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ST 11

A European Data space ? Collecte, stockage et connexion des data dans l’action publique en Europe

A European Data space? Data collection, storage, and connection in European public policies

 

Responsables scientifiques :

Chloé Bérut (Chaire PARI, Laboratoire Pacte) chloe.berut@umrpacte.fr
Agathe Piquet (Queen Mary University of London, Centre for European Research / Université Paris 2, Centre d’études et de recherches en sciences administratives et politiques) a.piquet@qmul.ac.uk

 

Si une importante littérature scientifique existe sur l’économie de la data (e.g. Kitchin, 2014, Isaac, 2018), les chercheurs s’intéressent également depuis plusieurs années à l’idée de “gouvernement par les données”. Que ce soit en matière de santé publique, d’environnement, de police etc., les données occupent une place de plus en plus centrale dans la conduite de l’action publique dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques locales, nationales et européennes (e.g. Baudot, Marrel, Nonjon, 2015; Loveluck, 2016).

Cette section thématique, s’inscrivant dans le projet du Groupe de Recherche sur l’Union européenne (GrUE), entend prolonger ces réflexions en rassemblant des contributions s’intéressant au traitement qui est fait de ces données au niveau de l’UE et/ou de ses Etats membres. A ce titre, la question de la multiplication des bases de données et leur interconnexion, leur capacité à communiquer entre elles aussi appelée ‘interopérabilité’, est centrale (Leese, 2020). La crise de la COVID-19 en est une nouvelle illustration : si depuis plusieurs années, la Commission européenne et les États membres collaborent afin d’assurer la transférabilité de certaines données de santé issues du dossier médical électronique (résumé patient, ePrescription), la question de la compatibilité européenne des données de santé est devenue particulièrement saillante, notamment au regard des applications de traçage des cas contacts et du passeport vaccinal électronique. La collecte et le partage des données sont également au centre de la construction de l’espace européen de sécurité, de liberté et de justice. En effet, l’interopérabilité des différents registres d’identité nationaux est désormais pensée par la Commission européenne comme un outil indispensable dans la réalisation d’un contrôle fiable de l’identité des nouveaux entrants sur son territoire (Leese, 2020). D’ailleurs, ce travail de coopération autour des ‘infrastructures de données’ dans le domaine de la sécurité européenne n’a pas été sans susciter des interrogations sur les  enjeux politiques liés à la création et au maintien de ces réseaux (Kitchin, 2014 ; Bellanova and Glouftsios, 2020).

Loin de considérer ces dynamiques comme neutres et relevant du ressort technique uniquement, cette ST propose de mobiliser les outils de la sociologie de l’action publique pour saisir les enjeux de collecte de données, de création de bases de données et d’interopérabilité en Europe.

Une attention particulière est ainsi accordée aux représentations, ressources, activités et relations nouées entre les acteurs individuels et collectifs prenant part à ces processus. Les communications portent sur l’échelon national ou européen et mobilisent parfois une approche comparée. Trois axes seront abordés au travers des quatre communications proposées :

  1. Les enjeux de mise en place des bases de données et de l’interopérabilité : quels sont les acteurs (publics et privés) jouant un rôle central dans la création de ces instruments ? Quelles sont les dynamiques décisionnelles ?
  2. Le rapport politisation/technicisation : de quels choix politiques les choix techniques de ces instruments sont-ils la traduction ? En quoi l’élaboration et la gestion de ces instruments relevant a priori du registre technique entraînent des reconfigurations de l’action publique et des acteurs des politiques publiques ?
  3. Les jeux d’échelle dans la formulation et la mise en œuvre : l’UE semble de plus en plus se positionner comme acteur central de la production de bases de données et de la gouvernance de l’interopérabilité. Dès lors, comment sont réceptionnés les instruments européens au niveau national et local par les acteurs (publics et privés) ? Quel impact ces processus ont-ils sur l’intégration européenne et sur l’européanisation ?

  

Many scholars have already intensively studied data economy (e.g. Kitchin, 2014, Isaac, 2018) and more recently the idea of governing through data. The latter have demonstrated how, whether in relation with public health, environment, policing etc., data plays a more and more central role in public action at different stages, during the formulation, the implementation and the evolution of local, national or EU public policies (e.g. Baudot, Marrel, Nonjon, 2015; Loveluck, 2016).

This thematic section offers to prolong these analyses by gathering different communications interested in what is done with these data at the EU level and/or at the member State one. To this respect, the multiplication of databases and their interconnection, their capability to communicate with each other called ‘interoperability’ are growing dynamics (Leese, 2020). The COVID-19 crisis is a clear instance of this process. For years, the European Commission and the member States have been working together on how to transfer some specific data from the electronic medical file. The ongoing pandemic has made very salient the issue of compatible health data, especially in respect to tracking apps or digital sanitary passports. The collection and sharing of data are also fundamental in the development of the EU area of freedom, security and justice, with the European Commission aiming at connecting more and more national identity registers to guarantee a secure identity control (Leese, 2020). This collective work on European security data infrastructures has not been without raising many questions on its underlying political dimensions (Kitchin, 2014 ; Bellanova and Glouftsios, 2020).

In the same vein, far from perceiving those processes as neutral and strictly technical, this thematic section offers to use the toolbox of the sociology of public action to fully understand how and why data are collected, databases are set up and interconnected. Specific attention will be dedicated to the representations, resources, activities and relationships of the individual and collective actors playing a part in these dynamics. This section’s presentations will discuss these processes at the EU or the domestic levels (sometimes with a comparative perspective) and will address the following dimensions:

  • A focus on the setting-up of databases and interoperability: who are the private and public actors contributing to the creation of these instruments? How do they relate to each other in decision-making?
  • The politicisation/technicisation aspect: what are the political decisions and orientations these technical instruments translate? To what extent do the creation and the management of these instruments have led to a renewed public action?
  • The multilevel game in decision-making and implementation: while the EU appears as a key actor in producing databases and governing interoperability, how are EU instruments received at the national and local level? How do these processes impact European integration and Europeanization?

 

Références / References

Baudot, Pierre-Yves, Marrel, Guillaume, Nonjon, Magali (2015). « Encore une révolution informatique ? Open et big data dans les organisations administratives », Informations sociales, 191/5, p. 8-18.

Bellanova, Rocco, Glouftsios, Georgios (2020). « Controlling the Schengen Information System (SIS II): The Infrastructural Politics of Fragility and Maintenance », Geopolitics, p. 1–25.

Kitchin, Rob (2014). The Data Revolution. Los Angeles, Californie : SAGE Publications.

Leese, Matthias (2020). « Fixing State Vision: Interoperability, Biometrics, and Identity Management in the EU », Geopolitics, p. 1–21.

Loveluck, Benjamin (2016). « Vers une économie politique des données : le pouvoir à l’aune des data », in Bourcier, Danièle, dir. (2016), Open data & Big Data. Nouveaux défis pour la vie privée, Paris, Mare & Martin, p. 245-262.

Présidentes de séance : Chloé Bérut (Chaire PARI, Laboratoire Pacte) et Agathe Piquet (Queen Mary University of London, Centre for European Research)

Discutant : Denis Duez (IEE, USL)

Pauline Adam (ULB, REPI) et Julien Jeandesboz (IEE, ULB, REPI), Penser la genèse d’un espace européen des données : éléments pour une sociohistoire des statistiques de la migration irrégulière à l’échelle européenne

Rocco Bellanova (University of Amsterdam), Re-ordering databases, reordering European security

Vincent Lebrou (CRJFC, Université de Franche-Comté), La collecte des données relatives à la conduite de projets européens : de la formalité administrative à la diffusion d’un « logos gestionnaire »

Sarah Perret (King’s College London) et Claudia Aradau (King’s College London), La fabrique des données aux frontières européennes : inscriptions, savoir et suspicion

ADAM Pauline pauline.adam@ulb.be

ARADAU Claudia claudia.aradau@kcl.ac.uk

BELLANOVA Rocco r.bellanova@uva.nl

BERUT Chloé chloe.berut@umrpacte.fr

DUEZ Denis denis.duez@usaintlouis.be

JEANDESBOZ Julien julien.jeandesboz@ulb.be

LEBROU Vincent vincent.lebrou@univ-fcomte.fr

PERRET Sarah sarah.perret@kcl.ac.uk

PIQUET Agathe a.piquet@qmul.ac.uk