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ST 25

Marchandisation et privatisation du monde associatif : quels effets politiques ?

Commodification and privatization of the non-profit sector : what political consequences ?

 

Responsables scientifiques :

Simon Cottin-Marx (Cergy Paris Université, Laboratoire EMA et LATTS) simoncma@gmail.com
Camille Hamidi (Université Lyon 2 / Triangle) camillehamidi@hotmail.com
Arnaud Trenta (IRES) arnaud.trenta@ires.fr

 

La place des associations dans l’action publique s’est profondément transformée en France ces dernières décennies, suivant en cela des évolutions plus précoces des pays anglo-saxons (Salamon, 2010). Nous assistons à un double mouvement de « marchandisation » du secteur et de « privatisation » des ressources (Hély, 2009 ; Salamon, 2010). Ces évolutions modifient en profondeur le rôle politique des associations, les possibilités de politisation de leurs membres et leurs effets sur l’action publique (Eliasoph, 2011 ; Pette, 2014 ; Hamidi, 2017). Toutefois, jusqu’ici, les chercheurs interrogent moins l’articulation entre les deux dynamiques et leurs effets politiques. C’est ce que l’on propose d’examiner dans cette ST.

Après la seconde guerre mondiale, nous avons assisté à un mouvement de « publicisation du privé » (Hély, Moulévrier, 2013), l’État Providence soutenant des actions jusqu’alors assurées par des organisations privées, ce qui a contribué à structurer et professionnaliser de nouveaux secteurs d’action, comme le secteur sanitaire et social (Robelet et al. 2009). À partir des années 1980, les grandes lois de décentralisation et le transfert de compétences de l’État aux collectivités locales ont ensuite largement profité au monde associatif. Celui-ci s’est vu confier une part grandissante de la mise en œuvre de missions d’intérêt général et de service public, ce qui a alimenté sa salarisation. Depuis les années 2010 enfin, nous assistons à une redéfinition des relations entre pouvoirs publics et associations (Cottin-Marx, et al., 2017). Si les financements publics au monde associatif sont en constante augmentation, ils passent moins par des subventions que par des marchés publics, cette « marchandisation » guidant étroitement le travail associatif par le biais d’appels à projets, la mise en concurrence des associations entre elles, ou encore par l’imposition de normes de fonctionnement et de prestation de service (Chauvière, 2010). De plus, leur part dans le budget total des associations baisse (Tchernonog, Prouteau, 2019). Cette « privatisation » passe par un recours croissant au don, à la philanthropie (Lefèvre, 2011 ; Lambelet, 2014), à la vente de service aux usagers et aux commandes privées, et elle est largement impulsée par les pouvoirs publics, qui en font une condition de leurs propres financements. Elle est particulièrement sensible dans le domaine de l’ESS (Économie Sociale et Solidaire) : la loi de 2014 relative à l’ESS ayant joué un rôle important dans la légitimation de ces dynamiques (Bidet et al. 2019).

Trois séries de questions sont au cœur de cette section thématique, qui portera aussi bien sur la France que sur des terrains étrangers, avec des papiers ayant une forte dimension empirique :

1/ Quelles sont les conséquences de ces évolutions sur le fonctionnement interne des associations : les normes d’action ainsi produites, les modes d’organisation du travail, les conditions de travail des salariés, les enjeux de gouvernance interne.

2/ Comment ces différents éléments modifient les relations entre associations et pouvoirs publics (Hamidi, Trenta, 2020) : la nature des prises de position adoptées par les associations, la répartition des tâches entre les fonctions d’advocacy et de fourniture de services, et enfin la politisation des acteurs, à la fois les dirigeants bénévoles, les salariés et les bénévoles.

3/ Quels en sont enfin les effets sur les rapports aux usagers : comment la vente de services modifie les publics visés, et notamment la recherche de publics solvables ? Comment cela transforme la nature des actions proposées ? (Baines et al., 2013 ; Weerawardena, et al., 2010).

 

The ways in which non-profits contribute to public policies has changed profoundly in France in recent decades, following earlier developments in Anglo-Saxon countries. We are witnessing a double movement of « commodification » of the sector and « privatization » of resources (Hély, 2009 ; Salamon, 2010). These developments profoundly alter the political role of non-profits, the possibilities of politicization of their members and their effects on public action (Eliasoph, 2011; Pette, 2014; Hamidi, 2017). However, researchers are less concerned about the articulation between the two dynamics and their political effects. This is what is being proposed for consideration in this session.

After the Second World War, we witnessed a movement of « publicization of the private » (Hély, Moulévrier, 2013), the Welfare State supporting actions which were until then ensured by private organizations. This has helped to structure and professionalize new policy areas, such as the health and social sector (Robelet et al. 2009). From the 1980s onwards, decentralisation laws and the transfer of powers from the state to the local authorities greatly benefited the voluntary sector. The latter has been entrusted with a growing share of the implementation of missions of general interest and public service, which in turn has fed a growing waged employment in the sector. Since 2010 finally, we are witnessing a redefinition of the relations between public authorities and non-profits (Cottin-Marx, et al., 2017). Although public funding in the third sector is constantly increasing, it passes less through subsidies than through public contracts, this «merchandising» closely guiding the associative work through calls for projects, the competition between non-profits, or the imposition of operating and service delivery standards (Chauvière, 2010). Moreover, its share in the total budget of non-profits is decreasing (Tchernonog, Prouteau, 2019). This « privatization » involves an increasing use of donation and philanthropy (Lefèvre, 2011; Lambelet, 2014), the sale of services to users and private orders, and it is largely driven by public authorities, which make it a condition of their own financing. It is particularly sensitive in the field of SSE (Social and Solidarity Economy): the 2014 law on SSE played an important role in legitimizing these dynamics (Bidet et al. 2019).

Three series of questions are at the heart of this thematic section, which will focus on France as well as other countries, with papers having a strong empirical ground:

1/ What are the consequences of these changes on the internal functioning of the non-profits : the action standards thus produced, the modes of work organization, the working conditions of employees, the internal governance issues ?

2/ How these different elements change the relationship between non-profits and public authorities (Hamidi, Trenta, 2020): the nature of the positions adopted by non-profits, the division of tasks between advocacy and service provision functions, and finally the politicization of actors, both volunteer employers, employees and volunteers.

3/ Finally, what are the effects on user relations: how does the sale of services change the target audiences, and in particular the search for solvent audiences? How does this impact the nature of the proposed actions? (Baines et al., 2013; Weerawardena, et al., 2010).

 

Références / References

Baines D., Charlesworth S., Cunningham I. [2013], « Fragmented outcomes : International comparisons of gender, managerialism and union strategies in the nonprofit sector », Journal of Industrial Relations, p.1-19.

Bidet, É., Filippi, M., Richez-Battesti, N. [2019], « Repenser l’entreprise de l’ESS à l’aune de la RSE et de la loi Pacte », RECMA, n°353, p.124-137.

Chauvière M. [2010], Trop de gestion tue le social, essai sur une discrète chalandisation, La Découverte, Paris.

Cottin-Marx S., Hély M., Jeannot G., Simonet M. [2017], « La recomposition des relations entre l’État et les associations : désengagements et réengagements », Revue française d’administration publique, n°163, p. 463-476.

Eliasoph N. [2011], Making Volunteers. Civic Life after Welfare’s End, Princeton University Press, Princeton.

Hamidi C. [2017], « Associations, politisation et action publique: Un monde en tensions », Sociologie plurielle des comportements politiques, Presses de Sciences Po, Paris, p.347-370.

Hamidi C., Trenta A. [2020], « Des classes populaires et des associations : quelles redéfinitions des rapports au politique ? », Sociétés contemporaines, n°118, p.5-24.

Hély M., Moulévrier P. [2013], L’économie sociale et solidaire : de l’utopie aux pratiques, La Dispute, Paris.

Lambelet, A. [2014]. La Philanthropie. Paris : Presses de Sciences Po.

Lefevre S. [2011], ONG & Cie. Mobiliser les gens, mobiliser l’argent, PUF, coll. « Partage du savoir », 272 p.

Offerlé M., [2021], Ce qu’un patron peut faire. Une sociologie politique des patronats, Collection NRF Essais, Gallimard.

Pette M. [2014], « Associations : les nouveaux guichets de l’immigration ? Du travail militant en préfecture », Sociologie, vol. 5, p. 405-421.

Robelet M., Piovesan D., Claveranne J.-P., Jaubert G. [2009], « Secteur du handicap : les métamorphoses d’une gestion associative », Entreprises et histoire, n°56, p.85-97.

Salamon L. M. [2010], « Putting the civil society sector on the economic map of the world », Annals of Public and Cooperative Economics, n°81, p.167-210.

Tchernonog V., Prouteau L. [2007], Le paysage associatif français, Dalloz, Juris Edition.

Weerawardena J., McDonald R. E., Mort G. S. [2010], « Sustainability of nonprofit organizations: an empirical investigation », Journal of World Business, n°45, p.346-356.

Télécharger ici le livret des communications...

Session 1 : Les conséquences de la marchandisation sur le fonctionnement interne des associations : les normes d’action ainsi produites, les modes d’organisation du travail, les conditions de travail des salariés, les enjeux de gouvernance interne.

DEVETTER, L’ouverture à la concurrence des « services à la personne » : quel bilan pour les organisations, les salariés et les usagers de l’aide à domicile ?

ZAYTSEVA, BRONNIKOVA O., Les formations en sécurité pour les associations en Russie contemporaine : un “isomorphisme mimétique” avec le secteur privé ?

MARQUÉS, Perte de vitesse du fonctionnement associatif, professionnalisation et financiarisation : l’exemple des sports et loisirs équestres en France.

IORI, F. SARFATI, J. SIMHA, Les directeur.trice.s des entreprises associatives du secteur social et médico-social : des dominant.e.s dominé.e.s ?

Session  2 : 

Les conséquences de la marchandisation sur les fonctions d’advocacy des associations et la politisation des acteurs, à la fois les dirigeants bénévoles, les salariés et les bénévoles.

SORIAT, L. MANAC’H, C. FLOERSHEIM, G. GIRARD, « Aides face aux évolutions du financement associatif. Ethnographie d’un espace de professionnalisation de la lutte contre le sida »

LEFEBVRE, Résistances à la marchandisation et à la privatisation : le cas des maisons de jeunes membres de l’action communautaire autonome au Québec

BASSI, La marchandisation de l’accueil des exilés en Sicile. Dépolitisation ou usage politique de l’encampement ?

Les conséquences de la marchandisation sur les actions réalisées par les associations et leurs rapports aux usagers. 

AUBRY, « Privatiser l’assistance, sous-traiter la mise au travail : la prise en charge de migrant·es précarisé·es par l’État et le milieu associatif en Suisse romande »

JAFFRES, La marchandisation du secteur du handicap, une voie vers davantage d’inclusion en milieu ordinaire ?

AUBRY Agnès agnes.aubry@unil.ch

BASSI Marie bassi.marie@gmail.com

BRONNIKOVA Olga olga.bronnikova@univ-grenoble-alpes.fr

COTTIN-MARX Simon simoncma@gmail.com

DEVETTER François-Xavier francois-xavier.devetter@imt-lille-douai.fr

FLOERSHEIM Charlotte c.floersheim@gmail.com

GIRARD Gabriel gabriel.girard.info@gmail.com

HAMIDI Camille camillehamidi@hotmail.com

IORI Ruggero iori.ruggero@gmail.com

JAFFRES Fanny fanny.jaffres@ehesp.fr

LEFEBVRE Marie marie.lefebvre.2@umontreal.ca

MANACH Léo leopoldine.manach@gmail.com

MARQUES Hélène h.marques@univ-lyon2.fr

SIMHA Jules jules.simha@u-paris.fr

SARFATI François francois.sarfati@univ-evry.fr

SORIAT Clément csoriat@yahoo.fr

TRENTA Arnaud arnaudtrenta@hotmail.com

ZAYTSEVA Anna anna.zaytseva@univ-tlse2.fr