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Les « troisièmes voies » en politique : acteurs, idées, répertoires

The « third ways » in politics: actors, ideas, repertoires

 

Responsables scientifiques :

Cyril Benoît (Centre d’études européennes, Sciences Po) cyril.benoit1@sciencespo.fr
Hugo Canihac (Université Saint-Louis, Bruxelles) hugocanihac@gmail.com

S’il est un lieu commun bien documenté par la science politique, c’est le clivage qui, depuis le XIX° siècle, oppose la « gauche » et la « droite », notamment quant aux rôles respectifs du marché et de l’État (Lipset et Rokkan 1967). Pourtant, cette opposition canonique conduit à faire abstraction d’un vaste ensemble d’idées, d’acteurs et de mouvements politiques qui se sont, précisément, donnés pour tâche de dépasser ce clivage. Ils ont, pour cela, souvent revendiqué une « troisième voie » constituant une synthèse entre partis ouvriers et partis bourgeois, socialisme et libéralisme, marché et État. Souvent associés à la social-démocratie de l’après-guerre, la variété est en réalité importante au sein des mouvements se revendiquant d’une « troisième voie ». Du socialisme libéral de la fin du XIX° siècle (Audier 2006) aux mouvements corporatistes de l’entre-deux guerres reconvertis en militants européistes après 1945 (Cohen 2012), du solidarisme français (Audier 2010) au (néo)libéralisme social allemand (Nicholls 1994), les efforts pour dépasser cette opposition ont ainsi été nombreux. Plus récemment, l’émergence de la « troisième voie » portée par Tony Blair et théorisée par Antony Giddens a renouvelé l’intérêt pour ces efforts de synthèse (Giddens 1999; Rioufreyt 2017) – qui, comme l’a montré par exemple la campagne d’E. Macron en 2017, sont toujours d’actualité. Mais les travaux qui portent sur ces mouvements demeurent, le plus souvent, centrés sur une seule famille politique ou sur une seule séquence historique (voir cependant Bastow, Martin, et Pels 2002). En conséquence de cette fragmentation, ce qui unit – ou distingue – les « troisièmes voies » élaborées à différents moments historiques et dans différents pays, demeure mal compris ; elles restent appréhendées comme un objet marginal vis-à-vis du clivage primordial entre l’État et le marché.

En proposant de prendre au sérieux les mouvements qui se revendiquent d’une « troisième voie » dans leur diversité, cette section thématique cherchera au contraire à les interroger comme un objet distinct, dont l’étude trouve sa place à côté des innombrables travaux sur les réponses de « gauche » et de « droite » à l’alternative du marché ou de l’État. Elle cherchera pour cela à faire dialoguer des travaux portant sur des objets et des périodes variés, et qui pourront être issus de différentes perspectives analytiques (sociohistoire, économie politique, sociologie des partis et mouvements politiques, théorie politique, histoire des idées,…). Plus globalement, cette section thématique cherchera à engager une discussion collective sur les grilles permettant d’envisager les courants et les tentatives s’efforçant de dépasser ou de problématiser l’opposition entre marché et État. Ces échanges auront également pour but d’interroger la pertinence de la notion même de « troisième voie », et sa capacité à décrire ces différentes expériences politiques.

Dans ce contexte, la section thématique a pour ambition d’aborder ces mouvements en rassemblant des études de cas empiriquement étayées. Elle s’organisera autour de deux grands axes. Un premier axe – que Florence Faucher (Sciences Po, CEE) a accepté de discuter – concernera la mise au jour des conditions d’émergence et les formes prises par la « troisième voie » dans la vie politique. Dans quelles configurations se produisent les efforts de dépassements de l’opposition entre l’État et le marché ? Est-il possible de découvrir des conditions partagées qui permettraient de comprendre l’attrait et le succès – ou l’échec – de ces tentatives ? Quels sont les différents usages de cette « troisième voie » ? Quels en sont les acteurs privilégiés ? Davantage situé sur le terrain des idées, un second axe de la section thématique – qu’Antonin Cohen (Paris Nanterre, ISP) a accepté de discuter – privilégiera l’analyse des conceptualisations qui ont, depuis le XIX° siècle, visé au dépassement de l’opposition canonique entre marché et État. Présentent-elles, au-delà de ce programme général, des traits idéologiques communs ? Partagent-elles un répertoire de politiques propre ? Ou au contraire, faut-il conclure de la diversité de ces mouvements que la « troisième voie » est, avant tout, une figure rhétorique sans contenu spécifique – voire, un construit de recherche sans véritables appuis dans la réalité ? Par ce biais, la section dans son ensemble voudrait s’inscrire dans une réflexion sur les formes du dépassement d’un clivage entre marché et État souvent essentialisé dans les débats contemporains.

 

Political scientists have amply documented the traditional divide opposing the “left” to the “right”, which is said to structure most polities since the 19th century – especially when it comes to setting the respective roles of the state and the market (Lipset and Rokkan 1967). Yet, this canonical opposition often leads to marginalizing the political proposals coming from a wide set of actors, scholars or social movements aiming at, precisely, overcoming this divide. They have, to this end, often claimed for a “third way” constituting in practice a synthesis between worker and bourgeois parties, liberal and conservative ideas, state and market. Usually associated with Post-War Social Democrats, these movements are actually far more diverse. Historically, one can thus note many political groups identifying themselves as a “third way” operating beyond traditional political divides – from liberal socialism at the end of the 19th century to inter-war Corporatists turned into European Union activists after the Second World War; from French “solidarisme” to German social neo-liberalism, amongst many other examples. More recently, the emergence of the “New” Labour championed by Tony Blair and conceptualized by Anthony Giddens renewed scholarly interest for the study of these synthesis efforts which, as shown by Emmanuel Macron’s recent political campaign, are continuing ones. However, most academic studies on these movements tend to focus on a single case and/or historical sequence. As a result of such fragmentation, what unifies – or separates – “third ways” experiences elaborated at different points in time or spaces remains largely unknown. Thus, these initiatives continue to be seen as deviant or (paradoxically) extreme cases, in relation to the great divide, one that should oppose two political blocs clearly identifiable.

On the basis of this diagnosis, this thematic panel would like to shed light on movements, actors and ideas claiming for a “third way”. More precisely, our goal is to gather contributions seeking to study them as distinct objects, alongside the multiple work on the “right-wing” and “left-wing” responses to the alternative between the state and the market. In that respect, this thematic panel would like to offer a space for dialogue to theoretical and (preferably) empirical papers on a variety of spaces and historical periods, coming from different analytical perspectives (history, historical sociology, political economy, political science and political theory…). Generally speaking, this thematic panel intends to engage in a collective discussion on how to grasp and conceptualize the political forces – ranging from scholarly discourses to social movements – trying to overcome or to problematize the opposition between the state and the market; part of these exchanges will also encompass the theoretical relevance of the notion of “third way” itself, and its capacity to cover these different situations.

The thematic panel will be organized around two main axes. We will welcome contributions on either or both of these divisions. On one hand, special attention will be given to contributions examining the conditions for the emergence of a “third way” in (a) given political context(s). In which social or political configurations develop efforts to overcome oppositions between the state and the market? Is it possible to find common starting points or conditions to explain the success – or the failure – of these attempts? What are the different political uses and functions of these “third ways”? Who are their main actors? More dedicated to the study of the ideological content of these initiatives per se, another axis of this thematic panel will welcome contributions on the political theories, ideas or intellectual controversies on these issues. Can we establish common intellectual or ideological features between different “third ways” experiences? If so, are their political goals similar, and to what extent? On the contrary, should we conclude, on the basis of their diversity, that “third way” is not a heuristic notion to capture these political initiatives? By aggregating these questioning, the overall objective of this thematic panel is to develop a reflection on how various political actors and forces have struggled to overcome a divide between state and market rarely questioned in contemporary political discourses.

  

REFERENCES

Audier, Serge. 2006. Le socialisme libéral. La Découverte. Paris.

Audier, Serge. 2010. La pensée solidariste – Aux sources du modèle social républicain. PUF. Paris.

Bastow, Steve, James Martin, et Dick Pels. 2002. « Third Ways in Political Ideology ». Journal of Political Ideologies 7 (3): 269‑80.

Cohen, Antonin. 2012. De Vichy à la Communauté européenne. PUF. Paris.

Giddens, Anthony. 1999. The third way: the renewal of social democracy. Malden, Mass: Polity Press.

Lipset, S. M., et S. Rokkan. 1967. « Cleavage Structures, Party Systems and Voter Alignments : an Introduction ». In Party Systems and Voter Alignments – Cross-National Perspectives, Free Press. New York.

Nicholls, Anthony J. 1994. Freedom with Responsibility: The Social Market Economy in Germany, 1918-1963. Oxford University Press. Oxford.

Rioufreyt, Thibaut. 2017. Les socialistes français face à la troisième voie britannique: vers un social-libéralisme à la française (1997-2015). PUG. Grenoble.

Axe 1 / Perspectives historiques

Président de séance : Hugo Canihac (Université Saint-Louis, Bruxelles)
Discutant : Antonin Cohen (Université Paris Nanterre, ISP UMR 7220)

Bastien Amiel (Université Paris Nanterre), Le R.D.R. et le neutralisme : une troisieme voie dans la guerre froide ?

Elodie Giraudier (Université de Bourgogne), Une troisième voie démocrate-chrétienne: l’exemple du Parti démocrate-chrétien (PDC) chilien dans les années 1960

Edwin Le Heron (Sciences Po Bordeaux, CED UMR 5116), Keynes comme troisième voie en France 1936-1983 : récit d’une victoire à la Pyrrhus

Christophe Majastre (Université Saint-Louis–Bruxelles/Université Paris 8), Une alternative libérale à l’ordolibéralisme : trajectoires intellectuelles d’un retour à l’État dans la République fédérale allemande (1950-1970)

Axe 2 / Perspectives contemporaines

Président de séance : Cyril Benoît (Centre d’études européennes, Sciences Po)
Discutante : Florence Faucher (Sciences Po, CEE UMR 8239)

Arnaud Brennetot (Université de Rouen, UMR CNRS 6266 IDEES), Le Néolibéralisme comme « troisième voie »

François Briatte (ESPOL Lille), La « Grande Transformation » néo-travailliste du système de santé en Angleterre au tournant des années 2000

Tiago Moreira (Centre d’Etudes Européennes, Sciences Po), The euro, third way rhetoric, and heresthetics: The case of pre-crisis Portugal (2000-2008)

Thibaut Rioufreyt (Laboratoire Triangle, UMR 5206), Le social-libéralisme comme « troisième voie » : entre « extrême-centre » et « nouvelle gauche »

AMIEL Bastien bastien_amiel@hotmail.com

BENOIT Cyril cyril.benoit1@sciencespo.fr

BRENNETOT Arnaud arnaud.brennetot@univ-rouen.fr

BRIATTE François francois.briatte@sciencespo.fr

CANIHAC Hugo hugocanihac@gmail.com

COHEN Antonin antonincohen@aol.com

FAUCHER Florence florence.faucher@sciencespo.fr

GIRAUDIER Elodie elodie.giraudier@gmail.com

LE HERON Edwin e.le.heron@sciencespobordeaux.fr

MAJASTRE Christophe christophe.majastre@gmail.com

MOREIRA RAMALHO Tiago tiago.moreiraramalho@sciencespo.fr

RIOUFREYT Thibaut thibaut@rioufreyt.fr