrs.fr

LE BOURHIS Jean-Pierre jean-pierre.lebourhis@cnrs.fr

MARTINAIS Emmanuel Emmanuel.MARTINAIS@entpe.fr

POLICE Antoine antoine.police@hotmail.fr

POURRAZ Jessica jessica.pourraz@ird.fr

SCHRIJEN Damien d.schrijen@orange.fr

VILLA Jules jules.villa@sciencespo.fr

WANNEAU Krystel krystel.wanneau@ulb.be