le portail de la science politique française
Responsables scientifiques :
Benjamin Boudou (Université Goethe de Francfort) boudou@em.uni-frankfurt.de
Yves Sintomer (Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis/Maison française d’Oxford) yves.sintomer@univ-paris8.fr
Quatre questions principales seront posées lors de cette table ronde : qu’est-ce que la théorie politique ? Quels sont les enjeux institutionnels de la sous-discipline ? Quelle est sa spécificité par rapport au reste de la science politique et à la philosophie politique, peut-elle et doit-elle servir les autres politistes ? Les sciences politiques doivent-elles prendre parti dans le débat public, et si oui, sous quelle forme ?
La théorie politique occupe une place paradoxale dans la science politique de langue française. D’un côté, il s’agit d’une sous-discipline reconnue institutionnellement qui couple deux champs souvent clairement distingués dans le monde anglo-américain, à savoir la théorie politique proprement dite et l’histoire des idées politiques. De l’autre, le nombre de postes mis au concours sous ce label en France est réduit à portion congrue, et l’AFSP a d’ailleurs adopté une motion en 2019 s’alarmant de son déclin institutionnel.
Dans l’Hexagone, le statut scientifique de cette sous-discipline est par ailleurs incertain. Cela est en partie dû au profil particulier de la science politique française. Depuis la fin des années 1970, son tournant vers les sciences sociales, et en particulier vers la sociologie et l’histoire sociale, a permis l’éclosion de travaux originaux et de grande qualité. Cependant, par contrecoup, les objets de la théorie politique, ses méthodes, ses auteur.e.s, son interdisciplinarité, et sa dimension théorico-politique ou normative assumée la rendent souvent suspecte aux yeux de sciences sociales. Celles-ci prétendent en effet généralement à la neutralité axiologique et tendent à conditionner la scientificité à une recherche empirique fondée sur le terrain ou les archives. De ce fait, la vitalité internationale de la théorie politique n’a guère d’impact sur le champ français et les travaux des théoricien.ne.s restent relativement peu cités par les autres politistes.
Parallèlement, la philosophie politique de langue française a une tradition prestigieuse et un impact international qui reste fort, mais ses liens avec la science politique sont assez ténus, et la théorie politique souffre à l’égard de la philosophie d’un déficit de légitimité intellectuelle.
Cette situation ne manque pas de se répercuter sur les interrogations épistémologiques et méthodologiques qui traversent le champ de la théorie politique. Comment définir celle-ci, en particulier au regard des sciences sociales et de la philosophie politique ? Quelle doit être l’articulation entre théorie politique et histoire des idées ? Quelles sont les méthodes propres de la théorie politique ? Quels sont les développements qui semblent regrettables ? À l’heure où les sciences sociales et humaines font face à des attaques fortes dans le monde académique comme dans la politique, la théorie politique doit-elle éclairer le débat public ? La prise de position théorico-politique se réduit-elle au normatif ? Comment aller au-delà de la théorie politique occidentale ? Faut-il, dans la perspective d’une théorie politique globale, défendre une perspective déontologique universaliste ou au contraire prudentielle, voire relativiste ou culturaliste ?
Quatre questions principales seront posées lors de cette table ronde : qu’est-ce que la théorie politique ? Quels sont les enjeux institutionnels de la sous-discipline ? Quelle est sa spécificité par rapport au reste de la science politique et à la philosophie politique, peut-elle et doit-elle servir les autres politistes ? Les sciences politiques doivent-elles prendre parti dans le débat public, et si oui, sous quelle forme ? La table-ronde étant conçue comme un espace de rencontre au-delà de la théorie politique, elle mettra en présence des chercheur.e.s inscrit.e.s ou non dans la sous-discipline. Elle sera organisée sous forme de dialogue autour de ces quatre questions et non d’exposés successifs.
Political theory has a problematic place in French-speaking political science. On the one hand, it is an institutionally recognized sub-discipline linking two fields that are distinguished in the Anglo-American world, namely political theory and the history of political ideas. On the other hand, the number of positions in political theory in France has been reduced to a minimum. The AFSP even adopted a motion in 2019 alarming about its institutional decline.
In France, the scientific status of this sub-discipline is also unclear. This is partly due to the peculiarities of French political science. Since the end of the 1970s, its turn towards the social sciences – sociology and social history in particular – brought out original and high quality works. But it followed that the objects of political theory, its methods, authors, interdisciplinarity, and its assumed political-theoretical or normative dimension made it suspect in the eyes of social sciences. Indeed, social sciences generally claim to be axiologically neutral and tend to make scientificity conditional on empirical research based on fieldwork or archives. As a result, the international vitality of political theory has little impact on the French field and the work of political theorists remains rarely cited by other political scientists.
At the same time, French political philosophy has a prestigious tradition and still a strong international impact. But its links with political science is rather tenuous, and political theory suffers from a lack of scholarly legitimacy with respect to philosophy.
This situation influences the epistemological and methodological questions of political theory. How should political theory be defined, with regard to social sciences and political philosophy? What should be the articulation between political theory and the history of ideas? What are the proper methods of political theory? What are the developments that seem regrettable? At a time when the social sciences and humanities are facing strong attacks in the academic world as well as in politics, should political theory inform the public debate? Can a political-theoretical position be reduced to a normative one? How can we go beyond Western political theory? In the perspective of a global political theory, should we defend a universalist deontological perspective or, on the contrary, a prudential, relativistic or culturalist one?
We will ask four main questions during this roundtable: What is political theory? What are the institutional issues of the sub-discipline? What is its specificity in relation to the rest of political science and political philosophy, e.g. can it and should it serve other political scientists? Should political science take sides in the public debate, and if so, how? The round-table being conceived as a dialogue beyond political theory itself, it will bring together researchers from both within and outside the sub-discipline. It will be organized in the form of a dialogue around these four questions and not of consecutive presentations.
Référence / Reference
Raisons politiques, vol. 84, « La théorie politique aujourd’hui », 2021
La table-ronde sera structurée en 4 temps :
Présidence :
Intervenants :
BOUDOU Benjamin boudou@em.uni-frankfurt.de
DELMOTTE Florence florence.delmotte@usaintlouis.be
JEANPIERRE Laurent laurent.jeanpierre@univ-paris1.fr
SENAC Réjane rejane.senac@sciencespo.fr
SINTOMER Yves yves.sintomer@univ-paris8.fr