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ST 59

Les critères de discrimination: analogies, circulations, singularités

Criteria of discrimination: analogies, circulations, singularities

 

Responsables scientifiques :

Hugo Bouvard (Université Paris Est Créteil/IMAGER) hugo.bouvard@u-pec.fr
Juliette Galonnier (Sciences Po/CERI) juliette.galonnier@sciencespo.fr
Daniel Sabbagh (Sciences Po/CERI) daniel.sabbagh@sciencespo.fr

Section thématique organisée par le groupe Inégalités et discriminations de l’AFSP.

 

Le droit français reconnaît actuellement vingt-cinq critères de discrimination. Il s’agit de l’âge ; du sexe ; de l’origine ; de l’appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une prétendue race ; de la grossesse ; de l’état de santé ; du handicap ; des caractéristiques génétiques ; de l’orientation sexuelle ; de l’identité de genre ; des opinions politiques ; des activités syndicales ; des opinions philosophiques ; des croyances ou de l’appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée ; de la situation de famille ; de l’apparence physique ; du nom ; des mœurs ; du lieu de résidence ; de la perte d’autonomie ; de la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique ; de la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français ; et de la domiciliation bancaire. La loi interdit de discriminer selon ces critères dans différents domaines (accès à l’emploi, accès au logement, accès aux lieux accueillant du public, éducation, formation, etc.).

Prenant acte du cadre juridique français sans toutefois s’y limiter, cette session du groupe « Inégalités et discriminations » réunit des politistes, des juristes et des sociologues qui s’interrogeront de manière critique et comparative sur les affinités, les analogies, et les différences irréductibles entre critères de discrimination. En quoi être discriminé en raison de son genre ou de son handicap est-il différent ou similaire au fait de l’être en raison de sa race supposée ? Les discriminations à raison de la sexualité sont-elles l’objet d’un régime spécifique ? Plus généralement, la mutabilité – inévitable (âge) ou potentielle (religion, « vulnérabilité économique », etc.) – de certains critères induit-elle une différenciation du droit et des politiques antidiscriminatoires ? Quelles sont les implications – juridiques, mais aussi politiques et sociales – de la distinction entre, d’une part, des critères analogues de par leur caractère communément perçu comme inné et difficilement contrôlable (origine, caractéristiques génétiques, sexe…), et d’autre part, ceux dont la variabilité est censée résulter de l’exercice d’une liberté (religion, grossesse…), fût-elle relative ?

Plusieurs contributions exploreront la manière dont le droit et les politiques publiques se saisissent des discriminations établies à raison de différents critères. À partir de terrains d’enquête français, belges ou européens, les auteurs réfléchiront aux transpositions (effectives ou potentielles) entre critères, ainsi qu’aux effets de la circulation d’un même critère de discrimination dans différents régimes juridiques. En détaillant comment la jurisprudence se saisit des discriminations à raison de la grossesse, des opinions philosophiques, de la race ou de la religion, ils et elles mettront en lumière le plus ou moins grand « succès » des plaintes pour discrimination selon les critères invoqués, ainsi que les obstacles qui empêchent la diffusion d’instruments de régulation d’un critère à l’autre.

Des contributions à visée comparative examineront aussi les modalités contrastées ou convergentes de l’expérience des discriminations selon le critère de distinction mobilisé (race, genre, religion, orientation sexuelle, etc.). Elles montreront l’existence de singularités irréductibles ou au contraire d’homologies structurales, tout en réfléchissant aux modalités de l’articulation de différents critères dans les processus d’altérisation et de production de stigmate(s).

La discussion collective qui suivra permettra de réfléchir aux implications de ces résultats sur les mobilisations antidiscriminatoires. Dans un espace des mouvements sociaux caractérisé par une relative autonomie et par des mobilisations qui oscillent entre coopération, coalition, rivalité ou concurrence, comment s’articulent les entreprises militantes visant à lutter contre une, des, ou « les » discriminations ? Les participants à la session pourront s’interroger sur les alliances et la transposition de répertoires d’action entre différentes luttes antidiscriminatoires et les obstacles qu’elles rencontrent. Plus largement, on examinera les implications de ces analogies et distinctions pour la définition même des concepts de race, de genre, de religion et de sexualité (entre autres), tels qu’employés en sciences sociales.

 

French law currently recognizes twenty-five criteria of discrimination. These are age; sex; origin; membership or non-membership, real or assumed, of an ethnic group, nation or so-called race; pregnancy status; health status; disability; genetic characteristics; sexual orientation; gender identity; political opinions; trade union activities; philosophical opinions; family status; physical appearance; beliefs or membership or non-membership, real or assumed, of a particular religion; family status; physical appearance; name; customs; place of residence; loss of autonomy; particular vulnerability resulting from the person’s apparent or known financial circumstances; ability to express oneself in a language other than French; and bank address. The law prohibits discrimination based on these criteria in various fields (access to employment, access to housing, access to places open to the public, education, training, etc.).

Recognizing this French legal framework (but not being limited to it), this event organized by the “Inequalities and Discriminations” group brings together political scientists, legal scholars and sociologists who will critically and comparatively examine the affinities, analogies and irreducible differences between discrimination criteria. How is discrimination because of one’s gender or disability different or similar to discrimination because of one’s supposed race? Is there a specific regime for discrimination on the basis of sexuality? More generally, does the mutability – inevitable (age) or potential (religion, “financial circumstances”, etc.) – of certain criteria lead to a differentiation in anti-discrimination law and policy? What are the implications – legal, but also political and social – of the distinction between criteria that are analogous because of their commonly perceived innate or difficult to control qualities (origin, genetic characteristics, sex…), and those whose variability is supposed to result from the exercise of a – relative – freedom (religion, pregnancy…)?

Several contributions will explore the way in which law and public policies deal with discrimination based on different criteria. Drawing upon French, Belgian or European fields of investigation, the authors will reflect on the transpositions (actual or potential) between criteria, as well as the effects of the circulation of a same criterion of discrimination in different legal systems. By detailing how case law deals with discrimination on the grounds of pregnancy, philosophical opinion, race or religion, they will highlight the greater or lesser “success” of discrimination complaints depending on the criteria invoked, as well as the obstacles that prevent the dissemination of regulatory instruments from one criterion to another.

Comparative contributions will also examine the contrasting or converging modalities of the experience of discrimination according to the criterion of distinction used (race, gender, religion, sexual orientation, etc.). They will show the existence of irreducible singularities or, on the contrary, of structural homologies, while reflecting on the modalities of the articulation of different criteria in the processes of alteration and production of stigma(s).

The collective discussion will allow us to reflect on the implications of these results for anti-discriminatory mobilizations. In a space of social movements characterized by a relative autonomy and mobilizations that oscillate between cooperation, coalition, rivalry or competition, how do activists fight against one, some, or “all” discriminations? Participants in the session will be able to question the alliances and the transposition of repertoires of contention between different anti-discrimination struggles and the obstacles they encounter. More broadly, we will also examine the implications of these analogies and distinctions for the very definition of the concepts of race, gender, religion, and sexuality (among others) as used in the social sciences.

Axe 1 / Les critères de discrimination saisis par le droit : diversité ou inégalité ?

Michel Miné (LISE/Cnrs/Cnam), Critères de discrimination : une (trop ?) grande diversité de régimes juridiques. Illustrations dans le domaine de l’emploi et du travail

Julie Ringelheim (FNRS/UCLouvain), Olivier Struelens (UCLouvain) et Jogchum Vrielink (USL-B), La prise en charge judiciaire des discriminations : des différences de traitement entre critères protégés ?

Emmanuel Quernez (EHESS et Université de Rennes 1), Le devenir des recours judiciaires pour discrimination raciale dans l’emploi : une attrition excessive et spécifique ?

Amandine Le Bellec (Sciences Po/CEVIPOF et Université de Trente/SIS), Les chemins détournés de la non-discrimination. Circulations du critère “d’identité de genre” dans les politiques publiques européennes et usages stratégiques du droit d’asile

Axe 2 / Comparer les discriminations d’un critère à l’autre : perspectives sociologiques

Tana Bao (Université de Paris/URMIS) et Pierre-Olivier Weiss (Université Côte d’Azur), Discriminations dans la population estudiantine (genre, ethnicité, classe). Exploitation d’une enquête dans deux universités françaises

Margot Dazey (Institut d’études avancées de Toulouse) et Elodie Druez (Université de Strasbourg/Sage), La religion, par-delà la race ? Les expériences de minoration de personnes musulmanes et non musulmanes d’origine maghrébine et ouest-africaine

Hugo Bouvard (Université Paris Est Créteil/IMAGER) et Margot Dazey (Institut d’études avancées de Toulouse), Gays et musulmans face à la “doxa républicaine” dans les champs associatif et politique. Des stratégies de conformation convergentes, des processus de minorisation distincts

Elise Marsicano (Université de Strasbourg/Sage), La sexualité, un critère de discrimination comme les autres ?

BAO Tana baotana2013@gmail.com

BOUVARD Hugo hugo.bouvard@u-pec.fr

DAZEY Margot margot-dazey@hotmail.fr

DRUEZ Elodie elodie.druez@sciencespo.fr

GALONNIER Juliette juliette.galonnier@sciencespo.fr

LE BELLEC Amandine amandine.lebellec@sciencespo.fr

MARSICANO Elise marsicano@unistra.fr

MINE Michel michel.mine@lecnam.net

QUERNEZ Emmanuel emmanuel.quernez@ehess.fr

RINGELHEIM Julie julie.ringelheim@uclouvain.be

SABBAGH Daniel daniel.sabbagh@sciencespo.fr

STRUELENS Olivier olivier.struelens@uclouvain.be

VRIELINK Jogchum jogchum.vrielink@usaintlouis.be

WEISS Pierre-Olivier weiss.po@gmail.com