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CM 03

Comparer, croiser, globaliser : défis méthodologiques et dialogue transdiciplinaire

Comparison, interlinkage, globalization: methodological challenges and transciplinary dialogue

 

Responsables scientifiques :

Assia Boutaleb (Université Panthéon Sorbonne, CESSP) Assia.Boutaleb@univ-paris1.fr
Antoine Roger (Sciences Po Bordeaux, Centre Emile Durkheim) a.roger@sciencespobordeaux.fr

Amorcée de longue date, la réflexion épistémologique en matière de comparaison prend une nouvelle importance sous l’effet de quelques évolutions récentes et au regard de propositions nouvelles qui visent à dépasser le raisonnement comparatif et qui mettent plutôt l’accent sur des croisements, des connexions et des circulations Ces orientations appellent une discussion transdisciplinaire. Quels sont les usages, les défis et les mérites de la comparaison pour et dans les différentes disciplines ? La conversation méthodologique proposée invite à mutualiser les questionnements et les propositions que livrent aujourd’hui la science politique, la sociologie, l’anthropologie et l’histoire.

In comparative research, the epistemological reflections have been going on for a long time, but they have taken on new importance as a result of a of recent developments and in regard to new proposals that aim to go beyond comparative reasoning and instead emphasize crossings, connections and circulations. These orientations call for a transdisciplinary discussion. What are the uses, challenges and advantages of comparison in the different disciplines? The methodological conversation gives an opportunity to pool the questions and proposals put forward by political science, sociology, anthropology and history.

 

En matière de comparaison comme dans toute opération de recherche, les  préconisations méthodologiques sont de faible utilité si elles ne sont arrimées à une réflexion épistémologique solide : la maîtrise des méthodes et des techniques d’enquête ne dispense pas d’une réflexion sur le statut même de la comparaison. Amorcé de longue date, ce travail prend une nouvelle importance sous l’effet de quelques évolutions récentes – hors de l’espace académique aussi bien qu’en son sein.

Des institutions non scientifiques conçoivent en premier lieu la comparaison comme un mode de gouvernement : la mobilisation d’indicateurs chiffrés et la publication régulière  de classements leur permet de poser, sous couvert d’« objectivité », quelques cas en exemples et de pousser ailleurs à des réformes qui s’en inspirent. Les chercheuses et les chercheurs en sciences sociales s’alignent parfois sur ces proposition – par la simple reprise des nomenclatures et des statistiques officielles ou par l’intégration des hiérarchies que les institutions établissent pour leur propre compte. La recherche comparative peut alors offrir une caution scientifique à des raisonnements qui échappent à son contrôle et servir à un simple renforcement de la doxa. La question se pose de savoir comment évaluer ce risque et comment le contourner, et ce, dans les différentes disciplines des sciences sociales

Lorsque les comparaisons portent sur des objets dont les chercheuses et les chercheurs prétendent maîtriser entièrement la construction, un écueil subsiste en second lieu: la tentation immédiate est de mettre en rapport des entités cloisonnées, prises pour des évidences ; la démarche consiste alors à comparer terme à terme des États ou des groupes sans s’interroger sur la réalité de leurs frontières. D’aucuns en tirent argument pour formuler des propositions qui visent à dépasser le raisonnement comparatif et qui mettent plutôt l’accent sur des croisements, des connexions et des circulations. L’alternative consiste parfois à requalifier la démarche et à considérer qu’une recherche sur un terrain étranger suffit à engager une comparaison dans la mesure où elle impose de faire voyager des concepts au-delà de leur premier périmètre d’application et de réfléchir aux conditions de leur transposition.  Ces orientations appellent une discussion transdisciplinaire. Que ce soit en anthropologie, en histoire ou en sociologie, le procès dressé aux formes classiques de comparaison ne repose-t-il pas sur un amalgame trop rapide ? Ne conduit-il pas à se concentrer sur quelques formulations grossières et à ignorer des développements plus nuancés ?

Les difficultés identifiées dans les deux registres prêtent à des réflexions poussées dans plusieurs disciplines. La conversation méthodologique proposée invite à mutualiser les questionnements et les propositions que livrent aujourd’hui la science politique, la sociologie, l’anthropologie et l’histoire.

 

In comparative research, as in any research operation, methodological recommendations are of little use if they are not anchored in a sound epistemology : technical skills does not dispense with reflections on the very status of the comparison. These reflections have been going on for a long time, but they have taken on new importance as a result of a of recent developments – both within and outside the academic field.  

Non-scientific institutions use comparison primarily as a mode of government: the mobilization of statistics and the publication of rankings enable them to set a few cases as examples under the guise of ‘objectivity’ and to push for reforms inspired by them elsewhere. Social scientists sometimes align themselves with these proposals – by taking up official nomenclatures and statistics or by incorporating the hierarchies that institutions establish on their own behalf. Comparative research may then offer a scientific credibility to reasoning that is beyond its control and reinforce the doxa. The question is how to assess this risk and how to circumvent it, in the various disciplines of the social sciences

When comparisons are made of objects whose construction the researchers claim to have complete control over, a second pitfall arises: the immediate temptation is to relate closed entities, taken as self-evident; the approach then consists of comparing states or groups term by term without questioning the reality of their borders. Some social scientists use this as an argument to formulate proposals that aim to go beyond comparative reasoning and instead emphasize crossings, connections and circulations. The alternative sometimes consists of redefining the approach and considering that research in a foreign field is sufficient to initiate a comparison insofar as it requires concepts to travel beyond their initial scope and to reflect on the conditions for their transposition.  These orientations call for a transdisciplinary discussion. Whether in anthropology, history or sociology, is the trial of the classical forms of comparison not based on a too rapid amalgam? Doesn’t it lead to a focus on a few crude formulations and ignore more nuanced developments?

The difficulties pointed out in the two registers lend themselves to in-depth reflection in several disciplines. The methodological conversation gives an opportunity to pool the questions and proposals put forward by political science, sociology, anthropology and history.

 

Références / References

  • BAILEY, Nicholas et WINCHESTER, Nik. Islands in the stream: revisiting methodological nationalism under conditions of globalization. Sociology, 2012, vol. 46, no 4, p. 712-727
  • BOSCHETTI Anna, « Pour un comparatisme réflexif », in BOSCHETTI Anna (dir.), L’espace culturel transnational, Paris, Nouveau Monde éditions, 2010, p. 8-51
  • CANDEA, Matei. Comparison in anthropology. The impossible method, Cambridge, Cambridge University Press, 2019.
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  • FREEMAN Richard, MANGEZ Eric, “For a (self-)critical comparison”, Critical Policy Studies, 2013 Vol. 7, No. 2, 198–206
  • FRIEDMAN Susan Stanford, “Why not compare ?”, in FELSKI Rita, FRIEDMAN Susan, Comparison: theories, approaches, uses, Baltimore, John Hopkins University Press, 2013
  • HAUPT Heinz-Gerhard, KOCKA Jürgen, “Comparison and Beyond. Traditions, Scope, and Perspectives of Comparative History”, in HAUPT Heinz-Gerhard, KOCKA Jürgen (eds.), Comparative and Transnational History, New York, Berghahn Books, 2009, p. 1-30
  • JACKSON Patrick Thaddeus & NEXIN Daniel, “Globalisation, comparative method and comparing constructions”,  in GREEN Daniel M., Constructivism and comparative politics, ME Sharpe, 2002
  • KOCKA Jürgen, «Les approches comparées face à la globalisation ». Sociologie du travail, 55(2), 2013, p. 237-244
  • LEMIEUX « Faut-il en finir avec le comparatisme ? », L’Homme, vol. 229, no. 1, 2019, pp. 169-184
  • SCHULTHEIS Franz, « Comme par raison. Comparaison n’est pas toujours raison. Pour une critique sociologique de l’usage social de la comparaison interculturelle », Droit et société, n° 11-12, 1989, p. 219-243
  • SEIGEL Micol, “Beyond Compare: Comparative Method after the Transnational Turn”, Radical History Review, n°94, 2005, p. 62-90
  • WERNER Michael, ZIMMERMANN Bénédicte (dir.), De la comparaison à l’histoire croisée, Paris, Seuil, 2004
  • YENGOYAN Aram, “Comparison and its discontents”, in YENGOYAN Aram (ed.), Modes of Comparison: Theory and Practice, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2006, p. 137-158

Didier Demazière, CSO-CNRS

Antoine Perrier, IREMAM-CNRS

Marie-Helène Sa Vila Boas, Université de Nice Sophia-Antipolis, ERMES

Magdalena Hadjisky, IEP de Strasbourg, SAGE

BOUTALEB Assia Boutaleb Assia.Boutaleb@univ-paris1.fr

DEMAZIERE Didier d.demaziere@cso.cnrs.fr

HADJISKY Magdalena mhadjiisky@unistra.fr

PERRIER Antoine antoine.perrier@sciencespo.fr

ROGER Antoine Roger a.roger@sciencespobordeaux.fr

SA VILA BOAS Marie-Helène marie-helene.sa-vilas-boas@unice.fr