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ST 48

Se mobiliser en contexte autoritaire

Mobilizations in authoritarian context

 

Responsables scientifiques :

Işıl Erdinç (IRISSO, Université Paris Dauphine) isilerdinc2@gmail.com
Ayşen Uysal (CRESPPA/CSU) uysalaysen@yahoo.fr

La section thématique entend interroger les modes et les stratégies d’action collective en contexte autoritaire. Juan Linz (2006) définit l’autoritarisme comme un régime au pluralisme limité. La section thématique vise ainsi à discuter l’engagement dans les régimes autoritaires et plus largement dans les régimes formellement démocratiques (les démocraties électorales) mais dont les pratiques des gouvernements ne peuvent permettre de les caractériser comme démocratiques, les régimes hybrides, les zones grises, les autoritarismes compétitifs (Levitsky et Way, 2010). La section thématique est ouverte à toutes les propositions portant sur des mobilisations dans des situations autoritaires tant dans les pays dits de Sud que dans les pays dits du Nord.

Les propositions pourront s’articuler autour de deux axes :

  1. Voice ou stratégies et formes de résistance en contexte autoritaire

Dans les régimes autoritaires, il s’agit des formes de résistance à la fois explicites et implicites. Les travaux présents montrent à quel point les formes implicites gagnent du terrain sous les régimes autoritaires (Scott 2008; Bayat 2006 et 2015; Uysal 2017). Ils montrent aussi combien la protestation glisse vers des espaces plus neutres comme l’art (Arrigoni 2013 ; Geoffray 2012 ; Traini 2008). Dans certains cas, l’autoritarisme et la répression entrainent également le désengagement (Uysal 2013 ; Fillieule 2005 ; Rasler 1996; McAdam 1986).

Dans ses travaux sur les mobilisations dans les foyers Sonacotra, Choukri Hmed montre que les menaces et les violences incitent les membres des foyers à faire la grève des loyers (Hmed, 2007). Il met en avant l’importance des incitations négatives déployées par les militants afin de susciter ou d’entretenir l’adhésion au mouvement. De même, Carolina Cano montre que la répression et la violence ne suscitent pas un désengagement chez les syndicalistes en Colombie, au contraire, elles renforcent l’identité syndicaliste, orientent et structurent leurs futures stratégies syndicales (Cano, 2014).

La démarche privilégiée de cette section thématique dans l’analyse des formes de résistance sera une démarche sur plusieurs échelles. La variation des échelles d’analyse permet notamment de montrer comment les espaces de résistance sont observables au niveau local. Poser le problème en ces termes vient à refuser de le penser en termes simples : force/faiblesse, autorité/hétérogène, centre/périphérie et à déplacer l’analyse sur les phénomènes de circulation, de négociation, d’appropriation à tous les niveaux (Revel, 1996). L’international est un autre espace de coopération et de lutte pour les acteurs protestataires (Tarrow, 2000). Tarrow parle des organisations internationales ou supra nationales comme des « récifs de corail » pour les organisations non gouvernementales et les groupes d’intérêts. Keck et Sikking insiste également sur l’« effet boomerang » (Keck et Sikkink, 1998). Cependant, cet usage de l’international commence à perdre de son efficacité dans des régimes autoritaires (Erdinç, 2016). Comment s’internationalise une cause dans des régimes autoritaires ? Quel effet du recours à l’international et l’action collective transnationale sur les droits et les libertés ?

  1. Exit, Exil: engagement à distance, engagement ailleurs ou désengagement?

L’autoritarisme suscite parfois l’exil. Cette section thématique invite aussi d’une analyse plus approfondie de l’exil au prisme de la mobilisation et de l’engagement politique. Dans sa conceptualisation, A. O. Hirschman (1995 ; Offerlé 1998), parle de la voie d’exit. Cette section thématique encourage ainsi d’une discussion particulière sur l’exil en tant qu’une forme d’exit. L’exil peut être un continuum de l’engagement ou est-il une forme de désengagement ? La session invite de réfléchir les différentes modalités de l’exil dans la perspective de l’engagement politique. En partant de l’hypothèse de « l’exil peut aussi permettre de rester dans le champ politique », nous encourageons des propositions qui peuvent susciter de reconcevoir la définition du champ et de l’engagement politique au delà des frontières nationales. L’exil peut aussi créer et augmenter les tensions entre ceux qui restent et ceux qui quittent le pays (Hirschman 1998; Uysal 2017). Quels seront alors les effets de ce clivage sur l’engagement politique dans un contexte autoritaire ?

La section thématique encourage également les propositions sur des zones grises, sur des stratégies et des pratiques d’individus qui ne peuvent être qualifiées ni voice ni loyalty ni exit mais une négociation en continu de son autonomie avec les acteurs étatiques, le patron et le pouvoir autoritaire.

 

The thematic section intends to question the forms and strategies of collective action in an authoritarian context. Juan Linz (2006) defines authoritarianism as a regime with limited pluralism. The thematic section aims to discuss activism in authoritarian regimes and more broadly in formally democratic regimes (electoral democracies) but whose practices cannot be characterized by governments as democratic, hybrid regimes, gray zones, competitive authoritarianisms (Levitsky and Way, 2010). The thematic section is open to all proposals on mobilizations in authoritarian situations in countries of the South and Nord.

Proposals can be organized around two themes:

  1. Voice or strategies and forms of resistance in authoritarian context

In authoritarian regimes, resistance can be both explicit and implicit. Recent research shows how implicit forms are gaining ground under authoritarian regimes (Scott 2008, Bayat 2006 and 2015, Uysal 2017). They also show how protest is sliding towards more neutral spaces like art (Arrigoni 2013, Geoffray 2012, Traini 2008). In some cases, authoritarianism and repression also lead to disengagement (Uysal 2013, Fillieule 2005, Rasler 1996, McAdam 1986).

In his work on mobilization in households Sonacotra, Choukri Hmed shows that threats and violence incite household members to strike (Hmed, 2007). He highlights the importance of the negative incentives deployed by the activists to create or maintain membership in the movement. Similarly, Carolina Cano shows that repression and violence do not provoke a disengagement among trade unionists in Colombia, on the contrary, they reinforce the trade union identity, orient and structure their future union strategies (Cano, 2014).

In the analysis of forms of resistance, this thematic section promotes a multi-scale approach. The variation of the scales of analysis makes it possible in particular to show how the spaces of resistance are observable at the local level. To put the problem in these terms means refusing to think it in simple terms: strength / weakness, authority / heterogeneity, center / periphery and to shift the analysis on the phenomena of circulation, negotiation, appropriation at all levels (Revel, 1996). The international is another area of ​​cooperation and struggle for protesters (Tarrow, 2000). Tarrow refers to international or supra-national organizations as « coral reefs » for non-governmental organizations and interest groups. Keck and Sikking also stress the « boomerang effect » (Keck and Sikkink, 1998). However, this use of the international is beginning to lose its effectiveness in authoritarian regimes (Erdinç, 2016). How does a cause become international in authoritarian regimes? What influence of transnational collective action on rights and freedom in the absence of a respondent government?

  1. Exit, Exile: long-distance activism, activism elsewhere or disengagement?

Authoritarianism sometimes gives rise to exile. This thematic section also invites a deeper analysis of exile through the lens of mobilization and political engagement. In his conceptualization, A. O. Hirschman (1995, Offerlé 1998), discusses the exit path. This thematic section thus encourages a particular discussion of exile as a form of exit. Can exile be a continuum of commitment or is it a form of disengagement? The session invites to reflect the different modalities of exile in the perspective of activism. Starting from the hypothesis of « exile can also help to remain in the political field », we encourage proposals that may lead to redesigning the definition of the political field and political engagement beyond national borders. Exile can also create and increase tensions between those who stay and those who leave the country (Uysal 2017). What will be the effects of this cleavage on political activity in an authoritarian context?

The thematic section also encourages proposals on gray areas, strategies and practices of individuals that cannot be qualified neither voice nor loyalty or exit but a continuous negotiation of one’s autonomy with the state actors, the employers and the authoritarian power.

 

REFERENCES

ARRIGONI, M., Se mobiliser en situation autoritaire. Une comparaison des contestations théâtrales argentine et chilienne (1973-1990), thèse dirigée par M. O. Dabene, Institut d’études politiques de Paris, 8 novembre 2013.

BAYAT, A., Siyaset Olarak Hayat. Sıradan İnsanlar Ortadoğu’yu Nasıl Değiştiriyor?, Metis, İstanbul, 2015.

BAYAT, A., Ortadoğu’da Maduniyet. Toplumsal Hareketler ve Siyaset, İletişim, İstanbul, 2006.

CANO, C., « Etre syndicaliste en Colombie : un métier à haut risque », Nouvelle revue de psychosociologie, n° 18, 2014/2, p. 103-116.

ERDINC, I. « Discrimination syndicale en Turquie: L’action syndicale dans un régime semi-autoritaire », Travail et emploi, 146,(2), 2016, p. 101-123.

FILLIEULE, Olivier (dir.), Le désengagement militant, Belin, Paris, 2005.

GEOFFRAY, M.-L., Contester à Cuba, Dalloz, 2012.

HMED, C, « Contester une institution dans le cas d’une mobilisation improbable : la « grève des loyers  » dans les foyers Sonacotra dans les années 1970 », Sociétés contemporaines, n° 65, 2007/1, p. 55-81.

HIRSCHMAN, A.O., Défection et prise de parole, Fayard, Paris, 1995.

KECK, M., SIKKINK, K., Activists beyond Borders. Advocacy Networks in International Politics, New York, Cornell University Press, 1998.

LECOMTE, J.-P., L’essentiel de la sociologie politique, Paris, Gualino, 2005.

LEVITSKY, Steven, WAY, Lucan A., Competitive authoritarianism. Hybrid Regimes after the Cold War, Cambridge, Cambridge University Press, 2010.

McADAM, D., « Recruitment to High Risk Activism: the case of Freedom Summer », The American Journal of Sociology, vol. 92, n°. 1 (Jul, 1986).

LINZ J. J., Régimes totalitaires et autoritaires, Paris, Armand Colin, 2006.

OFFERLE, M., “Kolektif eylem repertuvarlarına eleştirel dönüş (18.-21. yüzyıl)”, içinde Tarihsel Sosyoloji. Stratejiler, Sorunsallar, Paradigmalar, der. F. Ergut & A. Uysal, Dipnot Yayınları, Ankara, 2012, ss. 211-249.

RASLER, K., “Concessions, Repression and Political Protest in The Iranian Revolution”, American Sociological Review, 61/1, 1996: 132-52.

REVEL, J.(dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard, 1996.

SCOTT, James C., La domination et les arts de la résistance: fragments du discours subaltern, Paris: Amsterdam, 2008.

TARROW, S., « La contestation transnationale », Cultures & Conflits, n° 38-39, été-automne 2000.

TRAINI, C., Musique en colère, Presses de SciencesPo, Paris, 2008.

UYSAL, A., Sokakta Siyaset. Türkiye’de Protesto Eylemleri, Protestocular ve Polis, İletişim Yayınları, İstanbul, 2017.

UYSAL, A. et ESKIIZMIRLILER, S., « Continuer la lutte en exil ou rester en Turquie », entretien avec A. Uysal et S. Eskiizmirliler, Mouvements, Turquie autoritaire, Turquie contestataire, no. 90, 2017/2.

Axe 1 / Voice : stratégies et formes de résistance en contexte autoritaire

Présidente de la séance : Isil Erdinç (IRISSO)
Discutante: Pénélope Larzillière (IRD/CEPED)

Laura Ruiz de Elvira (IRD/CEPED), Se mobiliser dans la Syrie de Bachar al-Asad. L’action associative caritative à l’épreuve d’un autoritarisme « post-populiste » et « néolibéral »
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Juliette Fontaine (CESSP-CRPS, Université Paris 1), La mobilisation des instituteurs sous Vichy
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Mayada Madbouly (ISP, Université de Paris Nanterre), Du politique au patrimonial : les mobilisations nubiennes en Egypte post-2011
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Gökçe Tunçel (CESPRA, EHESS) et Zeynep Uğur (CESPRA, EHESS), Nouvelles formes de résistances en Turquie autoritaire : le cas des collectifs autonomes de nature politique et les théâtres alternatifs à Istanbul
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Axe 2 / Exit, Exil : engagement à distance, engagement ailleurs ou désengagement?

Présidente de la séance : Aysen Uysal (CRESPPA-CSU)
Discutante: Anahi Alviso-Marino (EUR ArTeC/CRESPPA Université Paris 8)

Marie Laure Geoffray (Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine), L’exil cubain : d’une voice locale à une voice transnationale
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Flora Yousef (CRESPPA/GTM), Du texte caché à la prise de parole. Quand les palestiniennes s’emparent de la contestation des prisons de l’occupation
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Sylvestre Noa (Université de Yaoundé 1), La distance au service de l’engagement : remobilisations collectives et découverte des vocations militantes dans les rangs de l’opposition extraterritoriale camerounaise
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Mathilde Zederman (Institut Universitaire Européen), Engagements en exil entre causes anti-régime et causes immigrées : Mobilisations tunisiennes à distance sous le régime autoritaire de Ben Ali
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RUIZ DE ELVIRA Laura ruiz@mmsh.univ-aix.fr

FONTAINE Juliette juliette-m.fontaine@laposte.net

GEOFFRAY Marie Laure marie-laure.geoffray@sorbonne-nouvelle.fr

YOUSEF Flora floragonseth@outlook.fr

MADBOULY Mayada mayada.madbouly@gmail.com

NOA Sylvestre sylvestrenoa@gmail.com

TUNCEL Gökçe gokcetuncel@gmail.com

UGUR Zeynep zeynepugur8969@gmail.com

ZEDERMAN Mathilde mathildezederman@hotmail.fr

ERDINC Isil isilerdinc2@gmail.com

UYSAL Aysen uysalaysen@yahoo.fr

ALVISO-MARINO Anahi anahialvisomar@gmail.com

LARZILLIERE Pénélope penelope.larzilliere@ird.fr