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ST 32

Dynamiques des tournants autoritaires

The Dynamics of Authoritarian Turns

 

Responsables scientifiques :

Maya Collombon (Sciences-Po Lyon, Triangle) maya.collombon@sciencespo-lyon.fr
Lilian Mathieu (Centre Max Weber, ENS de Lyon) lilian.mathieu@ens-lyon.fr

Décevant les attentes portées par les transitions démocratiques du tournant du dernier siècle, les passages inverses de la démocratie à l’autoritarisme constituent un domaine de recherche émergent en science politique. De fait, les exemples ne manquent pas de situations où même une relative sincérité des verdicts électoraux ne saurait masquer une propension à l’usage de la coercition, à la limitation des libertés d’association ou d’expression, ou encore à la monopolisation des pouvoirs par des cercles élitaires restreints. La question reste toutefois posée de la qualification de ce type de processus. Le vocabulaire de la transitologie est utilisé à nouveaux frais pour désigner les phénomènes inverses de « transition à l’autoritarisme » mais reste chargé de finalisme, alors que la promotion de nouvelles catégories (telles hybrid regimes, illiberal democracies ou encore competitive authoritarianism) s’expose au statisme et à l’essentialisme.

L’enjeu de cette section thématique est d’engager une construction des tournants autoritaires en objet de recherche, en espérant ce faisant contribuer à renouveler l’analyse de l’autoritarisme. Aborder celui-ci au travers des mécanismes qui le font advenir contribue à introduire une perspective processuelle, et par suite dynamique, dans un domaine qui reste marqué par une préoccupation essentiellement classificatoire et par une focalisation sur les seuls secteurs dominants des sociétés concernées.

Trois axes de réflexion sont proposés afin d’initier la réflexion.

  • S’il est acquis que ce n’est pas en termes de satisfaction à un ensemble de critères figés, ni d’altérité d’essence, que doivent être envisagés les rapports entre démocratie et autoritarisme, le passage de l’une à l’autre gagnerait à être appréhendé comme une reconfiguration des transactions collusives unissant une multiplicité de secteurs sociaux — e.g. parlementaire, militaire, judiciaire, économique, religieux voire « extra-légal ». Des transformations internes à ces secteurs, les conditions des pertes ou gains d’emprise de certains secteurs sur d’autres ou encore l’influence nouvelle de secteurs émergents ou extrapolitiques (organisations criminelles, par exemple) peuvent ainsi contribuer à durcir significativement la conduite de l’Etat.
  • La classique caractérisation linzienne de l’autoritarisme par la limitation du pluralisme et la démobilisation des masses pose la question des technologies (réformes électorales, répression des mouvements protestataires, contrôle des populations, cooptation des hiérarchies administratives, etc.) qui y concourent. Une réflexion sur les instruments d’action publique propres à l’instauration et à la légitimation de l’autoritarisme serait ici bienvenue.
  • Contre la propension à n’appréhender l’autoritarisme que « par en haut », il est utile de se pencher sur les conséquences des tournants autoritaires sur les populations qui les subissent. Il convient ainsi d’étudier comment ceux-ci affectent la marche d’univers sociaux considérés comme « sensibles » (tels les champs universitaire, syndical, médiatique ou artistique), tout comme il convient d’aborder l’expérience individuelle de l’autoritarisme, avec ce qu’elle implique de réaménagement identitaire, construction d’une façade docile, adoption de conduites prudentes ou clôture des possibles (ou, à l’inverse, ouverture d’opportunités inédites).

Chacune des deux séances de la section thématique accueillera des communications basées sur l’étude empirique de situations présentes ou passées, à l’échelle internationale, en sollicitant prioritairement les réseaux existants de spécialistes de l’Amérique latine, du Moyen Orient et de l’Europe de l’Est. La présentation des papiers (en français ou anglais), diffusés préalablement, sera réduite à 10 mn afin de favoriser une approche comparative et une ambition de généralisation impulsées par une discussion (20 mn) par un.e spécialiste du domaine.

 

The optimistic expectations that stemmed from democratic transitions at the turn of the last century have often proven disappointing, and the reverse moves from democracy to authoritarianism constitute an emerging field of research in political science. In fact, there are numerous examples of situations where even a relative sincerity of electoral verdicts cannot hide a propensity for the use of coercion, the limitation of freedom of association or expression, or the monopolization of powers by some narrow elite circles. Some doubts remain, however, about the qualification of this kind of process. The vocabulary of transitology is nowadays mobilised to designate the reverse phenomena of « transition to authoritarianism » but remains loaded with finalism, while the promotion of new categories (such as hybrid regime, illiberal democracy or competitive authoritarianism) appears static and essentialist.

The aim of this thematic panel is to initiate a construction of authoritarian turns as objects of research for political science, and thereby to contribute to some renewal in the analysis of authoritarianism. As a matter of fact, addressing authoritarianism through the mechanisms that make it happen helps to introduce a dynamic perspective in an area that still mainly focuses on classifications and that concentrates on the dominant sectors of societies.

During the panel, three axes could be followed to initiate the discussion:

  • It is now clear that the relationship between democracy and authoritarianism is not an issue of differences in essence, and that it should not be understood with static criteria, but that it should rather be analysed as a reconfiguration of the collusive transactions that link various social sectors—e.g. parliamentary, military, judicial, economic, religious or even « extra-legal ». Some transformations within those sectors, the loss or gain of influence of some sectors over others, or the new influence of emerging or extra-political sectors (criminal organizations, for example) can thus contribute to significantly harden the State.
  • Juan Linz’s classic characterization of authoritarianism by the limitation of pluralism and the demobilization of the masses raises the issue of the technologies (electoral reforms, coercion of protest movements, control of populations, co-optation of administrative hierarchies, etc.) that contribute to it. Some reflection about the specific policy instruments that facilitate the foundation and legitimization of authoritarianism would be welcome here.
  • Against the propensity to understand authoritarianism mainly « from above », it would be useful to look at the consequences of authoritarian turns over the populations that suffer from them. It is thus necessary to study how these turns affect the functioning of « sensitive » sectors such as university, trade union, media or artistic fields. It is also necessary to study the individual experience of authoritarianism, such as its implications in terms of identity redefinition, construction of a docile facade, adoption of prudent conduct or closure of possibilities (or, to the contrary, opening of new opportunities).

Each of the two panel sessions will welcome papers based on the empirical study of present and past situations, at the international level; priority will be given to existing networks of specialists from Latin America, the Middle East and Eastern Europe. The papers (in French or English) will be circulated beforehand and their presentation reduced to 10 minutes in order to promote a comparative approach and an ambition of generalization driven by a discussion (20 minutes) by a specialist in the field.

Axe 1 / Autoritarisme et reconfiguration des relations sectorielles

Présidente : Maya Collombon (Sciences-Po Lyon, Triangle)
Discutant : Gilles Favarel-Garrigues (Sciences-po Paris, CNRS, CERI)

Valentin Behr (Université de Varsovie), Politique historique et tournant autoritaire en Pologne, ou le PiS à la conquête de l’hégémonie culturelle

Yoletty Bracho (Université Lumière-Lyon2, Triangle), La catégorie “autoritarisme” et ses limites : une discussion à partir du cas vénézuélien

Camille Goirand (Université Paris 3–Sorbonne Nouvelle, IIHEAL), La destitution de la présidente Dilma Rousseff et le pouvoir des juges : les politiques de « l’anti-corruption », instruments d’un tournant autoritaire au Brésil

Nicolas Tardits (Université Paris-Nanterre, ISP), Devenir député dans un tournant autoritaire. Renouvellement du personnel et des pratiques politiques sous le Second Empire

Axe 2 / Inflexions autoritaires et action publique

Président : Lilian Mathieu (CMW, CNRS, ENS de Lyon)
Discutant : Frédéric Vairel (Université d’Ottawa)

Juliette Fontaine (Université Paris 1, CESSP-CRPS), Des instituteurs évincés des politiques scolaires sous Vichy ? Un processus à interroger

Sümbül Kaya (IFEA, CNRS-MAE), La justice politique et les procès politiques en Turquie : étude des usages politiques et sociaux des cadres juridictionnels dans un contexte autoritaire

Aurélien Raynaud (ENS de Lyon, CMW), Quand la contestation ouvre des possibles. L’ascension par l’engagement résistant d’Emmanuel d’Astier

Carole Sigman (Université Paris-Nanterre, CNRS, ISP), L’envers de la “verticale du pouvoir” en Russie

BEHR Valentin valentin.behr@gmail.com

BRACHO Yoletty yolettybracho@gmail.com

COLLOMBON Maya maya.collombon@sciencespo-lyon.fr

FAVAREL-GARRIGUES gilles.favarelgarrigues@sciencespo.fr

FONTAINE Juliette juliette-m.fontaine@laposte.net

GOIRAND Camille cgoirand@wanadoo.fr

KAYA Sümbül kayasumbul@hotmail.com

MATHIEU Lilian lilian.mathieu@ens-lyon.fr

RAYNAUD Aurélien aurelien.raynaud@ens-lyon.fr

SIGMAN Carole : csigman@parisnanterre.fr

TARDITS Nicolas : nicolas.tardits@gmail.com

VAIREL Frédéric : Frederic.Vairel@uottawa.ca